EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 8 – 25 FÉVRIER 2019
LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
DROIT ET SOCIÉTÉ
Droit(s) & Série(s) télévisée(s) : mariage de, avec ou sans raison ?
POINTS-CLÉS ➜ Le 15 mars 2019 aura lieu à Boulogne-sur-Mer la 7 e édition du Marathon du droit ➜ Le colloque organisé dans le cadre de cet événement aura pour objet la matérialisation de lectures juridiques et notamment féministes des web-séries The handmaid’s Tale et La casa de papel ➜ L’occasion de s’interroger : peut-on vraiment traiter de toute question en droit(s) ?
Mathieu Touzeil- Divina, professeur à l’université Toulouse 1 Capitole,
initiateur du « Marathon du droit », président du Collectif l’Unité du Droit

«Droit et séries télévisées », « Droit et cinéma », « Droit et littérature
», « Droit et opéra », « Droit et théâtre » et pourquoi pas « Droit et fromages » puis « Droit et desserts » ? On les entend parfois les critiques relatives à ces nombreux colloques, ouvrages ou rendez-vous scientifiques qui associent le ou les droit(s) à un autre domaine ou objet (qui peut paraître si éloigné pour ne pas dire courbe) tout en en recherchant les liens et les interactions. Sérieusement ? On pourrait traiter de toute question en droit(s) ?
Déraisonnables associations du droit et des fictions – Le juriste n’est pas connu pour être (officiellement et en public au moins) un boute-en-train. Il tient à son image et à sa représentation sociale. Il n’est effectivement (hélas et toujours) pas rare qu’un universitaire signale à l’un de ses collègues que tel article, tel sujet d’étude voire tel comportement frise avec le déraisonnable incompatible a priori avec son statut et sa condition. Il y aurait conséquemment de bons sujets d’études juridiques et d’autres déraisonnables sinon futiles, inintéressants et/ou conséquemment « hors champ » comme il y aurait de bons et de mauvais sujets de thèses de doctorat. Une doctrine d’autorité sinon autoritaire ferait ainsi la pluie et le beau temps sur les « bons sujets » et ce qu’il serait heureux de travailler en juriste. En ce sens, réfléchir – comme nous y mettait en garde le doyen Hauriou – sur des sujets touchant aux divertissements, aux plaisirs et aux fictions ne serait que déraison. Ainsi écrivait effectivement le Toulousain dans sa célèbre note ( CE, 7 avr. 1916, Astruc et Sté du Théâtre des Champs-Elysées c/ ville de Paris : S. 1916, 3, p. 41 ), l’inconvénient du théâtre en particulier serait « d’exalter l’imagination, d’habituer les esprits à une vie factice et fictive, au grand détriment de la vie sérieuse, et d’exciter les passions de l’amour, lesquelles sont aussi dangereuses que celles du jeu et de l’intempérance ». Il faudrait alors, résumait Hauriou, que toutes nos actions (et donc chaque étude en Droit y compris) « comme tout le reste des affaires humaines » soient passées « au crible de la distinction du bien et du mal ». Le Droit frisait alors (et l’on ne s’en cachait pas) avec la morale. Précisément, ne sommes-nous pas un siècle plus tard et ne pouvons-nous pas en tirer quelques leçons ?
Raisonnables liens tissés par des juristes curieux et au coeur de la Cité – Il ne s’agit évidemment pas de dire ici qu’il faut chasser la morale et les valeurs des juristes. Chacun a les siennes et vit en se construisant par elles mais le juriste, en France en tout cas, ne doit réagir quand il s’exprime en cette qualité qu’en Droit et non en moeurs. Cela dit, il ne s’agit pas davantage d’affirmer que tout peut matérialiser ou engendrer un excellent sujet d’étude(s) juridique(s) et qu’il n’existerait pas de hiérarchisation des intérêts scientifiques ou autrement dit que tout se vaudrait. Loin s’en faut. Notre propos consiste simplement à faire état de ce que tout sujet a priori même ceux paraissant futiles peut (et même doit) devenir un sujet d’étude(s) juridique(s) si la société humaine dans laquelle vit le juriste s’en préoccupe. Or, à cet égard, les séries télévisées ici prétexte à notre libre propos sont manifestement une préoccupation sociale majeure : un réel phénomène à l’instar des feuilletons imprimés d’un Alexandre Dumas autrefois. Or, précisément, l’objet du Droit, nous a appris le doyen Foucart dans l’une de ses premières leçons (et aux premières lignes dès 1834 de ses Éléments de droit public et administratif ), n’est-il pas l’Homme ? « L’objet principal du droit est l’homme ; il impose donc, avant tout, d’avoir des idées justes sur sa nature et sa destinée : car les Lois qui doivent le régir ne sont que les conséquences de l’une et de l’autre ».

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck