[Portrait] Des audiences terroirs

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 20 – 20 MAI 2019

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Des audiences terroirs

Ses clients ? Des vins naturels, des vins « cultivés ». Dans « Plaidoyer pour un vin naturel » (Nouriturfu, 2019), Eric Morain nous conte 5 histoires de vignerons convoqués par la justice et revient sur une réglementation « qui frôle l’absurde ».

«Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » écrivait Alfred de Musset. Un peu court pour les vignerons producteurs de vin naturel, c’est-à-dire cultivé sans pesticides, sans sulfites, sans intrants. Ce 13 mai, le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans a renvoyé au fond l’affaire de Sébastien David, président des vignerons bio du Val-de-Loire, sommé par arrêté préfectoral de détruire un lot de 2 078 bouteilles, cuvée « Coef » millésime 2016 d’appellation Saint-Nicolas-de-Bourgueil élevée en amphore. Le vigneron a encore un espoir de sauver ses bouteilles – et son exploitation viticole – saisies par la DGCCRF au motif d’une « teneur en acidité volatile » au-dessus des normes européennes. « Il y aurait urgence à détruire ces bouteilles comme si c’étaient des bombes », s’insurge Eric Morain, son avocat.

Cette histoire c’est celle de vignerons qui ont décidé de vinifier naturellement leur vin et qui se sont retrouvés dans le viseur de la justice. Une centaine d’entre eux a déjà confié sa défense à Eric Morain. Dans son ouvrage il décrit ces audiences terroirs où sont convoqués l’audit de cuverie, la brigade de l’herbe et le crime herbacé, où les bouteilles sont des quilles et où les prévenus ressortent (libres) de l’enceinte du tribunal (d’Angers) à cheval. Le ton est ironique, souvent drôle, mais le propos sérieux.

À ces vignerons menacés de tout perdre, que reproche-t-on ? Les contentieux se cristallisent autour des méthodes de vinification, et donc de la composition du vin, et in fine de l’étiquetage. Le nerf de la guerre : les appellations et les AOC. En clair, ces crus ne sont pas les bienvenus. « Ce vin est visé parce qu’il se vend bien et plus cher » tranche Eric Morain qui évoque une « baronnerie locale », un cahier des charges élaboré « par les plus puissants » qui conduit « à une standardisation ». Or, un vin naturel est un vin vivant : « il ne se déguste pas, il se partage, c’est ça sa seule raisin d’être », écrit-il.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck