[LES ACTEURS] Isabelle Rome, Haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes

EXTRAIT DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 27 – 2 JUILLET 2018 – © LEXISNEXIS SA

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Isabelle Rome, Haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes

Florence Creux-Thomas

 

portrait

Magistrate depuis 30 ans, Isabelle Rome a pris ses fonctions de Haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes à la Chancellerie le 1er juin.

En novembre prochain paraîtra « Plaidoyer pour un droit à l’espoir », écrit avec des jeunes de Creil dans l’Oise, sur leur vision de la République. À travers ses écrits, l’auteure de « Vous êtes naïve, Madame le Juge » et « Dans une prison de femmes : une juge en immersion », préfacé par Robert Badinter, donne à voir 3 décennies à arpenter les prisons, les prétoires, et les quartiers au nom d’un idéal de justice.

Tisser du lien social, faire vivre le contrat social, rendre une justice juste, telle est la ligne de conduite d’Isabelle Rome. C’est par la littérature que cette fi lle d’enseignants vient au droit, Rousseau, Montesquieu et plus tard Levinas. Femme élégante au regard bleu azur, amatrice d’art et de philosophie, elle a choisi d’exercer au pénal, exclusivement des fonctions du siège, pour être au plus près de cette « âme humaine que l’on sonde dans sa grandeur et dans sa faiblesse ».

À 23 ans, elle est la plus jeune juge de France, chargée de l’exécution des peines dans une prison de 1 200 détenus à Lyon. C’est le choc du milieu carcéral. « 6 années décisives dans ma vie. Aux assises ça n’est pas seulement 2 chiffres qu’on aligne », rappelle la magistrate, jusqu’alors présidente de cour d’assises à Versailles. Des juges, elle dit citant Dostoïevski (Les frères Karamazov), « Nous sommes tous responsables de tout et de tous, et moi plus que les autres ». Au moment de prononcer la peine, Isabelle Rome s’efforce de regarder le prévenu dans les yeux, signe que la justice assume pleinement sa décision. Et n’oublie jamais « la réalité des prisons », qu’elle voudrait républicaines, « intégrées dans la Cité, et non des décharges où l’on met des encombrants ».

La prison, comme lieu de départ de ses engagements en faveur de la réinsertion des détenus, des victimes et des femmes. De Vaulx-en-Velin en banlieue lyonnaise où elle met en place en 1999 l’opération « objectif citoyen » pour sensibiliser les jeunes à la loi, à l’Association « Femmes de liberté » qu’elle crée en 2002 dans l’Oise pour réunir les femmes de tous horizons autour du ciment des valeurs républicaines, ses engagements personnels croisent sa carrière. À deux reprises elle prend part au travail ministériel, comme responsable des politiques de prévention de la délinquance au ministère de la Ville, puis conseillère technique de Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, en charge de l’aide aux victimes et de la PJJ.

C’est à l’égalité femmes-hommes qu’elle s’attèle aujourd’hui. Un chantier urgent, alors que le ministère de la Justice a été épinglé en 2016 pour n’avoir pas respecté la loi Sauvadet fixant à 40 % la proportion de femmes à des fonctions de hauts cadres. Pour les personnels du ministère, les magistrats, la pénitentiaire, le greffe, la PJJ et les SPIP, l’objectif est d’améliorer l’accès des femmes à des postes de hiérarchie, l’équilibre vie privée/vie professionnelle, la lutte contre les stéréotypes et de réfléchir à la mixité dans les métiers du droit.

« Il ne s’agit pas d’une histoire de revendications féministes. Améliorer le sort des femmes est un levier puissant pour faire évoluer notre institution. Dans une démocratie moderne, les institutions doivent être un reflet de la société ». Ainsi, le « parcours » des magistrats, qui pour accéder aux postes de chefs de juridictions doivent souscrire au « célibat géographique » plus accessible aux hommes, pourrait-il être repensé.

Confiante, Isabelle Rome estime que la société bouge. Femme de terrain, elle se rendra une fois par mois dans une juridiction ou un établissement pénitentiaire pour recueillir les paroles de ses collègues et des fonctionnaires de justice et cibler les bonnes pratiques. Des travaux sur des indicateurs genrés, un label égalité ou encore une étude sur les causes de la désaffection des hommes pour les études de droit sont en cours.

Pendant cette période, la magistrate met entre parenthèses son travail en juridiction, mais la robe n’est jamais très loin, juste rangée.

 

 

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