Red Flags

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 37 – 9 SEPTEMBRE 2019

SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

LE MOT DE LA SEMAINE

Red Flags

Arbitrage international et preuve face aux accusations de corruption

Gaëlle Filhol, avocate associée et Martin Pradel, avocat associé chez Betto Seraglini, partenaire du Club des juristes

Actori incombit probatio. En arbitrage international aussi, la preuve incombe au demandeur. Les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale, à l’instar de la corruption, comptent indiscutablement au titre de ceux dont on pourrait attendre qu’ils requièrent un standard de preuve particulièrement élevé.

Alors qu’ils ont évidemment pour obligation de ne pas donner effet à une convention qui violerait l’ordre public, les tribunaux arbitraux ont pu exiger face au grief d’une corruption, une preuve « claire et convaincante, plus forte qu’une simple prépondérance », voire une preuve « au-delà du doute raisonnable ». En pratique, cette exigence a conduit de nombreux tribunaux à rejeter ces allégations.

Cependant, les actes de corruption, parce qu’ils sont par essence dissimulés, sont difficiles – voire impossibles – à démontrer. Pour pallier cette difficulté, l’arbitrage international s’est appuyé sur une technique probatoire spécifique. Elle admet que l’arbitre puisse, pour caractériser la violation de l’ordre public international, se déterminer sur la base d’un faisceau d’indices constituant une suspicion suffisamment lourde pour inciter à priver d’effet ou annuler la convention. La génération d’une présomption portant sur la caractérisation d’une infraction pénale fera sursauter le pénaliste.

En effet, lorsque ces indices sont au rouge, chacun constitue alors un red flag, soit un fait circonstancié pour laisser envisager suffisamment une corruption et en définitive la présumer. C’est alors à celui qui la conteste qu’il appartiendra de prouver l’absence de tout pacte de corruption, avant d’exiger que le contrat ne soit exécuté.

Cette présomption ne pourra cependant être admise par le tribunal arbitral qu’à la condition que plusieurs indices graves, précis et concordants soient constitués, pointant dans la même direction. On voit ici qu’une rhétorique à laquelle les pénalistes sont habitués s’invite dans la pratique de l’arbitrage…

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck