[ENQUETE] Crise sanitaire et urgence numérique : la justice judiciaire au défi – 7 novembre 2020

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE DU DROIT – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 50

Dans un message adressé le 28 octobre aux 84 000 agents du ministère de la Justice, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a indiqué que pendant cette nouvelle période de confinement « les tribunaux resteront ouverts en France et toute l’activité juridictionnelle sera maintenue ». Pour assurer la continuité de la Justice les défis sont multiples : à la crise sanitaire se superpose l’urgence de la transformation numérique.

Dans les tribunaux, l’heure n’est plus à l’activation en urgence des PCA (plans de continuité d’activité). La règle est celle d’une poursuite « normale » de l’activité des juridictions, à tout le moins en théorie. Pour cette nouvelle période de confinement, il revient aux chefs de juridictions de mettre en place une organisation permettant d’assurer la continuité du service public de la Justice. En assumant les risques liés à la pandémie tout en résorbant les retards consécutifs à la première période. Au printemps, les magistrats avaient particulièrement mal reçu la posture de certains critiquant vertement une justice « à l’arrêt » ou du moins ralentie. « C’est une année très compliquée dans les juridictions. En mars, on a maintenu un minimum d’activité, ça n’était pas assez, maintenant on nous demande de faire comme si de rien n’était, quoi qu’il en coûte » affirme la présidente de l’Union syndicale des magistrats, Céline Parisot (V. JCP G 2020, act. 624, Enquête par A. Coignac). En position d’équilibristes, les professionnels du droit estiment que la Justice « n’en sortira pas indemne ».

Alors que la chaîne judiciaire s’est retrouvée en partie bloquée au premier trimestre, l’urgence est devenue celle de la transformation numérique qui porte la promesse d’une Justice du 21e siècle. « La crise sanitaire est révélatrice des déficits structurels de la Justice. Nous avons fait le constat que nos applications informatiques n’étaient pas au rendez-vous de la numérisation », affirme Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris, le plus important de France. Le temps est venu de « faire de la transition numérique non pas une ambition de long terme mais un projet à réaliser à court terme, avec des obligations de résultat. Il y va de la continuité et de l’efficacité du service public de la Justice », note la députée Laetitia Avia dans un avis budgétaire sur la Justice et l’accès au droit (AN, Avis n° 3404, T. IV, 13 oct. 2020). La commission des lois du Sénat, lors de l’examen des crédits dévolus à la justice judiciaire par le projet de loi de finances pour 2021, actuellement discuté au Parlement (PLF n° 3360 pour 2021), enfonce le clou en faisant le constat du « décalage entre les effets d’annonce et la réalité vécue par les professionnels et les justiciables »

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GENERALE

Le magazine scientifique du droit.

Inclus dans votre abonnement : l’accès sur tablette, smartphone et en version web. AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck