La Semaine Juridique Edition Générale n°29 – 17 Juillet 2017
ÉDITO
Jean Hauser
Si l’on utilise le terme de « proximité » c’est que, malgré de longues listes, notre législateur se garde bien d’être très précis sur la nature des liens qu’il vise.
Dans le vent de vertu qui souffle sur toutes les fonctions, les liens de « proximité » entre celui qui doit décider et celui qui en profitera, au sens large du terme, ont évidemment une importance considérable. Si l’on utilise le terme de « proximité » c’est que, malgré de longues listes, notre législateur se garde bien d’être très précis sur la nature des liens qu’il vise. L’entreprise est d’autant plus périlleuse que, depuis longtemps, on s’est attaché à démonter systématiquement la définition juridique des relations entre personnes au profit de définitions vaguement sociologiques. Fleurissent les concubins, les proches, l’entourage, ceux qui cohabitent, les tiers concernés etc… Si tout cela peut encore suffire en droit civil où le renvoi au pouvoir souverain des juges du fond s’admet facilement, il n’en est pas de même en droit pénal, disciplinaire etc… où la précision des définitions est un rempart de la liberté. La difficulté de déterminer le cercle des vertus se révèle clairement dans l’article L. 111-6 COJ sur la récusation des juges auquel il est renvoyé à propos de la suspicion légitime. On y trouve les conjoints (mais pas les concubins !) mais aussi les créanciers, débiteurs, héritiers présomptifs, parents, alliés etc… mais l’article L. 111-7 COJ, catégorie balai, nous ramène prudemment en plus à l’autocritique de l’intéressé. On frôle parfois le ridicule (V. JCP G 2017, act. 704 ) à propos de certaines commissions de recrutement et le décret n° 2017-1098 du 14 juin 2017 sur l’emploi des membres de la famille par le personnel politique vise les grands-parents, les enfants et petits-enfants des frères et soeurs, les pacsés, concubins etc… Une fois de plus on demandera au législateur (qui tient la chandelle ?) comment il définit le lien de concubinage et on ne se contentera pas de l’inutile article 515-8 du Code civil ! Au final on est en droit de se demander si tout cela n’est pas vain puisque les situations de fait échapperont toujours au droit, puisque les preuves seront ou difficiles ou impossibles à apporter. À la limite on ne pourra juger, estimer, recruter (le CV anonyme) qu’entre inconnus absolus, qui devront être cagoulés ou floutés lors des procédures et dotés d’une voix off, leur dossier étant débarrassé de tous les éléments identifiants : sexe bien sûr, âge, parenté, lieu de naissance, origine, cursus, résultats etc… Seul l’anonymat absolu des candidats au jugement et des juges eux-mêmes, qui ne sauront sur la question rien qui tienne à quelque chose, garantira cette vertu publique. La société sera alors composée d’ectoplasmes impartiaux qui ne se connaîtront pas et jugeront des fantômes pour leur confier les plus hautes fonctions (qu’il faudra tout de même définir ?). N’assumez aucun de vos enfants, contentez- vous d’amours brèves et discrètes et vous pourrez recruter et juger les intéressés ! Allons plus loin : tout homme qui a une parcelle de pouvoir ou y prétend devrait être désigné sous un numéro, renier son ou sa partenaire, du plus haut (?) au plus bas de l’échelle, ses enfants, ses parents, ses amis, ses relations etc…. La solution finale : se faire juger, estimer, gouverner par des robots dotés de vertus conventuelles. Mais ceux-ci ne pourraient-ils pas, peu à peu, acquérir aussi des sentiments, certains le prétendent. Bien sûr on ne devrait plus non plus signer les éditos !
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE N°29 – 17 JUILLET 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
Le magazine scientifique du droit.
Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.
AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck