Extrait du livre Régime indemnitaire des contrats publics

CHAPITRE 1 : QUANTUM DE L’INDEMNITÉ CONTRACTUELLE

201– Principe de réparation intégrale des préjudices subis. Selon la formule très fréquemment utilisée en jurisprudence, l’indemnisation de la partie évincée doit couvrir l’intégralité du préjudice causé. Sous cette formulation très générale, les juridictions désignent l’indemnisation des pertes subies et du manque à gagner.

• Indemnisation des pertes subies appréciées au jour de la résiliation. Ce qui signifie que le cocontractant évincé a droit, notamment, au remboursement de la valeur non amortie des équipements qu’il a réalisés et, d’une manière générale, à celui des dépenses engagées pour l’exploitation du service. Les juridictions semblent très fermes sur ce premier principe. C’est ainsi qu’il a été, par exemple, jugé que le droit à indemnité ne saurait être limité à la seule valeur des actifs que la société devait céder à la commune.

• Indemnisation pour le manque à gagner subi du fait de l’éviction du titulaire du contrat. En manière de principe résultant de l’orientation générale de la jurisprudence, l’on peut retenir que le juge recherche si les conditions du contrat pouvaient laisser espérer des bénéfices au cocontractant et s’il pouvait légitimement y prétendre au titre du gain manqué. Dans son appréciation, le juge tient compte de l’existence des clauses organisant les conséquences financières d’une variation des prix et à défaut de telles clauses, n’hésite pas à se référer aux pratiques du marché, en s’appuyant sur l’exemple de contrats publics comparables. Il se refuse toutefois à indemniser l’interruption d’une exploitation qui est structurellement déficitaire ou dont les résultats sont, par nature, aléatoires.

Ces éléments de solution concernent, au premier chef, les hypothèses de résiliation pour motif d’intérêt général, qui ne peut intervenir, selon une formule significative reprise dans de nombreuses décisions liées aux concessions, que sous réserve des droits d’indemnisation du concessionnaire ; et cela d’autant plus que dans le cas d’une résiliation pour motif d’intérêt général, aucune faute ne peut être reprochée au cocontractant évincé. Pour cette dernière raison notamment, les juridictions se montrent très fermes sur ce principe. Elles l’appliquent systématiquement, alors même qu’aucune stipulation relative à une telle indemnisation n’aurait été prévue par le contrat. Ce qui peut expliquer qu’elles soient, en revanche, plus vigilantes lorsqu’une faute peut être reprochée au cocontractant évincé. Elles réservent également l’hypothèse où le cocontractant a demandé lui-même la résiliation, en bloquant, de ce fait, la mise en oeuvre de l’obligation d’indemnisation…

Régime indemnitaire des contrats publics

Comment concilier contrats publics et finance d’entreprise ?

AUTEUR(S) : Lucien RAPP et Julien MOIROUX,