Extrait de : La Semaine Juridique Édition Générale N°21 – 22 Mai 2017
ASSURANCE-VIE
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Refus de transmission de QPC sur le revirement relatif à l’abus du droit de renonciation en assurance-vie
Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question sur la conformité de l’article L. 132-5-1 ancien du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994, applicable aux faits de la cause, et de l’article L. 132-5-2 ancien du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour de cassation issue des arrêts de revirement du 19 mai 2016, aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier au principe d’intelligibilité de la loi, à la garantie des droits et au principe de la liberté contractuelle et du droit au maintien des conventions et contrats légalement conclus, découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
DAVID NOGUÉRO, professeur à l’université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité (IDS – UMR-INSERM 1145)
Cass. 2 e civ., 27 avr. 2017, n° 17-40.027, P+B+R : JurisData n° 2017-007879
Cass. 2 e civ., 27 avr. 2017, n° 17-40.028, D : JurisData n° 2017-008405
La prorogation de la faculté de renonciation au contrat d’assurance-vie est à nouveau à l’honneur avec deux décisions importantes, du même jour, de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui, à la suite du revirement du 19 mai 2016 de la même chambre, refuse de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de souscripteurs, à l’occasion d’une instance en cours, possibilité ouverte par l’article 61-1 de la Constitution de 1958. Peu versé en subtilité juridique, le citoyen pourrait s’étonner que celui qui est créateur d’une « norme », soit également le cerbère unique qui autorise ou non la transmission de la critique de son activité (d’une certaine manière) à une autorité supérieure, chargée elle de contrôler la constitutionnalité des lois (y compris sous l’aspect droits fondamentaux), à côté d’un contrôle de conventionalité, strasbourgeois mais non local, de la CEDH. Le malaise peut exister. Le juriste souvent incompris lui expliquera la complexité de la création du droit – avec l’image poétique des sources concurrentes qui interagissent – et le respect de la procédure afin de vérifier que la loi, certes interprétée par les juridictions, est susceptible de passer le tamis de certains contrôles seulement dans certaines conditions. Aura-t-il dissipé, pour autant, le doute populaire sur le fait qu’on ne peut être juge et partie, et que tout pouvoir doit connaître sa limite et son contrôle ? En arrière-plan, cela pourrait faire ressortir que la compétence technique est probablement insuffisante pour occulter le débat de fond relatif à la légitimité démocratique pour créer des règles de droit avec ses conséquences en termes de responsabilité à prévoir et de lobbying à contrecarrer. Dans les deux affaires, il s’agit de souscripteurs qui ont exercé en 2012 leur faculté prorogée de renonciation au contrat d’assurance-vie en unités de compte, ouverte en cas de manquement avéré de l’assureur au formalisme de l’obligation précontractuelle d’information. Dans le premier cas, deux souscriptrices ont, respectivement, souscrit auprès de Generali Vie les 13 décembre 2003 et 16 novembre 2007, puis renoncé les 15 et 23 mai 2012 ( n° 17-40.027, préc. ). Dans le second cas, le souscripteur a souscrit auprès de la société La Mondiale Europartner les contrats les 10 février 1997 et 26 juin 1998, et a renoncé le 15 octobre 2012 ( n° 17-40.028, préc. ). L’assureur a refusé, à chaque fois, la restitution des sommes d’où la procédure engagée et la QPC dans une instance en cours présentée par les parties. D’emblée, il faut relever que la conclusion de la police comme l’exercice de la faculté de renonciation sont antérieurs à la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 ( JO 31 déc. 2014, p. 23238 ) , en vigueur au 1 er janvier 2015, et non interprétative, qui a introduit l’exigence de bonne foi du souscripteur afin qu’il puisse désormais bénéficier de la prorogation du délai pour renoncer. Le bris de jurisprudence a été évoqué. De même, l’exercice de la renonciation est antérieur au revirement de mai 2016 , qui a contredit une jurisprudence ferme depuis 2006, constante et réitérée, malgré la critique doctrinale qui en était faite (V. sur ces évolutions jusqu’en 2016, D. Noguéro, La bonne foi comme condition de la prorogation du droit de renonciation en assurance-vie. Entre l’amont et l’aval : RRJ, PUAM, 2015-4, p. 1425 ). L’alignement de la jurisprudence – rétroactif grâce au revirement – sur la solution législative nouvelle a été approuvé par la plupart des auteurs et par les assureurs. Le fondement de l’abus (…)
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck