[Article] Vers l’interprofessionnalité à pas comptés

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique – Notariale et Immobilière n°14

NOTAIRE
484

Vers l’interprofessionnalité à pas comptés

POINTS CLÉS ➜ Une ordonnance du 31 mars 2016 vient fixer les règles relatives aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut dont le titre est protégé Les dispositions relatives à la déontologie, à la responsabilité et à l’assurance sont fixées dans leurs grandes lignes Il faudra attendre des précisions par voie réglementaire

Philippe Pierre

Comme le laissait augurer la loi d’habilitation (L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 65, 2° : JCP N 2015, n° 36, 1147 à 1152), les dispositions de l’ordonnance relatives à la déontologie, à la responsabilité et à l’assurance se résument à assez peu (JO 1er avr. 2016. – V. infra JCP N 2016, n° 14, act. 485 et 488), son texte étant conçu sous couvert de dispositions réglementaires d’application dont on ose
alors escompter un degré de technicité supérieur.

• Principe – En effet, en abordant les « dispositions générales » du Titre 1er de l’ordonnance, on peine à trouver un véritable apport dans la lecture du principe énoncé par l’alinéa 1er de l’article 31-10, aux termes duquel « le professionnel exerçant au sein de la société une des professions qui en constituent l’objet social est tenu aux obligations de loyauté, de confidentialité ou de secret professionnel conformément aux dispositions encadrant l’exercice de sa profession ». L’affirmation du contraire eut été assurément fondre les professionnels concernés dans le moule d’une profession
unique, et non dans celui de la pluri-professionnalité !

• Confidentialité et secret professionnel – On prêtera en revanche une plus grande attention au second alinéa de la disposition précitée, énonçant que « les obligations de confidentialité ou de secret professionnel ne font pas obstacle à ce qu’il communique à d’autres professionnels toute information nécessaire à l’accomplissement des actes professionnels et à l’organisation du travail au sein de la société dans l’intérêt du client et à condition que ce dernier ait été préalablement informé de cette faculté de communication et y ait donné son accord. Cet accord mentionne, le cas échéant, la ou les professions constituant l’objet social de la société auxquelles le client s’adresse et entend limiter la communication des informations le concernant ».
Si l’on se focalise sur le secret professionnel, plus contraignant encore que la confidentialité contractuelle, ce texte entend autoriser son partage entre les intervenants de la société impliqués dans une opération commune en faveur d’un même client. On peut ainsi aisément imaginer que des données financières, comptables et juridiques circuleront de bord à bord afin de construire dans sa globalité un projet sociétaire, patrimonial ou immobilier complexe. Cette notion de secret partagé, dans l’intérêt de celui à qui profitera la diffusion des informations et avec son accord, n’est assurément pas nouvelle dans le tableau législatif actuel. Ainsi, des dispositions comparables irriguent le secteur médical (C. santé publ., art. L. 1110-4) ou médico-social (C. action soc. et fam., art. L. 121-6-2, L. 226-2-2).
Pour autant, l’innovation tient à ce que ce partage bénéficie ici à des professionnels de spécialités réellement éloignées, parmi les neuf qu’énumère l’article 31-3 de l’ordonnance au titre de la pluri-professionnalité (avocat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaire-priseur
judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable).
L’apport de l’ordonnance tient également aux modalités de cette communication interne, fondées sur un accord préalable qui laisse les professionnels associés, juges de son contenu effectif, mais aussi responsables de la mésinterprétation de l’intérêt du client qui en trace tout autant les limites. On le sait, la possibilité pour le créancier du secret d’en délier expressément le notaire lorsque celui-ci collabore cette fois de façon informelle avec d’autres professionnels du chiffre, du droit et alii, suscite la controverse, en présence d’une jurisprudence peu éclairante et des réserves affichées par les milieux notariaux au nom de l’intérêt général.
L’avenir dira si l’ordonnance du 31 mars 2016 jouera en la matière un rôle exemplatif ou dérogatoire, mais il est dommage que son champ d’application nécessairement limité n’ait pas permis d’éclaircir de façon générale ce débat récurrent.

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LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 14 – 8 AVRIL 2016

LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 14 - 8 AVRIL 2016

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