[Aperçu rapide] Ordonnance et loi d’habilitation

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 30-35 – 27 JUILLET 2020

LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Ordonnance et loi d’habilitation

Le Conseil constitutionnel étend son empire

Points-clés ➜ Le 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel a confirmé le revirement de sa jurisprudence relative au contrôle de constitutionnalité des ordonnances ➜ Dans sa décision, qu’il veut de principe, il distingue les deux facettes du contrôle qu’il exerce sur les textes adoptés sur le fondement de l’article 38 de la Constitution ➜ Ce faisant, il adresse aussi plusieurs messages.

Anne Levade, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne (ISJPS – UMR n° 8103), président de l’Association française de droit constitutionnel

Le 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel rendait une décision attendue sur la question sensible de la constitutionnalité de la prolongation, de plein droit et sans intervention du juge, des détentions provisoires rendue possible dans le cadre et pour la durée de l’état d’urgence sanitaire. En cause, les dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (V. JCP G 2020, act. 369, Libres propos A. Levade ) qui habilitaient le Gouvernement à prendre par ordonnance certaines mesures relevant du domaine de la loi et, spécialement, les mots « détentions provisoires », objet de deux questions prioritaires de constitutionnalité que le Conseil joint pour y statuer par une décision unique n° 2020-851/852 QPC ( Cons. const., 3 juill. 2020, n° 2020-851, 2020-852 QPC : JurisData n° 2020-010001).

D’emblée, l’affaire semblait d’autant plus délicate que juridictions administrative et judiciaire étaient en désaccord. En effet, le 3 avril, le Conseil d’État avait, par deux ordonnances de référé-liberté, rejeté comme infondées les requêtes visant, entre autres, l’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale prise sur le fondement de l’habilitation susvisée (CE, ord. réf., 3 avr. 2020, n° 439877 : JurisData n° 2020-005277. – CE, ord. réf., 3 avr. 2020, n° 439894 : JurisData n° 2020-004605). Le 26 mai, en revanche, la chambre criminelle de la Cour de cassation considérait, dans deux arrêts, que le dispositif présentait un risque sérieux d’inconstitutionnalité justifiant qu’elle renvoie au Conseil constitutionnel, par décisions distinctes, des QPC. Elle affirmait, par ailleurs, sous l’angle de la conventionnalité, que le système ainsi institué n’était compatible avec l’article 5 de la Convention EDH qu’à la condition qu’un juge judiciaire examine à bref délai la nécessité de la détention en cause. Preuve s’il en était besoin que la difficulté était réelle, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime était entre temps venue ajouter à l’ordonnance du 25 mars un article 16-1 qui imposait, à l’avenir, l’intervention du juge (Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910 : JurisData n° 2020-007154. – Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971 : JurisData n° 2020-007177 . – V. JCP G 2020, doctr. 767, Étude H. Matsopoulou).

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck