La systématisation judiciaire de la résidence alternée

La Semaine Juridique Edition Générale n°24

LA SEMAINE DU DROIT EN RÉGION

Cour d’appel de Chambéry
ATELIER RÉGIONAL DE JURISPRUDENCE
AUTORITÉ PARENTALE

La systématisation judiciaire de la résidence alternée

CA Chambéry, 3 e ch., 23 janv. 2017, n° 16/01361 : JurisData n° 2017-000892
Guillaume KESSLER, maître de conférences à l’université de Corse, EA Patrimoine et entreprises

À défaut de réforme législative en ce sens, la pratique judiciaire semble aujourd’hui caractérisée par une volonté de généraliser la résidence alternée ( S. Ben Hadj Yahia, Conditions et effets de la résidence alternée : Dr. famille 2016, étude 20 ). Longtemps subordonnée à des critères subjectifs tels que la capacité des parents à s’entendre ou à dialoguer, cette mesure destinée à garantir le respect de la logique de coparentalité peut ainsi être mise en oeuvre lorsque les parents n’y adhèrent pas comme l’a affirmé la cour d’appel de Chambéry dans son arrêt rendu le 23 janvier 2017. Réformant l’ordonnance qui avait fixé la résidence habituelle d’un enfant âgé de 3 ans au domicile de sa mère, la cour a considéré que le critère capital qui devait guider la décision du juge aux affaires familiales devait être le seul intérêt de l’enfant. Reprenant un par un les arguments qui avaient convaincu le premier juge d’exclure cette solution, elle a estimé que l’enfant était de toute façon tout autant confronté au conflit parental à l’occasion d’un autre mode de résidence et que la capacité des parents à occulter leurs difficultés relationnelles n’était pas en lien avec le système de résidence alternée. Les contraintes objectives, comme l’âge de l’enfant ou la disponibilité des parents pour le prendre en charge sans l’aide d’un tiers, n’ont pas été jugées plus convaincantes. Selon la cour de Chambéry, le premier critère reviendrait à refuser systématiquement un mode de résidence alternée pour de jeunes enfants et à attribuer ipso facto la résidence à la mère tandis que le second conduirait à privilégier systématiquement le parent qui ne travaille pas, ou qui travaille le moins. Même si elle n’est pas évoquée en l’espèce, la seule contrainte dirimante reste finalement l’éloignement géographique : même si, pour reprendre la formulation utilisée, « l’intérêt de l’enfant est de préserver la continuité et l’effectivité des liens avec chacun de ses parents (…) et non de privilégier le lien avec un seul de ses parents, dès l’instant où l’enfant n’est plus un nourrisson et est ainsi capable de se détacher au quotidien du lien maternel », la distance entre les domiciles des parents peut constituer un obstacle insurmontable dans la mesure où l’enfant ne peut être scolarisé en alternance dans deux établissements distincts. La systématisation de la résidence alternée se heurtera ainsi toujours, qu’on le veuille ou non, au mur de la réalité ( G. Kessler, Les conséquences du déménagement de l’un des parents sur la détermination de la résidence habituelle de l’enfant : Dr. famille 2016, dossier 12 ).

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°24  – 12 JUIN 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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