Retrait du mandat de Mathieu Gallet par le CSA

Extrait de la Semaine Juridique Edition Générale

LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS 

Retrait du mandat de Mathieu Gallet par le CSA : le droit… dans le doute

POINTS-CLÉS ➜ La décision de retrait du mandat du président de l’entreprise publique Radio France par le CSA constitue une première ➜ La procédure prévue par la loi et expérimentée pour l’occasion est sans doute contestable dans son principe ➜ La motivation retenue traduit les tiraillements et hésitations de l’autorité indépendante

Fleur Jourdan, avocat au barreau de Paris, Cabinet AyacheSalama

JCPG-MathieuGalletPar une décision n° 2018-13 datée du 31 janvier 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé de mettre fi n aux fonctions du président de Radio France.
L’Autorité administrative indépendante a ainsi, pour la première fois, fait usage de la procédure prévue à l’article 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ( Loi Léotard ) qui prévoit que « [l] e mandat des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France peut leur être retiré, par décision motivée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 47-4 ».
Cette décision – sans précédent – s’inscrit dans un contexte houleux qui semble cristalliser nombre d’aspirations contradictoires de notre société : indépendance des médias, présomption d’innocence, exemplarité des élites, soif d’éthique et de transparence, interventionnisme de l’exécutif…
et au milieu de ce tumulte, le droit semble peu à peu se déliter au profit d’autres considérations.
Car parmi toutes les injonctions paradoxales qu’elle tente de concilier, la légalité de cette décision pose question tant en termes de procédure que de motivation. Elle jette un doute sur la garantie réellement accordée par de nombreux principes fondamentaux de notre droit dans un contexte de défiance généralisée et de quête absolue d’exemplarité. 1. Une procédure de révocation qui ne présente pas toutes les garanties juridiques nécessaires La procédure prévue par la loi est pour le moins succincte. Pour une décision aussi grave que celle conduisant à démettre de ses fonctions le dirigeant d’une entreprise publique, la loi prévoit simplement que le CSA doit adopter une « décision motivée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 47-4 ». Ces dernières conditions ne sont pas beaucoup plus éclairantes dans la mesure où elles renvoient seulement aux modalités de nomination du même dirigeant, soit « une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience » adoptée à la majorité des membres du CSA. Il pourra être salué l’effort du CSA d’avoir mis en place, de son propre chef et dans le silence du texte, une procédure contradictoire, ainsi qu’il s’y était engagé lors de l’ouverture de la « procédure » par sa délibération du 17 janvier 2018 …

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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