EXTRAIT DE LA REVUE DE DROIT RURAL – N° 472 – AVRIL 2019
Le bien-être animal dans la loi EGALIM
Lucille BOISSEAU-SOWINSKI, maître de conférences, OMIJ-CRIDEAU, université de Limoges

1 – La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, qui est désormais communément appelée loi EGALIM, est issue des travaux et des recommandations des États généraux de l’alimentation, qui se sont déroulés entre juillet et décembre. Cette loi vise trois objectifs principaux : assurer la souveraineté alimentaire de la France ; promouvoir des choix alimentaires favorables pour la santé et respectueux de l’environnement ; et réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et durable. Pour ce faire, elle tend avant tout à préserver les « capacité[s] de production agricole » qui sont, selon l’exposé des motifs du texte, la « base de la souveraineté alimentaire ». L’idée sous-jacente est donc de sauver l’agriculture française, actuellement en péril, en incitant sa segmentation sur le marché plus porteur de l’alimentation saine et durable.
2 – On constate, dès l’exposé des motifs, que la loi s’intéresse avant tout à la protection humaine (protection de la santé publique et protection des professions agricoles) et non à des considérations favorables à l’animal pris pour lui-même. Pourtant, les considérations à l’égard du bien-être animal ont monopolisé une grande partie de l’attention lors de la discussion du projet. La couverture médiatique de l’avancée des travaux parlementaires a porté principalement sur les avancées et les rejets d’amendements relatifs à l’amélioration des conditions des animaux. Les députés ont trouvé là l’occasion de faire leur B.A. en matière de BEA (bien-être animal).
3 – Il faut dire que l’occasion était attendue depuis que les vidéos de l’association L214 défraient régulièrement les médias et les réseaux sociaux, ayant conduit à l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la protection des animaux dans les abattoirs et à plusieurs tentatives législatives de trouver une réponse au moins partielle à la vindicte populaire.Ces tentatives se soldèrent toutes par un échec. La première fut l’insertion dans la loi Sapin 2 d’un article 86 venant étendre aux professionnels de l’abattage et du transport la correctionnalisation des mauvais traitements qui visait déjà auparavant tous les autres professionnels en contact avec des animaux d’élevage ou de compagnie. Cet article de la loi fut retoqué par le Conseil constitutionnel qui constata que cette insertion malheureuse dans une loi portant sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique d’une disposition qui n’avait aucun rapport avec l’objectif et le propos de la loi ne pouvait s’analyser qu’en un cavalier législatif rendant nulle la disposition. Cette maladresse du Gouvernement était alors compréhensible et excusable dans le contexte du moment : il fallait réagir à l’émoi suscité par les vidéos et au problème législatif dénoncé par les associations ayant constaté que les mauvais traitements commis par des professionnels sont des délits sauf lorsqu’ils sont commis par des abatteurs ou des transporteurs non visés par le texte. Ces derniers n’encourent, quant à eux, qu’une contravention de 4e classe. Cette première tentative précipitée étant un échec, elle fut suivie d’une seconde pour laquelle l’écueil de la première semblait écarté. C’est ainsi dans l’étude de la proposition de loi sur la protection des animaux en abattoirs qu’une disposition semblable, accompagnée de nombreuses autres améliorations des règles de bien-être animal, fut à nouveau adoptée par l’Assemblée nationale.Malheureusement, cette nouvelle proposition de loi, qui fut discutée en première lecture à l’Assemblée nationale, votée, puis transmise au Sénat, ne fut jamais examinée par celui-ci en raison du changement de législature qui mit fin au mandat des députés et à la procédure d’adoption de la proposition de loi.
4 – C’est finalement dans la loi EGALIM, première grande loi agricole portée devant la nouvelle législature, que la disposition en question a ressurgi avec un risque, certes moindre mais tout de même présent, d’être à nouveau considérée comme un cavalier législatif au regard de l’objet de la loi portant sur les relations commerciales et une alimentation saine et durable. Ce risque a cependant été immédiatement maitrisé par le Gouvernement qui dès l’énoncé des motifs du projet de loi intégrait dans l’alimentation saine et durable le respect du bien-être animal. Cette disposition est ainsi devenue la porte d’entrée d’un débat plus général sur le bien-être animal alimenté par un nombre remarquable d’amendements sur ce sujet. C’est ainsi qu’ont été abordées les questions de la castration des porcelets, de l’élevage en cage des lapins ou du transport maritime des animaux.
5 – Si l’on peut se réjouir d’un certains nombres d’avancées (1),on peut également regretter la frilosité parlementaire dans certains domaines (2) avec l’impression qu’il s’agit là d’autant d’occasions manquées (3).

Revue de Droit Rural
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AUTEUR(S) : Samuel Crevel, Jacques Foyer, Daniel Gadbin, Raymond Le Guidec, jean-Jacques Barbiéri, Hubert Bosse-Platière