EXTRAIT DE LA REVUE COMMUNICATION – COMMERCE ÉLECTRONIQUE – N° 7-8 – JUILLET-AOÛT 2018 ©LEXISNEXIS
Études
Les smart contracts : révolution sociétale ou nouvelle boîte de Pandore ? Regard comparatiste
Bruno ANCEL,
avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, professeur adjoint de droit en école de commerce
Les smarts contracts, technologies disruptives qui intéressent un nombre croissant d’acteurs économiques, posent des difficultés. Sont-ils compatibles avec notre droit commun des obligations ou nécessitent-ils une intervention législative ? Tel est l’enjeu de la présente étude qui tentera d’apporter une réponse à cette redoutable question en comparant l’ordonnancement juridique américain à celui de notre tradition civiliste.
1 – Le professeur François Ost déclare que le contrat « c’est l’avenir anticipé, c’est du futur irrévocablement engagé »
1. L’ère de l’intelligence artificielle permet ainsi à des personnes dans le monde entier de contracter en toute confiance et avec une plus grande sécurité. Cette transformation de nos modes de communication est à la fois source de progrès et vecteur d’angoisse. Elle favorise l’émergence d’un nouvel écosystème décentralisé, simplifié, collaboratif, dans lequel les bornes de l’espace et du temps sont anéanties et le commerce facilité. Chaque nouvelle technologie apporte son lot d’espoirs et de désillusions. Les smart contracts n’échappent pas à la règle comme l’illustre l’actualité récente 2. Ils s’appuient sur des instructions électroniques inscrites dans le code informatique d’un ordinateur qui auto exécute les dispositions d’un accord lorsque les conditions prédéterminées sont réunies. À titre liminaire, il importe de relever que le syntagme smart contracts est trompeur puisque ces nouveaux instruments sont dépourvus d’autonomie intellectuelle : ils ne font qu’obéir aux ordres donnés par leur logiciel. Selon nous, le vocable smart se comprend eu égard à la forme latine inter legere qui signifie lier en latin. Autrement dit, ils se singularisent par leur capacité à amplifier les relations commerciales sur le plan planétaire et à mettre en réseau différentes personnes.
À l’heure de l’internationalisation des échanges, ces procédés automatisés soulèvent de nombreuses interrogations. La révolution numérique inaugure-t-elle une mutation en profondeur de notre système juridique ou se révèle-t-elle une boîte de Pandore ?
Faut-il adapter le droit des obligations à l’aune de ces changements majeurs ou édicter une loi spécifique ?Malgré des traditions historiques différentes, la France et les États-Unis sont confrontées à des difficultés identiques. Seule une analyse minutieuse de ces contrats à travers le droit comparé nous permettra d’en avoir une vision plus juste et de renouveler les idées acquises.
Après avoir mis en lumière les différences de systèmes juridiques (1), nous soulignerons les problématiques communes (2).
1. Des systèmes juridiques différents en matière de numérique
2 – Force est de constater des différences marquées entre chaque système juridique. Le droit américain se caractérise par la juxtaposition de plusieurs niveaux de normativité. Aussi, les smart contracts apparaissent comme une simplification du système légal fédéral (A). En France, la régulation des nouvelles technologies est multiple. Ces dernières répondent au souhait d’une nouvelle structure organisationnelle qui place les individus au centre (B).
A. – Aux États-Unis : un millefeuille réglementaire
3 – Smart contracts et logique fédérale. – Les États-Unis et la France ont des conceptions différentes de la norme. L’étendue des territoires, la coexistence de différents systèmes légaux témoignent de toutes ces spécificités. Le droit américain comprend les lois fédérales et étatiques ainsi que la loi constitutionnelle. Tous les pouvoirs qui n’ont pas été expressément accordés à l’État fédéral demeurent entre les mains des États qui ont leur propre Constitution, Gouvernement et tribunaux. Les banques américaines investissent énormément d’argent pour garantir que chaque transaction
reste en conformité avec les lois nationales et fédérales, ce qui augmente in fine les prix à la consommation. Aussi, l’intérêt des smart contracts réside dans la possibilité de coder cette logique réglementaire dans le programme informatique. Il existe un certain engouement pour ces nouvelles technologies car l’intervention d’un procédé électronique tend à favoriser les affaires. Il s’agit d’une forme de régulation alternative au système légal trop complexe. En effet, chaque État dispose de sa législation et de sa philosophie concernant le numérique.De plus, certains prohibent
le partage d’honoraires entre juristes et non juristes.
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AUTEUR(S) : Christophe Caron, Éric A. Caprioli, Anne Debet, Agathe Lepage, Grégoire Loiseau, Olivier de Mattos, Nathalie Metallinos, Florence Meuris