EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 38 – 16 SEPTEMBRE 2019
LA SEMAINE DU PRATICIEN INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
« Nous sommes dans une phase de recherche d’un nouvel équilibre pour le droit d’asile en Europe »
3 questions à Julien Boucher, directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra)
Nommé à la tête de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en avril dernier, Julien Boucher revient dans nos colonnes sur le rôle et les missions de l’Ofpra et sur l’actualité du droit d’asile (V. dans ce numéro, JCP G 2019, act. 910, portrait).

Cet été la France a accueilli, ainsi que d’autres pays européens, des migrants présents sur les navires Gregoretti et Ocean Viking. Cette solidarité a-t-elle vocation à durer ? Cela vous semble-t-il aller dans le bon sens ?
Nous sommes dans une phase de recherche d’un nouvel équilibre pour le droit d’asile en Europe. Un élément fondamental sera la mise en place de mécanismes de solidarité entre les États membres. C’est particulièrement nécessaire dans le contexte du sauvetage en mer de personnes accueillies dans des ports européens. Depuis au moins un an, à chaque arrivée de migrants suivie d’une demande de solidarité notamment de Malte ou de l’Italie, la France s’engage systématiquement à accueillir une partie des personnes aux côtés d’autres États membres de l’Union européenne. Dans ce contexte, l’Ofpra joue un rôle important, en dépêchant chaque fois une mission sur les lieux de débarquement pour entendre ces personnes et identifier celles qui sont en besoin de protection et auront vocation à être relocalisées. Ces entretiens doivent respecter certaines conditions fondamentales, notamment s’effectuer dans un environnement sécurisant pour le demandeur et assurer la confidentialité. Cela n’a jamais eu lieu sur les navires mais à proximité, dans un centre d’accueil. Depuis plusieurs mois, il y a là une expérience concrète de solidarité entre les États membres, au-delà des difficultés d’ordre politique. J’en profite pour préciser que ces missions dites de solidarité ne sont pas les seules que nous menons « hors les murs ». L’Ofpra conduit également des missions foraines sur le territoire national, et des missions de réinstallation dans des pays de premier accueil des réfugiés. Désormais, l’Office a une capacité de projection hors-les-murs importante avec des équipes très réactives, qui peuvent se mobiliser en très peu de temps pour se rendre à l’étranger. Et c’est vraiment devenu une partie importante et très appréciée du quotidien des agents, à juste titre.
Pouvez-vous nous rappeler en quoi consistent les missions foraines et nous expliquer ce que sont les missions de réinstallation ?
Les missions foraines consistent à aller entendre les demandeurs d’asile dans les territoires, plutôt qu’au siège de l’Ofpra. Elles permettent d’aller davantage au contact des demandeurs dans le contexte local, et d’avoir un rapport plus direct avec les autres acteurs de l’asile, à savoir les préfectures et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) mais aussi les associations qui gèrent le premier accueil et les centres d’hébergement. La réinstallation est l’une des solutions promues par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) afin d’offrir une solution durable aux personnes en besoin de protection. C’est un aspect très important dans les activités de l’Office depuis quelques années, et j’y suis très attaché. Cela consiste pour l’Ofpra à se rendre dans des pays de premier accueil des réfugiés pour entendre des personnes, souvent particulièrement vulnérables. Leur dossier nous a été préalablement présenté par le HCR qui a évalué un besoin de protection. Et sur cette base, des entretiens sont réalisés par l’Ofpra sur place, pour que ces personnes soient accueillies en France avec le statut de protection internationale. Le président de la République avait pris un engagement sur deux ans, pour les années 2018-2019, en promettant que la France accueillerait, dans ce cadre-là, 10 000 personnes. Grâce aux missions réalisées par l’Ofpra, cet engagement sera tenu. Ainsi, l’office se déplace de manière régulière dans les pays d’accueil des réfugiés par exemple, en ce qui concerne notamment les Syriens, en Turquie, en Jordanie et au Liban. Nous allons également au Niger et au Tchad, principalement pour des personnes évacuées de Libye. Ces missions ont beaucoup de sens, notamment par ce qu’elles épargnent à des personnes vulnérables les hasards du parcours d’exil en leur offrant une solution durable d’accueil en France. Dans nos missions à l’étranger, nous sommes au plus près de la réalité concrète de l’exil, assez proches en général des théâtres de conflits et lieux de convulsions qui sont le facteur déclenchant des déplacements des réfugiés…

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE
Le magazine scientifique du droit.
Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.
AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck