EXTRAIT DE LA REVUE DROIT PÉNAL – N° 4 – AVRIL 2019
La vie commence à 60 ans
Albert MARON, magistrat

Sans doute le titre du présent repère ne dira pas grand-chose au jeune lecteur. Il en aurait été autrement si le titre avait été « Petit papa Noël »… L’un et l’autre sont ceux de chansons qu’interprétait Tino Rossi. Évidemment, le public de l’une n’était pas le même que celui de l’autre et pendant que notre jeune lecteur, alors bambin écoutait, émerveillé, « Petit papa Noël », sa grand-mère s’émouvait en écoutant la voix charmeuse qui lui susurrait que « la vie commence à soixante ans ».
Eh bien oui, voilà qu’il a la soixantaine, notre Code de procédure pénale !
Issu de la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 et de l’ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958, il est entré en vigueur le 2 mars 1959, il y a donc aujourd’hui tout juste 60 ans. Est-ce dire que sa vie commence aujourd’hui ?
Son enfance s’est passée, en ce qui le concerne, sans grandes histoires, même si l’histoire, avec la guerre d’Algérie, connaissait, elle, des soubresauts importants auxquels il devait contribuer à faire face. Mais rapidement, l’après-68 sera, pour ce pré-adolescent, le début des turbulences.
« Puis un jour vient le grand amour On fait le chemin à deux Et la tendresse peu à peu Nous rend plus heureux Car La vie commence à soixante ans.. »
C’est sans doute un peu jeune que notre Code de procédure pénale a commencé son chemin à deux et, plus que la rencontre du grand amour à laquelle font allusion les vers de mirliton de la chansonnette, sa rencontre avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fut la rencontre d’une maîtresse d’école exigeante, devenue une maîtresse tout court, de plus en plus exigeante du reste. La crise de la cinquantaine lui fit rencontrer une nouvelle maîtresse, tout aussi exigeante que la première, la QPC.
Pendant toute sa vie, il a eu ses faiblesses. Des rencontres de passage qui ont laissé des traces. Incapable de résister aux groupes de pression, il a vu accroître certaines de ses parties de façon monstrueuse. Ainsi son article 2 est-il aujourd’hui suivi d’excroissances qui vont jusqu’à l’article 2-24 ! Sans compter les excroissances cachées dans des textes épars.
Répondant par des lois de circonstances, sans réflexion ni vue d’ensemble aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme, interprétées au fil de ses arrêts par la Cour du même nom, aux péripéties factuelles de l’actualité, à l’apparition de nouvelles formes de criminalité, comme la criminalité numérique, aux exigences du Conseil constitutionnel, voire simplement aux alternances politiques, il s’est accru de titres et de boursouflures nouveaux, empilés, ravaudés, rapiécés.
Sa philosophie s’est modifiée de façon très importante.
Les pouvoirs du ministère public en enquête préliminaire se sont profondément accrus ce qui a pour conséquence une moindre saisine du juge d’instruction. Celui-ci s’est en outre vu déposséder de ses pouvoirs en matière de détention provisoire au profit d’un nouveau venu, le juge des libertés et de la détention, de nouveaux actes ont vu le jour ou, du moins, ont été réglementés : contrôles d’identité de diverses sortes, interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications, sonorisations…, la cour d’assises connaît deux degrés de juridiction et motive ses décisions. La liste des modifications majeures serait longue et hétéroclite.
Outre de façon ponctuelle, dans les rubriques habituelles de procédure pénale bien sûr, mais aussi de Code pénal, lois pénales spéciales, pénal des affaires et droit de la peine, qui comportent toujours des aspects procéduraux, le présent numéro se penche, de façon globale, sur ce jeune vieillard.

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