L’émotion et la raison

À propos des Mémoires d’Henri Leclerc, « La parole et l’action »

Henri Leclerc a réussi cet exploit de concilier l’émotion et la raison ➜ il développe ce magnifique paradigme tout au long de ses 500 pages de Mémoires, dont on regrette qu’elles n’aient pas été 1000

Daniel Soulez Larivière, avocat

Parmi les grands avocats, Henri Leclerc a réussi un exploit. René Floriot était brillant, un peu vulgaire et sec, Maurice Garçon, fabuleusement intelligent, d’une extrême distinction et d’une grande froideur, décochait des flèches incandescentes de conviction. Albert Naud, le maître d’Henri, nous emportait dans des tourbillons d’éloquence et d’émotion. On avait envie de lui donner raison. Henri Leclerc a réussi cet exploit de concilier l’émotion et la raison.
En effet, tout au long de ses 500 pages de Mémoires dont on regrette qu’elles n’aient pas été 1000 comme ce fut envisagé ( La parole et l’action, Henri Leclerc : Fayard, 2017 ), il développe ce paradigme magnifique, depuis l’une
de ses premières affaires, avec Albert Naud, celle de Lucien Léger en 1965 « l’étrangleur » meurtrier du petit Luc Taron, jusqu’à sa plus récente, 50 ans après celle de Dominique Strauss-Kahn, avec Frédérique Baulieu, son
associée, et Richard Malka.
Le brio de son raisonnement n’altère jamais cette capacité de faire en sorte que les juges ou les jurés s’identifient à lui et à son client. Ce qui apparaît pour certains comme brouillon n’est en fait qu’un savant et instinctif calcul pour parvenir à convaincre.
L’éloquence de certains brillantissimes confrères de notre génération est si parfaite qu’elle éclate au point d’aboutir parfois à une réaction inverse chez les juges : Que c’était magnifique ! Que c’était habile ! Quelle intelligence
!… Mais tu ne m’auras pas ! Henri Leclerc, depuis 60 ans, avec ses apparentes ou réelles hésitations, ses semblants de trébuchages ou d’imprécisions vite rattrapées, amène l’auditeur à s’identifier à lui. Albert Naud lui disait : « Tu as fait aimer ton client ».
C’est vrai, mais presque simultanément il se fait aimer malgré la rudesse de sa posture ou de ses positions et de ses évocations.

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© LEXISNEXIS SA – LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 39 – 25 SEPTEMBRE 2017