EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 1-2 – 13 JANVIER 2020
Edito
Le consentement
Nicolas Molfessis

Le titre du livre de Vanessa Springora est une interpellation qu’on ne peut ignorer. En plaçant la relation qu’elle a eue avec Gabriel Matzneff sous le pavillon du « consentement », elle nous oblige à saisir ce qu’est le libre arbitre, la volonté, le choix, au moment où, chez chacun, les pulsions, les désirs, les penchants s’expriment et s’incarnent dans une relation charnelle. Il faut bien comprendre que l’on n’est plus, ici, dans la problématique que soulève classiquement le viol mais dans une interrogation sur l’aptitude à pleinement vouloir ses actes lorsqu’il est question de sexualité, bien au-delà, d’ailleurs, des relations entretenues avec des mineurs. C’est en cela que la dynamique initiée par Me too impose de faire évoluer une réflexion jusque-là comprise de façon purement binaire : consentement ou pas ; viol ou pas. Juridiquement, comme le montre l’auteur, on peut fort bien se trouver dans le cadre de relations sexuelles qui n’ont pas été imposées par « violence, contrainte, menace ou surprise » mais pour lesquelles le consentement, apparemment donné et bien présent, se trouve dépourvu de consistance.
Le problème est là : qu’est-ce que consentir et vouloir ? La question rejoint celle posée, depuis plusieurs décennies, en matière contractuelle, dans le cadre de relations déséquilibrées. Le consentement peut ne plus être libre et, à ce titre, mériter une protection du droit. La personne peut être dans une situation de dépendance ou mal informée. C’est bien cette manière d’analyser l’engagement individuel, telle que le consumérisme l’a nourrie, qui se diffuse aujourd’hui dans le domaine de l’intime. Mais alors comment régir la situation ? Voilà plusieurs mois, maintenant, que l’on tourne autour de la question sans savoir la traiter.
Une première voie consiste à figer l’expression du consentement dans un accord contractuel via des applications pour Smartphone. C’est à la mode, notamment pour réguler les relations sur les campus ou les aventures d’une soirée, souvent trop arrosée. Vaste programme que celui qui ouvre sur une application des règles du droit des contrats au sexe. Surtout, c’est un leurre de croire qu’en formalisant le consentement, on le ferait coïncider avec la volonté…

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck