La Semaine Juridique Edition Générale n°28 – 10 Juillet 2017
ÉDITO
Philippe Malinvaud
Un vent de moralisation devrait désormais souffler sur nos élus, vent rapidement remplacé par un “choc de confiance”
Il est fort probable que, quelle que soit l’époque, les hommes politiques – à l’exception du général de Gaulle – ont toujours eu le même comportement, notamment à l’égard de l’argent. C’était déjà le cas sous la royauté, mais il n’y avait pas alors de gazette susceptible d’ébruiter ce qui se passait en haut lieu. Cette discrétion des médias à l’égard des facéties financières ou sexuelles de nos hommes politiques s’est longtemps perpétuée. Voici quelque trente années, c’eut été de mauvais goût d’en faire état dans les journaux si bien que le grand public ignorait si certains hommes politiques n’abusaient pas de leur position pour en tirer quelque avantage. Mais la ligne de partage entre les avantages de la fonction et les avantages indus peut parfois s’avérer poreuse. Chacun sait aujourd’hui qu’un président avait installé son amie et sa fille dans ce qu’on pourrait considérer comme un palais de la République. À l’époque les médias le savaient certainement mais nul n’en soufflait mot, peut-être parce que c’eut été porter atteinte à l’intimité de la vie privée. Tout cela se passait discrètement et il convient d’ajouter qu’alors le président n’enfourchait pas son scooter pour rendre visite à sa belle en catimini. Aujourd’hui un « canard » en ferait probablement des gorges chaudes en sous-entendant que c’est là un détournement de fonds publics ou quelque chose de ce genre. Dans un genre différent, et passant cette fois-ci de gauche à droite, il y a bien eu une affaire de diamants, une sorte de cadeau d’usage peut-être, dont on a parlé quelque temps avant qu’elle ne tombe dans l’oubli. Aujourd’hui tout a changé. Est-ce l’effet de la mondialisation ou d’un choc de culture, les médias s’en donnent à coeur joie, souvent à juste titre. Il n’est pas courant en effet qu’un ministre du Budget commette – « les yeux dans les yeux » – devant la France entière un gros mensonge sur l’existence de son compte caché en Suisse et qu’un secrétaire d’État se déclare allergique à la bureaucratie au point de ne pas faire de déclarations fi scales… C’est ainsi également qu’on a appris qu’il était de coutume pour nos élus de choisir comme attachés parlementaires son conjoint, ses enfants, éventuellement mineurs, son ami(e), etc. dont certains seraient rémunérés pour un emploi fictif ; qu’il était aussi d’usage de se faire offrir un ou des costumes par un ami, ce qui est une bonne occasion de « se faire tailler un costard » par un « canard », etc. Heureusement qu’un vent de moralisation devrait désormais souffler sur nos élus, vent rapidement remplacé par un « choc de confiance ». Hélas, avant même que la loi n’ait été soumise au Parlement, ne voilà-til pas que quatre ministres – et parmi eux le promoteur de la loi – ont dû démissionner, probablement de crainte de tomber sous le coup de la loi, ce qui aurait confiné au suicide politique… Va-t-on échapper à cette fatalité grâce à nos nouveaux députés issus de la société civile ? Rien n’est moins sûr. Qui, parmi eux comme parmi nous tous, est certain de n’avoir jamais eu à se reprocher quelque petite liberté prise – « contre son plein gré » bien sûr suivant l’admirable formule d’un ancien ministre – avec des règles fiscales, sociales ou autres ?
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°28 – 10 JUILLET 2017
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck