[Covid-19] L’exercice du droit de retrait après le confinement

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 12. 24 MARS 2020

L’exercice du droit de retrait après le confinement

POINTS CLÉS ➤ La pandémie de Covid-19 donne lieu à de nombreux droits d’alerte et de retrait ➤ Dès lors que l’employeur a mis en oeuvre les règles de sécurité prévues par les textes, le droit de retrait n’est pas justifié ➤ En cas de retrait d’un travailleur, il est nécessaire de lancer la procédure d’alerte.

Camille-Frédéric Pradel, docteur en droit, avocat au barreau de Paris

Perle Pradel-Boureux, docteur en droit, avocat au barreau de Paris

Virgile Pradel, docteur en droit, avocat au barreau de Paris

Face à l’épidémie de covid-19, la réponse des autorités publiques s’est renforcée d’un coup (V. JCP S 2020, act. 128). En nombre : depuis le 31 janvier, nous dénombrons 36 textes réglementaires et un projet de loi d’urgence. En intensité : ces mesures affectent les libertés fondamentales. Dans ce contexte tendu, certains salariés refusent de travailler, mettant en avant leur crainte d’être contaminés. On entend davantage cette expression : « ils exercent leur droit de retrait ».

La phrase est pourtant impropre car le droit de retrait est indissociable du droit d’alerte. Le travailleur se retire valablement d’une situation de danger grave et imminent après en avoir alerté l’employeur. Le CSE est alors réuni. À défaut d’accord entre l’employeur et la représentation du personnel, l’inspection du travail puis le juge disent si le travailleur est fondé à mobiliser son droit d’alerte et de retrait.

Que donne cet arbitrage face au risque inédit de contamination au covid-19 ? A notre sens, si l’employeur respecte l’ensemble des règles de sécurité, les autorités ne valideront pas l’exercice du droit d’alerte et du droit de retrait. Dès lors que l’employeur respecte les règles de sécurité (1), le danger grave et imminent attaché au travail n’est pas caractérisé (2). L’employeur peut alors faire face à l’abus du droit d’alerte et de retrait (3).

  1. Règles de sécurité face à une pandémie

En présence d’une pandémie, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de son personnel (Circ. DGT n° 2009/16, 3 juill. 2009). Mais de quelles mesures parle-t-on ? Une circulaire du 18 décembre 2007 fournit des premières indications (A). En définitive, le dispositif retenu par l’employeur doit être présenté à la représentation du personnel et aux services de santé au travail (B)

A. – Règles issues de la circulaire du 18 décembre 2007

La circulaire DGT 2007/18 du 18 décembre 2007 distingue quatre situations :

– les salariés travaillent à distance et ne sont donc pas exposés à des contacts humains variés et nombreux du fait de leur activité professionnelle. Dans ce cas, l’employeur se réfère aux consignes des autorités sanitaires valables pour la population générale ;

– les salariés sont présents sur leur lieu de travail habituel (hors domicile privé) et sont en conséquence exposés au risque environnemental général, notamment du fait du contact avec leurs collègues dans l’entreprise, sans que le risque soit aggravé par une organisation particulière du travail (situation la plus fréquente). Les consignes élémentaires d’hygiène et de sécurité destinées à la population générale sont applicables à l’entreprise de manière renforcée, en fonction de l’évaluation des risques actualisée ;

– pour les salariés exposés régulièrement à des contacts étroits avec le public du fait de leur profession, le risque de transmission du virus pandémique s’avère plus élevé. Dans ce contexte particulier, il est vivement recommandé à l’employeur de mettre en place des mesures d’hygiène renforcées. Outre un dispositif de protection approprié,« lorsque les contacts sont prolongés et proches,il y a lieu de compléter les mesures barrières par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre, par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, ainsi que par le lavage des mains »(Min. trav., Questions/réponses Coronavirus, 17 mars 2020).

– pour les situations dans lesquelles les salariés sont directement exposés à un risque, encore aggravé, de transmission du virus pandémique en raison même de la nature de leur activité professionnelle habituelle (il peut s’agir par exemple du personnel des services de maladies infectieuses), la réglementation propre au risque biologique s’applique alors avec d’autant plus de vigilance.

La Semaine Juridique – Social

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AUTEUR(S) : Bernard Teyssié, Jean-Denis Combrexelle, Jean-Yves Frouin, François Favennec-Héry, Bernard Gauriau, Pierre-Yves Verkindt