EXTRAIT DE LA REVUE DROIT PÉNAL – N° 4 – AVRIL 2019

60 ans « c’est la fleur de l’âge », c’est là où l’on entre « dans la belle saison de l’homme ». Mais si pour certains c’est un évènement qui mérite une belle célébration, pour d’autres c’est signe de vieillissement, une cause de dépression, à un tel point qu’ils préfèrent le passer sous silence. 60 ans serait alors, comme pour Cicéron qui fait pourtant l’éloge de la vieillesse, l’âge de la caducité : quand le fruit est mûr, dit-il, il doit tomber.
Alors qu’en est-il de nos codes, et plus précisément de celui dont nous fêtons les 60 ans cette année, c’est-à-dire du Code de procédure pénale ? Est-ce la belle saison qui commence pour lui ou est-il caduc à un tel point qu’il devrait tomber ?
Sans vouloir gâcher la fête, il semble possible d’affirmer que la belle saison du Code de procédure pénale est derrière nous. 60 ans après, notre Code de procédure pénale souffre de plusieurs maux qui le rendent caduc et qui justifient de penser à une recodification de la matière. Mais une précision s’impose et devrait rassurer les sexagénaires : cette caducité n’est point liée à l’âge du Code de procédure pénale mais à son état de santé – on peut, malheureusement, être jeune et malade. Oui, notre Code de procédure pénale est malade : il souffre d’une altération qui touche à la fois la forme et le fond. Il se retrouve complètement défiguré en raison des nombreuses retouches qu’il a subies sans qu’aucune vue d’ensemble ne soit assurée, à un tel point qu’il semble aujourd’hui irrécupérable. 60 ans après, notre Code de procédure pénale mérite donc d’être complètement reconstruit.
Sur la forme, d’abord, 60 ans après notre Code de procédure pénale souffre de boulimie. D’un côté, il ne cesse de gonfler afin d’essayer de suivre le rythme des questions prioritaires de constitutionnalité et des menaces venant de la Cour européenne des droits de l’homme. L’objectif étant alors, a priori, d’assurer davantage de garanties procédurales aux parties au procès. C’est ainsi que certains articles ayant subi les foudres du Conseil constitutionnel ont été remplacés par tout une liste de nouveaux articles – dont certains ont dû, à leur tour, subir le même destin, c’est-à-dire, être abrogés puis remplacés par une nouvelle longue série d’articles supposés devoir garantir la conformité de notre procédure pénale aux droits et libertés fondamentales.
D’un autre côté, notre code ne cesse de gonfler afin d’intégrer les multiples et interminables règles dérogatoires, notamment en matière de terrorisme et de criminalité organisée, à un tel point qu’il devient légitime de se demander s’il existe encore un droit commun en la matière. Enfin notre code grossit à cause d’un législateur de plus en plus bavard : les articles du Code de procédure pénale sont de plus en plus longs et de moins en moins lisibles et compréhensibles. Comment d’ailleurs prétendre pouvoir assurer une cohérence quelconque lorsque les réformes se succèdent touchant et retouchant à une seule et même disposition du code ? Il est parfois amusant de compter le nombre de lois modifiant un seul et même article à des intervalles très courts (V. à titre d’ex. CPP, art. 398-1). Bien lointaine est donc l’époque où les dispositions d’un code étaient censées durer dans le temps assurant une stabilité de notre droit. La méthode des renvois n’arrange pas les choses : non seulement il arrive que l’on soit obligé de passer par plusieurs textes pour retrouver la règle recherchée, mais, surtout, il n’est pas impossible de ne jamais la retrouver en raison d’une « erreur » législative, résultat logique et normal de la succession des retouches apportées aux textes.

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