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EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 5 – 3 FÉVRIER 2020
« Quels sont les impacts de la réforme de la procédure civile sur l’activité de l’avocat et les conditions d’accès à la justice ? »
3 questions à Emmanuelle Vajou, avocate, présidente de Lexavoué
Promulguée le 23 mars 2019, la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice a pour ambition d’offrir une justice plus lisible, plus accessible et plus rapide. Pour l’essentiel, les décrets n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 portant réforme de la procédure civile et n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires, parachèvent l’importante réforme dessinée par la loi. Échanges avec Me Vajou sur l’impact de la réforme sur l’activité de l’avocat.

La réforme de la procédure civile favorise-t-elle un accès simple à la justice ?
Sur une réforme de cette ampleur, il n’est pas possible de répondre à cette question de façon monolithique, alors … Oui , l’introduction de l’instance est simplifiée puisqu’il ne subsiste plus que 2 modes de saisine : l’assignation et la requête – le législateur ayant supprimé la déclaration au greffe (sauf en appel et en cassation) – et la présentation volontaire.
Oui et non, s’il apparaît plus simple de n’avoir plus qu’un tribunal judiciaire avec une nouvelle répartition des compétences matérielles, la constitution d’un bloc de compétences attribuées au tribunal de proximité, les fonctions particulières accordées au nouveau juge des contentieux de la protection, au JEX… méritent un examen approfondi avant de lancer un procès. Si l’avocat y parvient, le justiciable éprouvera sûrement, dans les matières sans représentation obligatoire, bien des difficultés à se retrouver dans la liste des 66 compétences attribuées exclusivement au tribunal de proximité (V. COJ, art. D. 212-19-1).
À cela s’ajoute la liste des compétences matérielles exclusives et celles relevant d’une liste de matières de spécialisation attribuées à certains tribunaux désignés. Une telle politique de spécialisation ne simplifie pas l’accès à la justice, elle éloigne même le justiciable de sa juridiction dans les matières concernées qui ne sont pas, contrairement au « mobile » avancé, de faible volumétrie, ni toutes suffisamment spécifiques pour justifier cette réforme.
Non, en imposant, à peine d’irrecevabilité pour les demandes relatives à un conflit de voisinage ou inférieures à 5 000 €, le recours préalable à une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative ; le législateur complique et retarde l’accès à la justice. C’est problématique par exemple pour les contentieux de recouvrement de charges de copropriété. Par ailleurs les avocats mesurent le risque évident que ce premier pas vers une déjudiciarisation soit suivi d’un élargissement du domaine du recours amiable préalable obligatoire.
C’est ce même air de déjudiciarisation qui souffle avec l’extension du domaine permettant au juge de délivrer injonction aux parties de rencontrer un médiateur, même en référé…
Non, enfin avec l’exécution provisoire de droit des décisions rendues dans les instances introduites à compter du 1 er janvier 2020 qui aura pour effet immédiat de limiter l’accès aux cours d’appel, car lorsqu’une partie aura exécuté la décision de 1 re instance, elle n’engagera ensuite que très rarement des frais pour faire appel, même si son recours devait être fondé.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck