EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 23 – 10 JUIN 2019
LA SEMAINE DU PRATICIEN INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
« La connaissance de la gravité de la situation écologique et sanitaire est désormais très largement partagée »
3 questions à Corinne Lepage, avocate associée, Huglo Lepage Avocats et ancienne ministre de l’Environnement

Pourriez-vous nous présenter cette 11 e édition ? Quelles sont ses particularités et son originalité ?
La 11 e édition du Code de l’environnement est tout d’abord la première à faire l’objet d’une coédition LexisNexis/Huglo Lepage Editions. Mais, et avant tout, c’est une édition profondément remaniée par rapport aux précédentes, grâce en particulier à l’intervention du professeur Philippe Billet qui a repris l’immense majorité du livre III consacré aux installations classées. Le droit de l’environnement a beaucoup évolué depuis la 10 e édition qui en réalité était à jour au début de l’année 2017. L’évaluation environnementale, l’autorisation unique, l’évolution de la législation sur la biodiversité sont autant de domaines nouveaux pour lesquels le code apporte les premières jurisprudences.
Lors de la conférence de presse, vous avez indiqué que ce code arrivait à un moment clé de l’évolution du droit de l’environnement. Pourriez-vous expliciter ce point ?
Le droit de l’environnement subit aujourd’hui les conséquences de multiples transformations, à l’échelle internationale communautaire et nationale. À l’échelle internationale, les bouleversements liés aux dérèglements climatiques et à l’engagement de la sixième extinction des espèces appellent de la part des États des efforts considérables qu’ils ne sont pas nécessairement décidés à engager. Les opinions publiques sont de plus en plus mobilisées et plus de 1200 procès climatiques sont en cours de même que des milliers de procès « sanitaires » sont engagés pour faire reconnaître la toxicité d’un certain nombre de produits en particulier les pesticides et le lien de causalité avec des pathologies en croissance exponentielle. Au niveau communautaire, la mandature qui vient de s’achever a été très riche sur le plan du climat et ses applications au domaine de l’énergie, du transport, de l’aménagement de l’espace etc. De même, les débats très polémiques autour des modalités de fonctionnement de l’EFSA, des organismes nationaux de sécurité alimentaire et sanitaire et de la Commission européenne ont donné lieu à de très profondes évolutions. Le Code de l’environnement subit donc doublement les effets de ces transformations à la fois dans les changements législatifs et réglementaires mais aussi dans des évolutions jurisprudentielles très prometteuses.
Mais, dans le même temps, ces évolutions se heurtent à une volonté politique de déconstruction du droit de l’environnement tel que nous l’avons connu depuis 30 ans et qui a été considéré comme un progrès. Ainsi, la suppression envisagée ou actée d’un certain nombre de modes de participation du public (enquête publique, CNDP…) vise-t-elle à réduire, sous prétexte de simplification administrative, des garanties acquises de haute lutte pour permettre une réelle participation du public à la prise de décision, participation qui est exigée au niveau du droit communautaire. La réduction massive du champ des études d’impact et de l’évaluation environnementale, la réduction du champ de compétence de l’autorité environnementale constituent autant de régressions du droit de l’environnement lui même dans la mesure où la qualité de la prise de décision est mise en cause. Quant au contentieux, pourtant garanti par la convention d’Aarhus, il ne cesse de subir des modifications destinées à réduire son accès et son effectivité. Ainsi, se trouve-t-on dans un état de paradoxe extrême où les exigences de la société sont de plus en plus grandes, les garanties du droit de l’environnement de plus en plus modestes sous prétexte de simplification et le recours au juge de plus en plus fréquent pour obtenir l’application d’un droit que les États refusent d’appliquer…

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck