EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 24 – 17 JUIN 2019
EDITO
Le jury, la modernité d’une vieillerie
Pascale Robert-Diard

L’avocat général Pierre Cortès qui officie depuis de nombreuses années à la cour d’appel des Bouches-du- Rhône, à Aix-en-Provence, confiait récemment : « Finalement, je peux rivaliser avec certains pénalistes renommés pour… le nombre d’acquittements ! ». Sous l’ironie, affleure le constat désabusé d’un magistrat en charge de l’accusation dans les plus lourds dossiers de grand banditisme du Sud-Est et sa conviction qu’en matière de criminalité organisée, il faut remplacer le jury populaire des cours d’assises par des magistrats professionnels sur le modèle des cours d’assises spéciales créées dans les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée.
En mars, on apprenait qu’une information judiciaire avait été ouverte en Seine-Saint-Denis pour « violation de secret du délibéré et corruption de jurés ». Elle doit éclaircir les circonstances dans lesquelles un verdict a été ébruité avant son prononcé par la cour d’assises, au terme d’un procès pour actes de torture et de barbarie, une séquestration sur fond de trafic de cannabis, qui a donné lieu à quatre acquittements inattendus d’accusés contre lesquels des peines de 8 à 18 ans avaient été requises.
En septembre, sept départements – les Ardennes, le Calvados, le Cher, la Moselle, La Réunion, la Seine-Maritime et les Yvelines – expérimenteront les cours criminelles instituées par la loi de programmation de la réforme de la justice, promulguée le 23 mars. Composées de trois magistrats professionnels, elles jugeront les crimes (hors récidive), punis de 20 ans de réclusion maximum.
Le jury populaire aurait-il vécu ? Trop chers, trop imprévisibles, trop vulnérables, trop incompétents, les citoyens jurés ? Nombreuses sont les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour critiquer le fonctionnement de la cour d’assises et réduire son champ d’application.
Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Le Point, le pénaliste François Saint-Pierre se réjouit de la disparition programmée de ce « système archaïque qui fait bandouiller quelques avocats passéistes ». Une « vieillerie néo-pétainiste », dit-il, en rappelant que lorsqu’en 1941, le régime de Vichy a imposé la présence des magistrats professionnels aux côtés des jurés pendant le délibéré, les avocats Maurice Garçon et René Floriot avaient estimé que cette réforme marquait la fin de la souveraineté populaire.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck