Plans sociaux successifs et principe d’égalité de traitement

La Semaine Juridique Édition Générale N°29, 17 Juillet 2017

LA SEMAINE DU DROIT SOCIAL

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RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
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Plans sociaux successifs et principe d’égalité de traitement  

Danielle Corrignan-Carsin, professeur émérite à l’université de Rennes 1
Cass. soc., 29 juin 2017, n° 16-12.007, P+B+R+I : JurisData n° 2017-012759
Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-21.008, P+B+R+I : JurisData n° 2017-012756

Le principe d’égalité de traitement est une nouvelle fois sollicité par la Cour de cassation appelée à apprécier le contenu de plans de sauvegarde de l’emploi mis en oeuvre lors de licenciements économiques successifs. La chambre sociale a maintes fois affirmé que, si un plan social pouvait contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l’avantage ainsi accordé et que les règles déterminant ses conditions d’attribution soient préalablement définies et contrôlables ( Cass. soc., 10 juill. 2001, n° 99-40.987 : JurisData n° 2001-010572 ) ; elle a précisé par la suite, qu’une « différence de traitement [devait être] justifiée par des raisons objectives et pertinentes » ( Cass. soc., 12 juill. 2010, n° 09-15.182 : JurisData n° 2010-011657 ). Mais ce principe a rarement été invoqué par des salariés inclus dans des licenciements économiques successifs ayant donné lieu à l’élaboration de plans de sauvegarde distincts (V. Cass. soc., 10 déc. 2003, n° 01-47.147 : JurisData n° 2003-021410 ). Dans une entreprise qui « enchaîne » les licenciements économiques, les salariés licenciés lors d’une première procédure peuvent-ils revendiquer le bénéfice des avantages plus favorables octroyés à ceux qui ont fait l’objet de la seconde ? C’est à cette question que répond très clairement la Cour de cassation dans deux arrêts du 29 juin 2017. Dans la première affaire ( n° 16-12.007 ) une société affectée par la réduction significative des prestations confiées par son principal donneur d’ordre avait engagé, en 2005, une procédure de licenciement économique collectif assortie d’un PSE. Un an après, la rupture définitive des relations commerciales avec le même donneur d’ordre entraîna la fermeture de l’entreprise, la suppression de la quasi-totalité des postes restant et l’élaboration d’un nouveau PSE qui octroyait aux salariés concernés une indemnité de fermeture de site de 12 030 euros. S’estimant lésés, une soixantaine de salariés licenciés lors de la première procédure ont sollicité le versement de cette indemnité sur le fondement du principe d’égalité de traitement. La seconde affaire ( n° 15-21.008 ) présente des points de similitude : une entreprise a procédé en 2009 puis en 2010 à des licenciements collectifs accompagnés de plans de sauvegarde de l’emploi dont le second comportait des dispositions plus favorables que le premier (montant de l’indemnité complémentaire et durée du congé de reclassement). Contestant le bienfondé de son licenciement, un salarié relevant du PSE de 2009 a sollicité le versement d’une indemnité pour violation du principe d’égalité de traitement. Les décisions des juges d’appel ayant, dans les deux affaires, accueilli les prétentions des salariés sont censurées en termes identiques par la chambre sociale sous le visa du « principe d’égalité de traitement ». Elle relève que « deux procédures de licenciement économique collectif avaient été successivement engagées dans l’entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l’emploi distincts, en sorte que les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure n’étaient pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle avait été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l’[es] avantage[s] revendiqué[s] » ; elle en déduit que « la cour d’appel a violé par fausse application le principe susvisé ». Si le principe d’égalité de traitement s’applique au sein d’un même PSE, il ne s’étend pas aux mesures résultant de deux PSE différents adoptés à des époques différentes dans le cadre de procédures de licenciement collectif ayant une cause différente. Dans la note explicative accompagnant les arrêts, la Cour de cassation souligne que le contexte économique et social ayant donné lieu aux procédures successives de licenciement économique a nécessairement évolué ; que les plans successifs de sauvegarde de l’emploi ont pris en compte les besoins des salariés et les moyens de l’entreprise évalués au moment de leur élaboration ; qu’ils sont soumis à chaque fois à la consultation des institutions représentatives du personnel qui peuvent en demander l’amélioration. Répondant « à des circonstances particulières [ils] présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre ». De ce seul constat, il résulte que les salariés, étrangers à une procédure qui ne les concerne pas, ne peuvent en revendiquer les avantages. Et en l’absence d’identité de situation, l’employeur n’a pas à justifi er autrement les différences de traitement entre les salariés successivement licenciés. Si l’approche du principe d’égalité de traitement paraît relativement souple, elle contribue à renforcer la sécurité juridique des PSE et s’inscrit dans le prolongement d’un mouvement jurisprudentiel réaliste initié par la Cour de cassation en 2015.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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