EXTRAIT DE LA REVUE PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE – N° 2 – FÉVRIER 2020
Entretien
Protection des droits de propriété intellectuelle avec la blockchain : où en sommes-nous ?
Julien BROSSE, directeur général et COO d’Ipocamp
Matthieu QUINIOU, chercheur en SIC à la Chaire UNESCO ITEN, avocat

Julien Brosse est directeur général et COO de la société Ipocamp et doctorant en droit de la propriété intellectuelle et management stratégique (faculté de droit, Université de Montréal/HEC Montréal). Julien est également chargé d’enseignement en Europe et au Canada (faculté de droit, écoles de commerce, mode, musique) où il enseigne le droit de la propriété intellectuelle sous le prisme du management stratégique et des nouvelles technologies.
Matthieu Quiniou est chercheur en SIC à la Chaire UNESCO ITEN (Université Paris 8 / FMSH), avocat à la cour d’appel de Paris, docteur en droit privé et membre de la Commission de normalisation blockchain à l’AFNOR. Il est notamment l’auteur de deux livres sur la blockchain : « Investir et se financer avec la Blockchain » aux Éditions ENI et « Blockchain : L’avènement de la désintermédiation ? » publié en français aux Éditions ISTE et en anglais aux Éditions Wiley.
En quoi la blockchain peut-elle être utile à la protection de la propriété intellectuelle ?
Matthieu QUINIOU : La technologie blockchain permet l’horodatage, ou plus précisément un estampillage certifié de transactions, d’opérations et d’évènements dans un registre distribué. Dans ce système, une instance centrale d’administration ne peut être suspectée d’avoir altéré une information ou changé une date. Il est ainsi possible d’horodater une oeuvre pour prouver une antériorité sans en divulguer le contenu. Dans la même logique, il est possible d’utiliser la blockchain pour prouver l’existence antérieure d’un savoir-faire secret ou d’un secret d’affaires, remplir la condition liée aux mesures de protection et gérer des droits d’accès. La blockchain et plus spécifiquement les smart contracts, c’est-à-dire des scripts autonomes fonctionnant sur blockchain, peuvent également être efficaces pour la gestion transparente et automatisée des droits de propriété intellectuelle et la fluidification du marché de ces droits grâce à la tokenisation, c’est-à-dire la titrisation modulaire par blockchain.
Julien BROSSE : À cet égard, les empreintes cryptographiques et donc numériques de multiples documents peuvent être déposés sur la blockchain. Ceux-ci feront l’objet d’une certification horodatée. L’empreinte numérique immuable et unique pour chaque document pourra donc permettre d’établir leur antériorité. Appliquées à la propriété intellectuelle, des solutions telles que développées par Ipocamp fournissent des usages juridiques nouveaux. Au-delà d’une application évidente en droit d’auteur,
l’horodatage blockchain peut être utile s’agissant de la preuve personnelle antérieure essentielle au droit des brevets répondant aux conditions de l’article L. 613-7 du CPI. L’autre plus-value de l’horodatage blockchain s’applique au droit des marques et concerne la preuve de l’usage de votre marque pour contrer toute déchéance. De plus, le partage sécurisé Ipocamp et la totale confidentialité de nos solutions en font un outil idéal s’agissant de la nouvelle législation relative au secret des affaires, la personne souhaitant se prévaloir de la protection au titre du secret des affaires devant être en mesure d’apporter les preuves qu’il a entrepris les mesures raisonnables pour conserver son secret.
Comment fonctionne cet horodatage par blockchain ?
Matthieu QUINIOU : Le système d’horodatage a pour principal objectif de vérifier l’intégrité des blocs minés. Lors du minage, l’outil informatique du mineur indique l’heure à laquelle le minage du bloc commence. Si l’horloge de l’outil informatique est dysfonctionnelle ou volontairement mal réglée, le bloc sera rejeté au-delà d’une certaine marge d’erreur. Ce système d’horodatage n’était initialement pas prévu dans la blockchain Bitcoin pour horodater des fichiers ou leur hash, c’est-à-dire une empreinte numérique du fichier. D’autres blockchain, comme Ethereum, la blockchain utilisée par la solution Ipocamp, ont été conçues nativement pour accueillir des usages plus larges que l’horodatage strict d’une transaction.

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AUTEUR(S) : Christian Le Stanc