Les députés face au choc carcéral

Extrait de la Semaine Juridique Edition Générale

Les députés face au choc carcéral

« Les parlementaires (…) tous témoignent avec émotion du choc qu’ils ont reçu en découvrant l’état des prisons. »

EditoJCPG-CarceralEn juillet 1949, le directeur de l’administration pénitentiaire Charles Germain adressait aux directeurs des établissements placés sous son autorité la très sérieuse recommandation suivante : « Il a été prescrit par une précédente circulaire que du papier hygiénique devait être mis en quantités
suffisantes à la disposition des détenus afin d’éviter la détérioration des volumes des bibliothèques. Je crois devoir vous rappeler ces instructions qui paraissaient être méconnues dans certains établissements où leur application se heurte sans doute à des inconvénients d’ordre financier. C’est pourquoi, au cas où l’achat du papier hygiénique engagerait des dépenses trop élevées, il y a aura lieu de distribuer des vieux journaux ne présentant plus aucun caractère d’actualité ».
On repensait à ce texte en lisant les comptes-rendus des visites qu’une quarantaine de députés ont effectuées simultanément début novembre dans les centres de détention de leur circonscription, de Longuenesse aux Baumettes, de Fresnes à Lyon-Corbas, de Ploemer à Saint-Etienne, Riom ou Saint-Denis de la Réunion. Depuis que ce droit de visite inopinée a été reconnu aux parlementaires par la loi du 15 juin 2000 et étendu cinq ans plus tard aux centres éducatifs fermés, c’est la première fois qu’une opération d’une telle envergure est menée. On doit cette initiative salutaire à la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, élue LRM des Yvelines.
Que l’élue ait exercé le métier d’avocate pénaliste n’est sans doute pas étranger à cette volonté de se confronter à la réalité des conditions de détention. D’autant que, lors de la visite de trois heures et demie qu’elle a elle même effectuée à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy en présence de journalistes, la présidente de la commission des lois semble avoir conservé de son précédent métier quelques réflexes bienvenus.
Elle ne s’est en effet pas contentée de regarder ce que l’on voulait bien lui montrer, en requérant elle-même au hasard des coursives l’ouverture de telle ou telle cellule – dont une de 9m2 que se partagent trois hommes – en demandant au personnel pénitentiaire de bien vouloir sortir pour la laisser s’entretenir seule avec les détenus et en vérifiant, point par point, si les recommandations contenues dans le rapport rendu en 2015 sur cette centrale par le contrôleur général des lieux de privation de libertés, avaient été suivies d’effet. Le constat dressé par les parlementaires est édifiant. Tous témoignent avec émotion du choc qu’ils ont reçu en découvrant l’état des prisons, l’inhumaine promiscuité, les conditions d’hygiène souvent désastreuses qu’entraîne la surpopulation carcérale, ainsi que les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les personnels pénitentiaires,
par manque de moyens humains et matériels.
Selon les dernières statistiques du ministère de la Justice, il y avait 79 999 personnes écrouées, dont 69 307 détenues pour 59 151 places au 1 er novembre. La France est surtout le seul pays d’Europe dans lequel le nombre de détenus continue d’augmenter.
Face au mal français des prisons, il faut plus qu’une sincère émotion.

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 49 – 4 DÉCEMBRE 2017 – © LEXISNEXIS SA

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AUTEUR(S) : 

N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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