[3 questions] « Chaque année en France, 56 Mds d’euros sont passés en perte pour créances impayées »
EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 16 – 22 AVRIL 2019
INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
HUISSIERS DE JUSTICE
« Chaque année en France, 56 Mds d’euros sont passés en perte pour créances impayées »
3 questions à Marine Favre, vice-présidente de l’UNHJ
L’Union nationale des huissiers de justice (UNHJ), prochainement Union nationale des commissaires de justice, est le syndicat patronal de la profession chargé de protéger et d’informer les huissiers de Justice. Sensible aux difficultés rencontrées par certaines entreprises en raison de retards et défauts de paiement, celle-ci, à l’occasion du Grand débat national, a émis une proposition pour soutenir les entreprises qui en sont victimes. Marine Favre, vice-présidente de l’UNHJ revient sur l’annonce faite par le syndicat concernant la mise en place d’une procédure de recouvrement appropriée pour aider ces entreprises à recouvrer leurs créances.

En quoi consiste la procédure simplifiée que vous proposez ?
Dans le cadre du Grand débat, le législateur doit venir en aide aux entreprises en difficultés, victimes d’impayés. Cette situation ne doit plus être une fatalité. L’UNHJ demande la mise en place d’une procédure déjudiciarisée.
Cette revendication émane d’un constat simple : 90 % des entreprises débitrices sont en réalité solvables et nombre d’entre elles ne contestent pas
leur dette. Elles font cependant preuve d’inertie, faute de disposer d’une solution rapide et économique.
L’UNHJ propose, dans les relations entre professionnels, d’éviter le recours (long et coûteux) à un juge lorsque la créance n’est pas contestée.
Les greffiers des tribunaux de commerce, officiers public et ministériel, disposant de cette prérogative, pourraient ainsi se substituer au juge dans cette mission réduisant de moitié le délai d’exécution.
Ainsi, lorsqu’une créance entre professionnels est constatée par une facture, qu’elle n’est ni payée ni contestée dans un délai d’un mois, le créancier pourrait demander en B to B au greffier de conférer force exécutoire à sa créance contre le débiteur dûment informé de sa possibilité de contester et de ses conséquences.
Dans l’état actuel des choses, c’est un véritable chemin de croix pour une entreprise d’obtenir une injonction de payer. En effet, dans un premier temps, la requête doit être présentée devant un juge. La détermination du tribunal compétent dépend de la nature de la créance, voire de son montant lorsque celle-ci est civile. Après examen des documents, s’il estime que la demande est fondée, le juge rend alors une ordonnance pour injonction de payer. Le greffe adresse ensuite une copie certifiée conforme au créancier, qui doit la signifier à son débiteur par huissier de justice. Si le débiteur ne s’est pas opposé à l’ordonnance d’injonction de payer dans un délai d’un mois, le créancier a de nouveau un mois pour adresser sa demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire au greffe. Une fois la formule exécutoire apposée, il pourra enfin faire procéder à l’exécution de sa créance. En moyenne, l’apposition de la formule exécutoire intervient en 134 jours, soit 4 mois et demi après l’introduction de la demande d’injonction de payer. Ce délai, qui est loin d’être négligeable, est en partie dû à l’intervention du juge, puisque celui-ci met environ 50 jours à rendre l’ordonnance, délai auquel s’ajoute le temps que le greffe notifie l’ordonnance au créancier.
Quels sont les enjeux de cette procédure, pour les entreprises et pour la profession ?
Cette procédure a pour enjeu de rendre exécutoires les factures non payées, de manière simple, rapide et peu chère. Elle s’en trouverait ainsi redoutablement efficace dans le contexte actuel de difficultés économiques que nos TPE / PME artisans et commerçants subissent. Agir rapidement augmente naturellement le succès du recouvrement. La lenteur judiciaire subie par les entreprises victimes d’impayés est difficilement compréhensible par ces dernières, d’où le fait que ces entreprises, pourtant en difficulté, passent en perte leurs impayés. Cette nouvelle procédure permettrait de réduire les délais d’obtention d’un titre exécutoire de moitié. La justice étant engorgée, il s’agit également de déjudiciariser cette procédure, sans pour autant porter atteinte aux actions du débiteur, puisqu’il ne s’agit de rendre exécutoire une facture qu’à défaut de contestation (outre le défaut de paiement bien sûr)…
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck