Cour d’appel de Bastia

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 29 – 22 JUILLET 2019

LA SEMAINE DU DROIT EN RÉGION

Manquement à l’obligation de sécurité du guide de montagne lors d’une sortie de canyonisme

CA Bastia, ch. civ. 1, 27 févr. 2019, n° 16/00921 : JurisData n° 2019-006903

Guillaume KESSLER, maître de conférences HDR à l’université Savoie Mont Blanc, CDPPOC

Bien qu’elle soit sans doute plus renommée pour ses plages de sable blanc ou ses chemins de grande randonnée, la Corse est également une destination de choix pour les amateurs de canyoning. Le Pulischellu ou le canyon de Purcaraccia apparaissent d’ailleurs de plus en plus régulièrement sur les dépliants touristiques et les affiches publicitaires pour appâter les visiteurs en mal de frissons et de fraîcheur. Ce succès a évidemment son revers. Plus l’activité est pratiquée et plus les accidents sont nombreux. Reste alors, lorsque l’excursion a été organisée sous la surveillance d’un guide, à déterminer si celui-ci est responsable ou non de la blessure subie par le vacancier.

Dans l’affaire jugée par la cour d’appel de Bastia le 27 février 2019, un touriste a été blessé au pied après avoir sauté de plus de 4 mètres dans une vasque à un endroit où la profondeur était insuffisante. La victime était la première du groupe encadré par le guide à sauter à cet endroit-là.
Il s’agissait dès lors pour la cour de déterminer si la responsabilité contractuelle du guide était ou non engagée.

Compte tenu des dangers inhérents aux sorties en montagne, les organisateurs sont tenus d’une obligation de moyens renforcés en ce qui concerne la sécurité des participants (V. par ex., à propos d’une sortie en motoneige, CA Chambéry, 2 e ch., 26 janv. 2012, n° 10/00142 : JurisData n° 2012-003939). Il convenait donc en l’espèce de déterminer si cette obligation avait été exécutée par le guide et si celui-ci pouvait s’exonérer en invoquant une éventuelle faute de la victime. Or, selon la cour, le respect des règles les plus élémentaires de sécurité exigeait que le guide vérifie au préalable la profondeur de l’eau à l’endroit du saut et qu’il prenne en compte l’éventualité qu’une personne insuffisamment expérimentée ne saute pas exactement à l’endroit qui lui était désigné.

En s’abstenant d’avertir la victime des risques liés au saut, et éventuellement de lui déconseiller de le faire, et en n’envisageant pas que sautant d’au moins 4 mètres de haut, une personne normalement exercée pouvait ne pas atteindre précisément la cible désignée, le guide a ainsi manqué à l’obligation de sécurité qui découlait du contrat et engagé sa responsabilité, aucune faute de la victime ne pouvant par ailleurs être démontrée. Il revenait ainsi à l’organisateur d’une telle sortie de jauger le niveau technique de ses clients et leur aptitude à réaliser le parcours prévu sans surestimer leur compétence. Le malheureux vacancier s’en est tiré avec une blessure au pied, mais l’incident aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck