Extrait de la revue mensuelle LexisNexis Jurisclasseur : DROIT PÉNAL
3 Vitres teintées : avis de relaxes au tribunal de police
Trois questions à Sébastien DUFOUR
Entretien avec Sébastien DUFOUR, avocat au barreau de Paris
Depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2017, du décret n° 2016-448 du 13 avril 2016, l’article R. 316-3 du Code de la route interdit les vitres teintées à l’avant des véhicules en dessous du seuil de 70%de transmission de la lumière. Avocat en droit de l’automobile et de la circulation routière, Me Dufour estime que le texte est inapplicable.
Droit pénal : Quel est votre moyen de défense des automobilistes verbalisés pour « vitres teintées » sur le fondement de l’article R. 316-3 du Code de la route ?
Sébastien Duffour : Et bien avant toute chose on fait du droit. Qu’on estime que la vitre est totalement opaque ou pas, l’infraction ne se caractérise pas par la subjectivité mais par un chiffre. En l’occurrence, à 29% on est en règle et à 31% d’opacité, on est en infraction. Or le tribunal n’a pas des « yeux bioniques » pour l’apprécier ! À partir du moment où l’infraction est caractérisée par un élément mathématique il appartient à l’autorité de poursuite de rapporter une preuve mathématique.
C’est exactement comme en matière d’excès de vitesse ou comme avec les seuils d’alcoolémie, contraventionnels à 0,25 mg, délictuels à partir de 0,40. On aurait tout à fait pu laisser la caractérisation de l’infraction à l’appréciation subjective des services de police comme dans l’ancienne rédaction du texte, faisant simplement référence à « une transparence suffisante » du parebrise. Une verbalisation subjective aurait alors été suffisante, constatant l’impossibilité d’identification du conducteur, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en réalité, on veut pouvoir identifier celui qui est au volant, voire son passager. Mais le législateur a fait le choix de fixer un taux, dès lors le parquet doit en rapporter la preuve.
« Il faut sans doute s’attendre à des relaxes en série »
Dr. pén. : C’est donc la rédaction du texte d’incrimination qui est en cause ?
S. D. : De plus en plus les textes sont tellement mal rédigés qu’ils sont inapplicables. En l’espèce je considère que l’alinéa 2 de l’article R. 316-3 anéantit la portée du texte. Il n’est tout simplement pas applicable et ce sera à la Cour de cassation de le confirmer. Pour ma part je savais dès la naissance du texte qu’il conduirait à des relaxes et il faut sans doute s’attendre à des relaxes en série devant le tribunal de police. Les magistrats sont
les premiers embarrassés par ces textes rédigés n’importe comment. Un magistrat est là pour juger en droit, pas pour faire de l’abattage. Or le juge ne peut pas juger sans aucun élément factuel avec des dossiers vides, sur la seule base d’un code NATINF !
Dr. pén. : Existe-il des appareils permettant de contrôler le taux d’opacité des vitres autorisé par le Code de la route ?
S. D. : Il existe des appareils mais aucun n’est homologué par l’État ou par l’UTAC. Certaines brigades de gendarmerie ont pu acheter des appareils mais sans aucune valeur réglementaire.
L’absence d’appareil homologué pose aussi problème en matière de contrôle technique car certains centres de contrôle exigent des contre visites sans aucune légitimité et de leur propre chef, obligeant les automobilistes à faire dé-filmer à leurs frais les vitres de leurs véhicules. Or pas plus que les agents verbalisateurs, ces centres ne disposent d’appareil homologué. J’envisage donc une sorte de « class action » contre les contrôleurs techniques, c’est la prochaine étape.
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DROIT PÉNAL – N° 11 -NOVEMBRE 2017 © LEXISNEXIS SA
DROIT PÉNAL – REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR
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AUTEUR(S) : Philippe Conte, Albert Maron, Jacques-Henri Robert