EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 46 – 11 NOVEMBRE 2019
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« Les parlementaires alsaciens ont demandé que la légitimité du droit local soit incluse dans la prochaine réforme constitutionnelle »
3 questions à Jean-Marie Woehrling, président de l’Institut du droit local
La première édition du Code du droit local alsacien mosellan sera disponible le 15 novembre prochain. Réalisé sous la direction de Jean-Marie Woehrling et d’Éric Sander, respectivement président et secrétaire général de l’Institut du droit local, et fruit d’une collaboration étroite avec LexisNexis, il présente l’ensemble le plus complet à ce jour des textes législatifs et règlementaires particuliers applicables en Alsace et en Moselle, dans leur rédaction en vigueur (au 1er septembre 2019). La sortie de cet ouvrage est l’occasion de faire un point avec le président Woehrling sur ce droit particulier, qui présente bien des atouts et offre de nombreuses perspectives !

Alors qu’est commémoré son centenaire, le droit local applicable dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle connaît des bouleversements institutionnels (créations de la région Grand Est en 2015 et de la Collectivité européenne d’Alsace en 2021). Ce droit est-il à un tournant de son histoire ?
La loi du 17 octobre 1919 « relative au régime transitoire de l’Alsace et de la Lorraine » fête ses 100 ans. Son article 3 prévoyait que les dispositions législatives et réglementaires qui y étaient alors en vigueur continueraient provisoirement à régir les territoires recouvrés. Un siècle après, le droit local existe encore ! Selon des sondages répétés, les populations concernées y sont très largement attachées et y voient un élément emblématique de l’identité régionale. Ni la création de la Région « Grand Est », ni celle de la Collectivité européenne d’Alsace n’ont modifié la situation car le droit local est un droit national d’application territoriale et non une compétence des collectivités territoriales. Mais le Conseil constitutionnel ne trouve pas de motif d’intérêt général ou de circonstance particulière justifiant l’existence d’un droit local vivant et évolutif. Il ne lui accorde qu’un droit de survie transitoire dans le cadre d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République ». Cette jurisprudence qui limite sensiblement la possibilité d’évolution du droit local a réveillé l’inquiétude quant à son avenir et les parlementaires alsaciens ont demandé que la légitimité du droit local soit incluse dans la prochaine réforme constitutionnelle. Si cette demande était prise en compte, le droit local serait effectivement à un tournant de son histoire. Il pourrait se développer en fonction des attentes et des besoins des populations concernées.
Le droit local alsacien mosellan peut-il servir de modèle pour sa généralisation à l’ensemble du territoire national ?
Beaucoup de dispositions de droit local ont servi d’inspiration pour la modernisation du droit « général » (sécurité sociale, autonomie communale, droit des sociétés, procédure civile, etc.). Encore aujourd’hui certaines solutions du droit local pourraient être généralisées à l’ensemble du territoire (organisation des juridictions commerciales, partage judiciaire, pleine capacité juridique des associations, publicité foncière, etc.). Mais c’est sur un autre plan que le droit local peut servir, non pas de modèle mais d’inspiration pour l’ensemble du territoire national : il illustre l’idée de différenciation territoriale dont on parle de plus en plus aujourd’hui. Le droit local montre qu’il peut exister des règles originales pour certaines parties du territoire sans que l’unité républicaine ou la cohésion nationale soit mise en péril. Un droit régional adapté au contexte historique ou géographique local peut au contraire constituer une source de dynamisme et un facteur d’intégration. Ainsi le statut cultuel local de l’Alsace et de la Moselle correspond mieux à leur vécu historique que le régime de la loi de 1905…

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck