[Article] Dominique Attias, l’éthique et les mots

La_Semaine_Droit_Acteurs_6Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°6


Avocate du droit des « enfants », Dominique Attias est aujourd’hui la Vice-bâtonnière du Barreau de Paris aux côtés de Frédéric Sicard. L’occasion de défendre leurs convictions communes en France et à 
l’international.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            «La France est en train de perdre son âme ». Dominique Attias n’a pas peur des mots. Ni pour évoquer « le scandale » de l’introduction du recours aux tests d’âge osseux, méthode vétuste et décriée, sur les jeunes migrants, dans la loi sur la protection de l’enfance, ni pour critiquer le projet de loi « frileux » de la justice des mineurs sur lequel elle s’échine toujours à la tête du groupe de réflexion national sur les mineurs au CNB – « le monde des femmes et des enfants est instrumentalisé par le politique ».                                                                                                               Encore moins pour dénoncer « le leurre » constitué par « les dérives sécuritaires » amorcées par le Gouvernement qui souhaite constitutionnaliser et introduire l’état d’urgence dans la procédure pénale : « je suis archi contre », tonne l’avocate (V. infra Enquête : JCP G 2016, act. 147 ). « Notre droit porte des valeurs pour lesquelles nos concitoyens ont versé leur sang. Nous sommes en train de les vendre sous des prétextes de fausse sécurité », s’indigne-t-elle.
Ses lunettes pliées entre les mains, le regard planté dans le nôtre, la nouvelle Vice-bâtonnière se livre sans fi ltre derrière son bureau auréolé d’orchidées, trop soucieuse peut- être de libérer une parole trop longtemps (auto-)censurée, celle des femmes dans le monde du travail. « Le barreau compte 54 % de femmes. Combien sont managing partners ? », interroge-t-elle. « Beaucoup se demandent si elles sont capables.
Un homme ne se pose pas ces questions. Nous sommes pétris des stéréotypes insufflés depuis notre petite enfance », remarque celle qui assure avoir découvert l’inégalité des sexes avec les réactions suscitées par la liste entièrement constituée de femmes qu’elle a accepté de porter aux élections du CNB. « Je suis là aussi pour aider nos consoeurs, si elles le demandent, à prendre la place qu’elles méritent », explique-t-elle. Attentive au sens des mots – « il n’y a pas de détails » -, Mme la « Vice-bâtonnière » a fait changer sa plaque au barreau, gravée au masculin générique, « malgré les vapeurs de certains confrères ».
Prête à bousculer du coude l’Ordre établi, Dominique Attias peut compter sur un vivier de confrères (et consoeurs) rallié à la cause de son binôme durant dix huit mois de campagne pour le bâtonnat. Elle mesure aussi ce pourquoi elle est là, à défaut d’avoir anticipé l’abnégation qu’imposait son titre : « c’est du full-time ». « Ce n’est qu’une parenthèse dans mon existence. Je suis là pour porter les projets que le bâtonnier m’a confiés » (V. JCP G 2016, act. 2 ), souligne l’ancienne membre du Conseil de l’Ordre et du CNB qui dit ne jamais s’être engagée que par passion et challenge. Comme lorsqu’il lui a fallu reprendre des études en droit des mineurs, matière découverte au hasard de la vie avec l’ethnopsychiatrie et les pratiques autour des familles migrantes, alors qu’elle est associée dans un cabinet d’affaires. « C’était un peu sportif et schizophrène car d’un côté j’avais ces hommes d’affaires et de l’autre ces familles en grande difficulté », se remémore l’avocate devenue spécialiste du droit des « enfants », mot là encore, qui lui tient à coeur. Aujourd’hui en charge au sein du barreau de l’International et d’une toute nouvelle commission « Éthique et responsabilité sociale de l’avocat » qui lui feront porter haut les valeurs du droit français de Paris à l’Amérique du Sud en passant par un campus en Afrique, la Vice-bâtonnière n’a pas abandonné ses missions en droit des enfants : « ce domaine, je ne peux pas le mettre entre parenthèses ». Depuis la démission de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, elle redoute que ne soit enterrée la réforme sur la justice des mineurs, tout en espérant que « le ministère de la Justice reprenne sa place par rapport à Bercy ». Avant d’ajouter à propos de cette ministre dont elle n’a pas toujours partagé les positions : « je pense qu’en démissionnant, elle n’a pas perdu son âme ».

Anaïs Coignac

Ils ont dit

« La seule loi qui m’importe, c’est la loi de finances. Nous créerons des postes de magistrats,
c’est une nécessité impérative. Mais si nous ne nous en tenons qu’à cela, la justice ne fonctionnera pas mieux pour autant. Je ne fi xe pas à ce stade d’objectif chiffré. Le pays a besoin
d’un rehaussement significatif du budget de la justice même si les tribunaux ne connaissent pas tous la même urgence » (J.-J. Urvoas, www.leparisien.fr , 4 févr. 2016).

« Contrairement à l’avis du Conseil d’État de décembre, le Gouvernement introduit ce qui
ressemble fort à un état d’urgence glissant, un régime d’exception durable » a affirmé Jacques Toubon, défenseur des droits, à propos du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme (www.lemonde. fr, 4 févr. 2016).

« Il est essentiel que les autorités françaises fournissent à toutes les personnes qui ont été contraintes de quitter le campement (…) un autre logement adéquat,
d’autant plus qu’ils ont décidé de prendre cette mesure pendant l’hiver » a déploré le secrétaire général du Conseil de l’Europe à propos de l’évacuation de Roms à Paris (Cons. Europe, communiqué, 3 févr. 2016).

« L’accord proposé est juste pour le Royaume-Uni, juste pour les 27 autres États membres
et juste pour le Parlement européen. Le Royaume-Uni tire parti des protocoles (…) et se retire aussi des protocoles plus que tous les autres pays » a indiqué le président de la Commission européenne à propos du référendum sur son maintien ou non dans l’UE (PE, communiqué,
3 févr. 2016) .

Nominations

Alain Christnacht, Floran Vadillo, Anne Wurtz ont été nommés directeur du cabinet, conseiller auprès du ministre et cheffe de cabinet au cabinet du garde des Sceaux
(A. 28 janv. 2016 : JO 30 janv. 2016).

Thi My Hanh Ngo-Folliot, avocate au Barreau de Paris, et Roy Spitz , avocat au Barreau de Nice
ont été élus présidente et premier vice-président de la CNA, pour 2 ans
(CNA, communiqué, 1 er févr. 2016).

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 6 – 8 FÉVRIER 2016

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