« En 2016, le CSM a proposé la nomination de 7 premiers présidents de cours d’appel dont…2 femmes. »
Les juristes femmes ne sont pas des hommes comme les autres
D’habitude, l’été est avare en matière d’actualités et l’infortuné éditorialiste, qui sait qu’il va devoir remettre l’ouvrage sur le métier une fois la plage abandonnée, se trouve bien dépourvu quand le temps de l’édito est revenu.
Une fois n’est pas coutume, ces dernières semaines ont été particulièrement riches en événements de toutes sortes susceptibles d’intéresser, peu ou prou le petit peuple des juristes.
Semaine après semaine, un sujet nouveau a nourri ma paresseuse inspiration estivale et un titre d’éditorial m’est venu à l’esprit. Au hasard : le président offre une petite charte à sa première dame de femme (« Tradition républicaine et modernité en marche… ») ; les réseaux sociaux s’offrent une nouvelle polémique à propos de la dernière « Une » de Charlie-Hebdo (« Je reste Charlie ! ») ; Barcelone, victime d’un acte de barbarie perpétué par des traitres à la religion musulmane (« Nous sommes tous barcelonais ! »), j’en passe des pires sûrement et des meilleurs peut-être. Mais précisément passons et arrêtons-nous sur une nouvelle qui n’a pas eu droit aux honneurs des grands médias de France et de Navarre, à savoir le dernier rapport du Conseil supérieur de la magistrature pour l’année 2016 !
La lecture du rapport en question nous apprend qu’en 2016, le CSM a proposé la nomination de 7 premiers présidents de cours d’appel dont…2 femmes. Il convient de préciser, pour bien apprécier la portée de la décision du CSM, que sur les 48 candidats
à ce poste prestigieux, 28 étaient des candidates. Si je calcule bien, plus de la moitié des candidats étaient donc des magistrates et les heureuses élues représentent seulement moins du tiers de ceux qui ont l’heur de convaincre le CSM. C’est mieux que rien, répliquera-ton ! Et c’est d’ailleurs, ce que soutient implicitement le CSM, en relevant dans son rapport qu’en 2015, pour les 10 postes à pourvoir, alors que les magistrates représentaient 22 % des candidatures, aucune n’avait trouvé grâce à ses yeux. Mieux, au regard de l’augmentation significative des candidatures féminines entre 2015 et 2016, le CSM affirme, sans rire, que « le plafond de verre est en train de voler en éclats (…) »… Avec 2 femmes nommées en deux ans pour 17 postes, on a plutôt le sentiment qu’il se fissure à très petite vitesse… Dans un émouvant éclair de lucidité, les auteurs du rapport concèdent que
« Certains continueront de déplorer que la part des femmes proposées par le Conseil soit inférieure à la part des candidatures féminines », mais ils assènent le coup de grâce à ces fâcheux : « Toutefois, (…), il ne peut être question de discrimination positive ». Petit exercice de décodage de la prose du CSM : au cours de ces deux dernières années, les candidates sont moins compétentes et talentueuses que leurs collègues masculins et elles n’auraient donc pu être nommées que si on avait, au
nom de la discrimination positive, éliminé des candidats mâles dont les mérites étaient supérieurs…
On éprouve bien des difficultés à avaler cette pilule, même si on admet que la quantité (en 2016, les magistrates représentaient plus de 60 % de leur corps) ne rime pas nécessairement avec la qualité. Mais, on a beau réfléchir encore et encore, aucun argument digne de ce nom ne justifie que sur 17 présidents de cours d’appel nommés en deux ans, 2 seulement soient des
femmes. Aucun ! Télécharger l’édito au format PDF
Denis Mazeaud
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 36 – 4 SEPTEMBRE 2017 – © LEXISNEXIS SA
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck