Entretien avec Clarisse SAND : Trois questions

EXTRAIT DE LA REVUE DE DROIT PÉNAL – N° 10 octobre 2018 ©LEXISNEXIS SA

Trois questions à Clarisse SAND

CaptureAvocat au barreau de Paris, Clarisse SAND est présidente de l’Institut
du droit pénal fiscal et financier (IDPF2).

Droit pénal : Quelle est votre analyse du projet de loi contre la fraude fiscale actuellement débattu au Parlement ?
Clarisse Sand : Il y a eu beaucoup d’effets d’annonces autour de ce texte, par exemple lorsqu’il a été envisagé la suppression de la Commission des infractions fiscales, le fameux « verrou de Bercy », dont la mission sera, si la loi  est adoptée en l’état, dorénavant couplée avec celle du Parquet, et ce de manière automatique pour les « affaires les plus graves », notion qui reste toutefois à définir. L’adoption prochaine de la nouvelle loi fraude,actuellement discutée à l’Assemblée nationale, entrouvre le cadenas monopolistique de l’administration fiscale quant à l’enclenchement des poursuites pénales des infractions fiscales.
En complément, la création d’une police fiscale directement rattachée au Ministère des comptes publics, afin d’épauler la BNRDF, est entendue comme une mesure importante de l’évolution législative en la matière. Toutefois, malgré ces aménagements, je reste dubitative quant aux moyens humains et matériels qui seront consacrés à la lutte contre la fraude fiscale et la coordination des services entre eux aux univers très différents. J’estime en outre que la sanction de publication des noms des fraudeurs fiscaux, avec la possibilité pour l’administration fiscale de le faire hors du cadre correctionnel n’aura pas, à mon sens, l’effet psychologique escompté et vient restaurer une sanction digne de l’Ancien régime qui soulève d’ailleurs des réserves constitutionnelles importantes. Parallèlement, cette loi fraude traduit la volonté du législateur de mettre en place des dispositifs « allégés » de lutte contre la fraude fiscale, faisant appel au bon sens et à la prise de conscience des fraudeurs fiscaux. C’est le cas avec la proposition d’extension du dispositif de Convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale (outil issu de la loi Sapin II), de même que la possibilité pour le fraudeur fiscal de recourir à la procédure de Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Ce dernier point répond d’ailleurs aux aspirations émises depuis plusieurs mois par la Direction du contrôle fiscal. Enfin, une réécriture de l’article L. 247 du Livre des procédures fiscales est également envisagée pour permettre à l’administration fiscale de transiger sur des dossiers de fraude fiscale, afin en particulier de faciliter le recouvrement sans empêcher le recours à la voie pénale…

 

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AUTEUR(S) : Philippe Conte, Albert Maron, Jacques-Henri Robert

 

 

 

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