[ETUDE] La nouvelle procédure de mutation du régime matrimonial

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 14 – 5 AVRIL 2019

RÉGIMES MATRIMONIAUX

La nouvelle procédure de mutation du régime matrimonial

Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoient la suppression du délai minimal de deux ans de durée du régime matrimonial avant changement, la fin de l’homologation systématique en présence d’enfants mineurs, la réaffirmation d’un devoir d’alerte du notaire, et la clarification des règles applicables en présence d’enfants sous tutelle. Ces réformes marquent la fin d’un processus de libéralisation du changement de régime matrimonial, amorcé en 1965, poursuivi en 2006 et dont l’achèvement était appelé de ses vœux par une large partie de la doctrine et de la pratique.

Alex Tani, docteur en droit, diplômé supérieur du notariat, attaché d’enseignement et de recherche qualifié aux fonctions de maître de conférences, université Toulouse 1 Capitole (IDP – EA 1920)

1 – La procédure de mutation du régime matrimonial – car l’on sait parfaitement qu’il peut s’agir d’un changement complet, comme d’un simple aménagement – est une nouvelle fois réformée ! La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice parachève le mouvement, amorcé de longue date, de libéralisation de la procédure de changement de régime matrimonial. Chacun connaît les étapes importantes de cette évolution et le passage d’une immutabilité absolue (C. civ., art. 1395, ancien), à une immutabilité relative (L. 13 juill. 1965), puis à une mutabilité relative, voire contrôlée (L. 23 juin 2006, réformée par L. 5 mars 2007). C’est aujourd’hui une mutabilité absolue, dite aussi « incontrôlée »2, qui est consacrée. La chose était attendue, voire espérée ; et ses incidences sur la pratique notariale sont nombreuses. Envisageons-les…

2 – Pour changer de régime matrimonial, les époux devaient respecter
un délai d’application minimal de deux ans. Ce fut, on s’en souvient, une mesure de prudence accordée en gage de l’introduction dans le Code civil d’une procédure de changement de régime matrimonial. Tout cela reposait sur l’idée suivante : comment savoir que l’on n’aime pas et que l’on veut changer, si l’on n’a pas essayé d’abord ? Le bien-fondé de cette condition était discutable, et l’on avait fini au fil du temps par perdre son sens profond. Pire, elle était devenue plus néfaste qu’utile. Régulièrement, on l’accusait de freiner la création ou la reprise d’entreprises et on lui reprochait de créer une inégalité par rapport aux couples présentant un élément d’extranéité.

3 – À une époque placée sous l’égide de la mobilité des personnes et la libre circulation des richesses, le respect d’un délai de deux ans avant de pouvoir changer de régime matrimonial faisait inévitablement figure d’ornement encombrant ; d’autant qu’il n’existe plus en France de « délai de patience » pour divorcer comme ce fut le cas sous le régime de Vichy. Ainsi, il était curieusement devenu plus aisé de divorcer et de se remarier que de changer de régime matrimonial ; du moins dans les cas où le besoin se faisait particulièrement pressant car, si de telles stratégies ont pu se concevoir, il faut reconnaître qu’elles restaient lourdes et onéreuses. Mais la célérité fut parfois à ce prix…

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AUTEUR(S) : Conseil scientifique : Ch. Blanchard, H. Bosse-Platière, C. Brenner, G. Durand-Pasquier, M. Julienne, L. Leveneur, M. Mekki, P. Murat, S. Piedelièvre, Ph. Pierre, F. Terré. Comité d’experts : D. Boulanger, M.-F. Zampiero Bouquemont, E. Clerget, F. Collard