[Portrait] Marie Dosé, en première ligne

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 16 – 22 AVRIL 2019

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Marie Dosé, en première ligne

Au nom d’une dizaine de familles de djihadistes français, Me Marie Dosé s’apprête à saisir, avec Henri Leclerc et Martin Pradel, la Cour EDH contre l’État français (à paraître, « 3 questions à »).

Leur position détonne. Ils sont plusieurs ténors du barreau à agir en justice contre l’État pour que soient rapatriés les enfants de ressortissants français partis rejoindre Daech. Avec la chute de Baghouz au sud-est de la Syrie, l’un des derniers bastions de l’État islamique, des milliers de combattants de l’EI et des enfants ont été dispersés dans des camps sous contrôle kurde. Au camp d’Al-Hol, la population est passée de 5 000 à 74 000 personnes. « Entre le 1 er et le 15 mars, 129 enfants sont morts de leurs blessures, de brûlures, de faim, de maladie. La dysenterie et le choléra se propagent », commente Marie Dosé. Début mars, le président de la République a autorisé le retour sur le sol français de 5 orphelins sur plus de 150 mineurs. Un cas par cas « inhumain » pour l’avocate. Avec son confrère Henri Leclerc, elle a déposé une plainte devant le Comité contre la torture des Nations Unies, estimant que ces enfants étaient exposés à des traitements inhumains et dégradants, et va former un recours devant la Cour EDH pour contester « l’inaction de l’État français ». L’objectif est à la fois d’obtenir le retour des mineurs et la condamnation de l’État. Le 9 avril, le tribunal administratif de Paris a en effet rejeté en référé une demande de rapatriement, jugeant que cette décision n’était « pas détachable de la conduite des relations extérieures de la France ». Le Conseil d’État est appelé à se prononcer.

Au-delà du volet procédural, Marie Dosé pointe la responsabilité politique du chef de l’État. « On est en train de fabriquer sur mesure du terrorisme », lâche-t-elle. « C’est pour continuer la lutte, commettre des attentats sur notre territoire, élever leurs enfants pour les faire sauter » que certaines de ces mère djihadistes ne veulent pas rentrer en France. Taxée d’angélisme au plus haut sommet de l’État, l’avocate plaide pour leur rapatriement : « on peut choisir de les laisser reconstruire Daech ou, pour celles qui veulent en sortir, les enfermer dans cette idéologie mortifère en refusant de les rapatrier. On peut aussi les mettre en examen et les placer dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation en France ». Car, qu’on veuille l’admettre ou non, elles relèvent de nos juridictions estime-t-elle : « en partant, elles se sont rendues coupables d’association de malfaiteurs en France. On nous raconte qu’elles seront jugées par des autorités locales, mais le Kurdistan syrien n’existe pas, il n’y a pas d’institution judiciaire ».

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck