[En questions] La négociation commerciale (encore) revisitée par l’ordonnance EGAlim n° 2019-359

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 39 – 23 SEPTEMBRE 2019

LA SEMAINE DU PRATICIEN EN QUESTIONS

RELATIONS COMMERCIALES

La négociation commerciale (encore) revisitée par l’ordonnance EGAlim n° 2019-359

Par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, le Gouvernement – aidé par la DGCCRF – a apporté sa pierre à l’édifi ce du droit de la négociation commerciale et des pratiques restrictives de concurrence en réformant le titre IV du livre IV du Code de commerce. Intervenant quelques mois seulement après l’ordonnance n° 2018-1128 relative au seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions, l’ordonnance du 24 avril 2019 malmène quelque peu les acteurs économiques qui ont vu leur paysage juridique fortement touché en 6 mois. Retour sur certaines questions pratiques posées par cette réforme, dans le domaine des conditions générales de vente et des conventions uniques.

Julie Gayrard, avocate associée Département Contentieux & Contrats, Kalliopé

L’établissement de conditions générales de vente (CGV) est-il obligatoire ?

L’ancien article L. 441-6 du Code de commerce ne laissait pas place au doute puisque sous l’empire de celui-ci, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur était tenu de communiquer ses CGV « à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fai(sait) la demande pour une activité professionnelle ». L’obligation de communication aboutissait donc à une obligation d’établissement.

La rédaction du nouvel article L.441-1 du Code de commerce constitue un assouplissement puisqu’il dispose au contraire que « toute personne (…) qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande (…) ». L’établissement des CGV n’est donc plus, en principe, obligatoire. À bien lire l’ordonnance, le soulagement n’est pourtant que de courte durée pour les fournisseurs soumis au nouveau régime des conventions uniques, puisque les articles L. 441-3 et
L. 441-4 du Code de commerce disposent clairement que les CGV doivent être communiquées au distributeur dans un délai raisonnable avant le 1 er mars dans un cas, ou au plus tard 3 mois avant le 1 er mars dans l’autre. Autant dire que pour eux, l’établissement des CGV demeure la règle. La détermination de catégories de clients, auxquelles s’appliqueraient des CGV différenciées, est quant à elle toujours possible sous réserve de déterminer des critères objectifs définissant les catégories.

Qu’est-ce qu’un « support durable » ?

Le nouvel article L. 441-1 du Code de commerce exige que les CGV soient communiquées par tout moyen « constituant un support durable », sans pour autant définir cette notion.

En attendant les précisions jurisprudentielles, l’aide apportée par la définition de l’article 2 de la directive 2011/83/UE applicable en droit de la consommation, par ailleurs reprise par les articles L. 221-1 et L. 311-1 du Code de la consommation, est précieuse. Il s’agit pour ces textes de « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d’une manière permettant de s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ».

Dans une décision du 5 juillet 2012 prise en application de l’article 5 de la directive 97/7/CE relative à la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, la Cour de justice de l’Union européenne a, quant à elle, précisé que la seule mise à disposition d’un hyperlien sur un site internet ne satisfait pas aux exigences de communication au consommateur sur un support durable.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck