EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 52 – 24 DÉCEMBRE 2018
LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS
Valérie Duez-Ruff, une femme à la barre
Valérie Duez-Ruff, avocate aux barreaux de Paris et de Madrid et fondatrice de l’association « Moms à la barre », est présidente de la Commission « égalité et diversité » de l’ACE qui vient de fêter les 10 ans de son forum des Réseaux au féminin.
Le débit est rapide, mais la voix est douce. Une voix grave qui nous dit la fierté d’être avocate, mais aussi les obstacles rencontrés en tant que femme dans l’exercice de sa profession. Fille d’une émigrée espagnole, « seule de la famille à avoir eu son bac », rien ne la prédestinait au barreau. C’est à l’occasion d’un stage en cabinet d’avocat qu’elle aura une « révélation ». Après une première tentative d’installation, elle devient collaboratrice dans un petit cabinet. Mais peu après son retour de congé maternité, le ciel s’obscurcit. Elle se trouve confrontée à l’attitude machiste de son patron qui n’a de cesse de remettre ses compétences en cause, d’affirmer que ses priorités ont changé, et qu’elle n’est plus à même de remplir ses objectifs. « J’avais beau dire que ce n’était pas de mon cerveau que j’avais accouché, la situation était bloquée… ». Elle quitte ce cabinet, s’installe, et, « comme elle n’est pas du genre à se morfondre », décide en 2010 de créer l’association « Moms à la barre », qui vient en aide aux jeunes mamans avocates « souvent désemparées face à des situations de discriminations ». Puis, elle réalise qu’il faut agir « au coeur du réacteur » et se présente au Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, où elle finira par obtenir, en 2015, la création, et la pérennisation, d’une Commission « harcèlement et discrimination ». Elle décide ensuite de continuer son combat à l’échelon national et se présente au CNB, où elle est élue depuis janvier 2018.
La Commission « égalité » dont elle est la vice-présidente doit mettre en place en mai 2019 un grenelle du handicap, car au-delà de la question de l’égalité hommes femmes, c’est à celle plus large de l’égalité des chances que se consacre désormais Valérie Duez-Ruff, « quels que soient l’origine sociale, ethnique, l’état de santé, le handicap, visible ou invisible ». Des sujets qui la touchent. Pour l’avocate, les choses évoluent, mais lentement : « c’est une profession un peu conservatrice ». Sensibilisée de par son expérience personnelle aux risques psycho-sociaux, elle s’est depuis une dizaine d’années spécialisée en droit social. C’est un rôle « un peu hybride » qu’elle endosse, « entre le coach et l’avocat ». Elle accompagne des salariés sur le départ, confrontés à des situations de harcèlements, de discriminations, ou de burn out. Des situations sensibles qui font appel à son sens de l’empathie. « Dans le processus de séparation qu’est le licenciement, il y a tout un contexte juridique, mais aussi un contexte intime, qui s’apparente pour moi à un processus de deuil. Je me considère comme une passeuse, j’aide mes clients à passer d’une rive à l’autre ». Un rôle qui lui apporte une grande satisfaction. Même si, et elle en s’en cache pas, elle a elle-même été récemment confrontée à une période difficile.
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck