Depuis le 1 er janvier, Frédéric Sicard est le bâtonnier de l’ordre le plus important de France, celui de Paris. Avec Dominique Attias, élue avec lui en qualité de vice-bâtonnière, ce spécialiste du droit social
souhaite recentrer les missions du barreau vers plus de démocratie, de réalisme et d’humanité.
En remettant voilà cinq ans la légion d’honneur à Frédéric Sicard, alors secrétaire du Conseil national
des barreaux (CNB), l’expatron de l’institution, Christian Charrière-Bournazel évoquait la « volonté peu commune » et l’« humanisme quasi-mystique » de celui qu’il rêvait déjà de voir à la tête du barreau de Paris et même des avocats de France. Le voici désormais bâtonnier du premier barreau du pays après deux campagnes longues et éprouvantes qui semblent n’avoir aucunement altéré son
flegme et sa bonne humeur. Avec sa consoeur Dominique Attias, l’associé du cabinet La Garanderie & Associés a défendu une philosophie humaniste de cette fonction, avec des premières mesures symboliques.
Précisément, le bâtonnier veut diminuer de 10 % les dépenses de l’institution et avec elles, les cotisations des avocats parisiens, le « quart » en étant déjà dispensé. « Nous avons atteint une relative paupérisation, reconnaît-il. Nous devons donner l’exemple pour montrer aussi que le niveau de pression fiscale et sociale n’est plus tenable ». Frédéric Sicard souhaite aussi « accompagner le développement de la profession pour en maîtriser la croissance ». Son idée ? Pousser ses confrères à s’exprimer dans les universités afin d’évoquer les débouchés dans des matières moins prisées comme le droit fiscal ou administratif. Par ailleurs, les nouveaux élus proposent d’impliquer davantage le barreau en le faisant participer aux séances publiques du Conseil de l’Ordre, désormais filmées et diffusées en direct sur internet ou donner son avis sur le budget annuel et en l’incitant à se positionner sur les grandes questions à débattre grâce à un référendum « en fin d’année ». Le bâtonnier reconnaît par ailleurs les lacunes de la profession sur son incapacité à répondre à certains besoins des particuliers et PME, pour les petits litiges notamment. « Nous labelliserons les initiatives d’avocats en renforçant encore les règles de déontologie », assure-t-il. Voilà plus guide que gouverneur. « Le bâtonnier est celui sur lequel on s’appuie », rappelle-t-il.
Frédéric Sicard, c’est avant tout une vocation, un « virus » pour le droit social, « matière humaine, au coeur de la vie des gens, qui essaie toujours de s’adapter à la réalité économique et sociale », doublée d’une vision du métier qui prend en compte l’avenir pour accompagner le client au présent et protéger sa dignité. « Il faut parfois accepter de perdre un peu de son droit dans l’intérêt général, si cela doit être plus favorable à long terme », explique-t’il.
Une conception qui met en exergue le « cinquième » des serments prêtés par le praticien, celui d’ « humanité ». « Je crois que nous pouvons être l’avocat de la famille de même que celui de l’entreprise ». Pour ce mandat, il évoque une ambition toute personnelle : promouvoir l’idée d’une Europe juridique harmonisée pour éviter une marchandisation du mieux-disant dans un contexte international de libre-échange.
Entre éclats de rire résonnants et interrogations rhétoriques, l’ancien membre du CNB et de l’Ordre de Paris qui a toujours un pied à la Commission nationale des professions libérales ne manque pas d’aborder l’urgence de l’actualité et ses défis en la matière. Avec quelques réponses qui peuvent surprendre notamment lorsqu’il évoque la possibilité d’une traçabilité des avocats au Palais de justice bien que « conservée par le bâtonnier » afin de « concilier besoins de sécurité et de liberté ». Après cela, il souligne le besoin d’individualisation des peines pour les terroristes, rappelle l’inefficacité du Patriot Act américain et promet qu’il élèvera la voix pour dénoncer « l’utilisation de l’état d’urgence pour des dossiers qui n’ont rien à voir avec le terrorisme ». Et de conclure.
« Il va falloir accepter un minimum de restrictions. Ça serait mieux sans, mais on ne vit plus dans ce monde-là ».
Anaïs Coignac
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 1-2 – 11 JANVIER 2016