EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 5 – 3 FÉVRIER 2020
LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES
LE MOT DE LA SEMAINE
Défense de corruption
Regards croisés procédure pénale et arbitrage
Ludovic Malgrain, associé, White & Case, partenaire du Club des juristes
Christophe von Krause, associé, White & Case, partenaire du Club des juristes en collaboration avec Jean-Lou Salha, counsel

La lutte contre la corruption est aujourd’hui un enjeu de premier rang, comme en témoigne le plan national pluriannuel de lutte contre la corruption lancé le 9 janvier 2020 par la garde des Sceaux. Elle représente chaque année, selon le FMI, un coût entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars US (soit environ 2 % du PIB mondial) et constitue une infraction pénale réprimée dans toutes les réglementations nationales, dont certaines ont une portée extraterritoriale.
La loi Sapin II du 9 décembre 2016 a quant à elle innové en instituant l’obligation pour les groupes établis en France, employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros, de mettre en place, depuis le 1 er juin 2017, un programme de conformité anti-corruption comportant 8 séries de mesures, sous peine de sanctions pécuniaires à l’encontre du représentant légal et de l’entité contrôlée, sous le contrôle de l’Agence Française Anti-corruption.
Toutefois, la corruption n’est pas l’apanage des juridictions pénales étatiques. Elle peut être appréhendée par les tribunaux arbitraux dans le cadre de procédures d’arbitrage international, notamment lorsque l’une des parties soulève une « défense de corruption » pour refuser d’exécuter ses obligations contractuelles, alléguant que le contrat en question a été obtenu à la suite d’une corruption ou qu’il constitue l’acte de corruption. En effet il est désormais établi, en droit français, que le tribunal arbitral est tenu de retenir sa compétence, notamment pour apprécier la conformité des faits allégués à l’ordre public international, dont la lutte contre la corruption fait partie. Ce, d’autant plus que la sentence arbitrale est susceptible d’un contrôle très détaillé du juge français de l’annulation ou de l’appel contre
l’ordonnance d’exequatur (en l’occurrence, la cour d’appel de Paris) qui examinera l’éventuelle existence « d’indices graves, précis ou concordants » de corruption.
Lorsque les faits relèvent de la compétence des juridictions pénales françaises, ces situations soulèvent la question de l’articulation stratégique des procédures arbitrales et pénales amenées à statuer sur les mêmes faits : l’opportunité de saisir le juge pénal français avant le tribunal arbitral ; la possibilité (et l’intérêt) de solliciter le sursis à statuer dans l’attente de la procédure pénale ; la question de l’autorité de la chose jugée d’une décision correctionnelle française sur une sentence dans le cadre d’un arbitrage international ; le standard de preuve à atteindre dans chaque procédure et le rôle proactif ou non des parties concernées dans la démonstration des faits allégués de corruption…

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck