[En questions] Une nouvelle ère pour le secret des affaires

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 3 – 21 JANVIER 2019

LA SEMAINE DU PRATICIEN EN QUESTIONS

SECRET DES AFFAIRES

Une nouvelle ère pour le secret des affaires

Marie Danis, avocat associé, cabinet August Debouzy
Thierry Lautier, avocat counsel, cabinet August Debouzy

Après plusieurs années de négociations au niveau européen puis français, un dispositif de protection du secret des affaires a finalement été mis en place. La directive (UE) 2016/943 du 8 juin 2016 dite « secret des affaires » a été transposée en droit interne par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018. Le décret d’application (n° 2018-1126) a été publié le 13 décembre 2018. Cette loi définit pour la première fois le « secret des affaires » en droit français. Elle liste également les atteintes à ce secret et propose des mesures pour les prévenir ou les faire cesser ainsi que pour préserver ce secret avant ou au cours d’un procès. Cette loi devrait changer significativement la pratique des entreprises en matière de secret des affaires, tant du point de vue juridique que stratégique.

En quoi la loi du 30 juillet 2018 va-t-elle bouleverser la pratique en matière de secret des affaires ?


Avant la loi du 30 juillet 2018 (V. not. JCP G 2018, act. 888, S. Schiller), aucun texte spécifique n’était consacré à la protection du secret des affaires en France. Le secret des affaires était alors une notion sans définition uniforme, protégée de façon imparfaite par divers instruments. À titre d’exemple, en matière civile, l’action en concurrence déloyale, fondée sur le droit commun de la responsabilité, couvre un spectre large de secrets mais requiert un préjudice et un lien de causalité, souvent difficiles à démontrer. En matière pénale, certaines infractions ont pu être utilisées (abus de confiance, vol et recel d’informations), mais l’absence de définition précise du secret des affaires se prête mal au domaine pénal. Des textes plus spécifiques protègent également les entreprises, notamment contre leurs propres salariés (secret de fabrique) ou certaines professions réglementées (secret professionnel). On peut encore citer la propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles), mais celle-ci requiert une publication du secret. Enfin, la liberté contractuelle semble offrir une protection « sur-mesure », mais les clauses de confidentialité et de non-concurrence confèrent souvent une protection imparfaite quant à leur durée (limitée) et leur effet (relatif). La loi du 30 juillet 2018 va bouleverser la pratique en créant dans le Code du commerce un régime spécifique de protection, qui définit pour la première fois le « secret des affaires », liste les atteintes à celui-ci et offre un arsenal de mesures civiles propres à les prévenir ou à les faire cesser. Cette loi devrait aider les entreprises à mieux défendre leur patrimoine immatériel dans un contexte concurrentiel et international, propice à l’espionnage et au pillage de données. Un enjeu de la loi reste toutefois de préserver un équilibre avec plusieurs droits et libertés fondamentales (notamment des journalistes, des lanceurs d’alerte, des salariés et représentants syndicaux).


Avant la loi du 30 juillet 2018 (V. not. JCP G 2018, act. 888, S. Schiller), aucun texte spécifique n’était consacré à la protection du secret des affaires en France. Le secret des affaires était alors une notion sans définition uniforme, protégée de façon imparfaite par divers instruments. À titre d’exemple, en matière civile, l’action en concurrence déloyale, fondée sur le droit commun de la responsabilité, couvre un spectre large de secrets mais requiert un préjudice et un lien de causalité, souvent difficiles à démontrer. En matière pénale, certaines infractions ont pu être utilisées (abus de confiance, vol et recel d’informations), mais l’absence de définition précise du secret des affaires se prête mal au domaine pénal. Des textes plus spécifiques protègent également les entreprises, notamment contre leurs propres salariés (secret de fabrique) ou certaines professions réglementées (secret professionnel). On peut encore citer la propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles), mais celle-ci requiert une publication du secret. Enfin, la liberté contractuelle semble offrir une protection « sur-mesure », mais les clauses de confidentialité et de non-concurrence confèrent souvent une protection imparfaite quant à leur durée (limitée) et leur effet (relatif). La loi du 30 juillet 2018 va bouleverser la pratique en créant dans le Code du commerce un régime spécifique de protection, qui définit pour la première fois le « secret des affaires », liste les atteintes à celui-ci et offre un arsenal de mesures civiles propres à les prévenir ou à les faire cesser. Cette loi devrait aider les entreprises à mieux défendre leur patrimoine immatériel dans un contexte concurrentiel et international, propice à l’espionnage et au pillage de données. Un enjeu de la loi reste toutefois de préserver un équilibre avec plusieurs droits et libertés fondamentales (notamment des journalistes, des lanceurs d’alerte, des salariés et représentants syndicaux).

Quelles informations sont désormais couvertes par le secret des affaires ?

Aux termes du nouvel article L. 151-1 du Code du commerce, pour être protégée au titre du secret des affaires, une information doit remplir les trois critères cumulatifs suivants : (1) ne pas être, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité, (2) revêtir une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret et (3) faire l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. Les deux premiers critères couvrent une large palette d’informations, tant techniques (savoir-faire, programmes de R&D…) que commerciales (listes de clients, taux de marge…), la plupart ayant une valeur commerciale au moins potentielle. Le troisième critère devrait être plus limitant, puisqu’il fait dépendre la protection au titre du secret des affaires de la nature des mesures prises (et de la preuve de ces mesures) pour protéger effectivement l’information. Autrement dit, dans la loi du 30 juillet 2018, ce qui caractérise le secret des affaires n’est pas tant le type d’information ou la valeur de celle-ci, mais plutôt les mesures de protection mises en place par son détenteur pour la maintenir secrète…

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck