Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°9-10
INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
AVOCATS
Modifications du RIN : dénomination des cabinets et rémunération des avocats
Déc. 14 janv. 2016 portant réforme du RIN : JO 16 févr. 2016
Laurence Dupont, juriste – adjointe à la directrice du pôle juridique du CNB
Une décision du Conseil national des barreaux (CNB) du 14 janvier 2016, publiée au Journal officiel du 16 février 2016, modifie le Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat, d’une part, en insérant un article 10.6.3 intitulé « Dénominations » encadrant les dénominations des avocats et des structures d’exercice afin d’assurer le respect des principes essentiels de la profession d’avocat et une bonne information du public ( CNB, DCN n° 2015-002 : AG 21 nov. 2015) et d’autre part, en mettant en conformité son article 11 portant sur les honoraires avec l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par l’article 51 (V) de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron (JO 7 août 2015), rendant obligatoire l’établissement d’une convention d’honoraires écrite entre l’avocat et son client ( CNB, DCN n° 2015-003 : AG 12 déc. 2015 ).
Le nécessaire encadrement de la dénomination des cabinets d’avocats. – Le choix de la dénomination d’un cabinet est libre, sous la réserve de ne pas utiliser une dénomination susceptible de faire naître une confusion dans l’esprit du public ou incompatible avec les principes essentiels de la profession (V. rapp. S. Bracq, Encadrement de la dénomination des cabinets d’avocats : AG CNB 20 et 21 nov. 2015). Or, certaines de ces dénominations utilisaient des termes génériques (géographique,
domaine d’activité, termes renvoyant à la profession d’avocat) ou des domaines de spécialisation susceptibles d’entretenir une confusion à l’égard des clients potentiels de nature à induire en erreur et à nuire aux confrères. Ces dénominations constituaient, en outre, un acte de concurrence déloyale. En effet, un public non averti peut être conduit à penser que l’avocat qui utilise des termes génériques est le seul dans ce secteur d’activité ou le plus compétent, voire le seul compétent. Certains conseils de l’Ordre s’estimaient toutefois démunis pour refuser ce type de dénomination, faute d’encadrement spécifique en la matière dans le RIN. Il est donc apparu nécessaire à la commission des règles et usages du CNB de prévoir un tel encadrement dans l’article 10 du RIN, les dénominations faisant partie intégrante de la communication des avocats et des structures. C’est
ainsi que les dénominations des cabinets d’avocats ont été intégrées dans la définition de l’information professionnelle au côté des plaques, auxquelles sont assimilées les enseignes,
façades et vitrines de cabinets d’avocats (CNB, avis n° 2015- 002, 21 mars 2015 : http://encyclopedie.avocats.fr/), des cartes de visite et de tout document destiné à la correspondance (RIN, art. 10.1, al. 5). Un article 10.6.3 nouveau a été ajouté pour compléter l’article 10.6 relatif à l’information professionnelle. Le premier alinéa de l’article 10.6.3 précise que « les dénominations s’entendent du nom commercial, de l’enseigne, de la marque, de la dénomination ou raison sociale ou de tout autre terme par lequel un avocat ou une structure d’exercice sont identifiés ou reconnus ». Le deuxième alinéa précise que « la dénomination, quelle qu’en soit la forme, est un mode de communication ». Cette précision permet de soumettre les dénominations aux dispositions
de l’article 10.2 « Dispositions communes à toute communication » du RIN, et ainsi d’interdire les dénominations mensongères, trompeuses ou qui ne seraient pas conformes aux principes essentiels tels que la dignité, la loyauté ou la délicatesse. Enfin, le troisième alinéa interdit aux avocats l’utilisation de dénominations évoquant de façon générique le titre d’avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit, une spécialisation ou une activité relevant de celles de l’avocat. Cette interdiction ne fait que tirer les conséquences des évolutions déjà reconnues par la jurisprudence (TGI Montargis, 12 févr. 2004, n° 01/01320 : interdiction de la marque « monavocat
») en application du droit des marques. Il s’agit d’interdire les dénominations du type : « Fiscalité Avocats ». En revanche, est autorisée la dénomination du type : « Fiscalité Avocats – Durand & associés » (CNB, Comm. RU, Vade-mecum de la communication des avocats : mars 2016, à paraître). Précisons que le Conseil d’État a validé le principe d’une telle interdiction, s’agissant des noms de domaine, en rejetant la demande tendant à l’abrogation des alinéas 2 et 3 de l’article
10.5 du RIN (CE, 23 déc. 2015, n° 390792 : JurisData n° 2015-029162).
La nécessaire mise en conformité de l’article 11 « Honoraires» du RIN avec le nouveau cadre juridique. – L’article 51 (V) de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, est venu modifier l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 afin de rendre obligatoire l’établissement d’une convention d’honoraires écrite entre l’avocat et son client (V. rapp. D. Piau, Réforme de l’article 11
du RIN : AG CNB 11 et 12 déc. 2015). L’obligation imposée à l’avocat pour les procédures de divorce est ainsi généralisée. L’obligation concerne toute matière et tout type d’intervention à titre onéreux (postulation, consultation, assistance, conseil, rédaction d’actes juridiques sous seing privé et plaidoirie), y compris dans le cadre de prestations juridiques en ligne (RIN, art. 6.6.). Il ne peut
y être dérogé qu’à titre exceptionnel, en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsque l’avocat intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles. Toutefois, l’obligation de conclure une convention d’honoraires
retrouve son emprise une fois passé le temps de l’urgence ou de la force majeure. En outre,
en cas d’aide juridictionnelle totale, il est fortement recommandé de conclure une convention
d’honoraires avec le client afin d’anticiper un éventuel retrait de l’aide juridictionnelle ou un retour à meilleure fortune (L. n° 91-647, art. 36). La convention d’honoraires doit préciser soit le montant des honoraires dus pour le traitement d’un dossier, soit le mode de détermination des honoraires
couvrant les diligences prévisibles ainsi que les divers frais et débours envisagés. Par ailleurs,
la CJUE par son arrêt du 15 janvier 2015 (aff. C-537/13 : JurisData n° 2015-002560) ainsi que la Cour de cassation par les arrêts de sa deuxième chambre civile des 26 mars 2015 (n° 14- 11.599 et n° 14-15.013 : JurisData n° 2015-006376 ; JurisData n° 2015-006375 ; JCP G 2015, 649, C. Caseau-Roche) et du 10 septembre 2015 (n° 14-24.301 : JurisData n° 2015-020317), sont venues affirmer l’application
du droit de la consommation dans la relation entre l’avocat et son client ayant la qualité de
consommateur. C’est dans ce contexte que le CNB a décidé de mettre en conformité l’article
11 du RIN relatif aux honoraires, dont la rédaction datait de 2008, avec le nouveau cadre
légal et jurisprudentiel dans le respect des principes qui ont toujours gouverné la matière. Il
s’agissait, notamment, de supprimer les termes « À défaut de convention entre l’avocat et son
client… », cette option n’étant plus permise par la loi, et de restructurer l’article 10 pour le
rendre plus lisible. Reste à compléter le dispositif par une modification de l’article 10 du décret déontologie n° 2015-790 du 12 juillet 2005 relatif aux honoraires dont une proposition
a été adressée par le CNB à la Chancellerie
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 9-10 – 29 FÉVRIER 2016