Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°18
Attentats de Paris, affaires Merah, de l’Hyper Cacher , l’avocate franco-tunisienne Samia Maktouf, conseil auprès de la CPI, est engagée aux côtés des victimes de terrorisme (V. infra 526 , Entretien).
Sur son bureau, une feuille format A3 sur laquelle figure une cartographie des différentes cellules terroristes à l’origine des attentats de ces dernières années. Des noms surlignés dans différentes couleurs, des flèches faisant état des ramifications, des dates renvoyant aux passages à l’acte. Samia Maktouf rassemble les pièces d’un macabre puzzle pour comprendre et pour défendre la quinzaine de victimes des attentats de Paris qu’elle assiste.Visage ouvert, la jeune femme raconte, ses yeux noirs plantés dans les vôtres, l’après-13 novembre. « Après, pour les familles, c’est le néant. Cette mère ne verra jamais son fils plaider. Sami, qui a reçu deux balles dans le ventre à l’entrée du Bataclan, ne pourra plus porter sa fille ». L’avocate n’en sort pas indemne. « Il faut affronter la mort et rester debout ».
Voilà 4 ans que Me Maktouf s’est plongée dans la nébuleuse terroriste et le djihadisme radical. C’était au lendemain de l’affaire Merah en 2012. Les propos de sa cliente, mère d’un soldat assassiné raisonnent encore : « “Je voudrais venir en aide à ceux qui sont la cause de ma souffrance” ». « La plupart des victimes sont dans l’incompréhension, non dans la haine ou la vengeance ». Depuis, l’avocate traque les failles et zones d’ombre, questionne les autorités. « Nous en sommes au 5e
attentat, or tous les auteurs étaient “lourdement connus” des services de police ».
Femme de poigne, son parcours, du mondain à l’humain, intrigue. Née en Tunisie dans une famille modeste, seule fille de la fratrie, deux frères avocats, Samia Maktouf fait ses études à Sceaux puis à La Sorbonne avant de rejoindre l’Angleterre et les États-Unis. Également inscrite au barreau de Tunis,
elle garde des liens étroits avec sa terre natale. En 2006, c’est sur la plus prestigieuse avenue du monde, les Champs-Elysées, que l’avocate d’affaires pose sa plaque pour recevoir une clientèle faite d’artistes connus et d’hommes politiques.
Avec l’affaire Karachi, – elle intervient pour l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine -, sa carrière prend le virage du pénal. L’ancienne élève de Delmas-Marty veut désormais se consacrer à « l’humain ». « J’ai gagné des dossiers lucratifs » mais ça n’est « pas la même satisfaction » dit-elle, évoquant ce jour de janvier où un vigile, victime des attentats du Stade de France, la sollicite. « Cela faisait 3 mois que, sous le coup du choc, il n’arrivait à parler à personne. Le jour où j’ai obtenu sa carte de séjour de dix ans, ma joie était indescriptible ».
Samia Maktouf a le goût des combats difficiles. En 2011, un bateau de 500 réfugiés tunisiens débarque sur les côtes de Lampedusa. Elle investit les lieux « du matin au soir » et obtient la régularisation de nombreux sans papiers.
Les clients de cette avocate solide et pugnace, à la voix rassurante et au regard empreint de compassion, peuvent compter sur son soutien. Aujourd’hui, elle a fait sien le combat des victimes d’attentats. Parlant avec passion, revenant sans cesse à eux, ces terroristes qui ont arraché des vies au hasard de terrasses et du Bataclan, en laissant d’autres brisées, Samia Maktouf est habitée par ces dossiers où « on laisse un peu de soi ». Lorsqu’on lui demande si elle a peur, elle s’écrie presque : « Non jamais, si on a peur on recule et on hésite ». Depuis peu, l’avocate reçoit des menaces sur Facebook : « On me traite d’apostat, ce qui pour une musulmane est pire qu’un mécréant ».
Rester debout.
Récemment, elle s’est rendue à Molenbeek-Saint-Jean pour prendre le pouls de ce quartier de Bruxelles qui a vu grandir 9 des 13 auteurs des derniers attentats.
Dans les dossiers de terrorisme, « On ne s’investit pas à moitié, mais je suis heureuse comme ça » confie-t-elle, citant l’avocat Albert Naud, « Rien d’humain ne m’échappe ».
Florence Creux-Thomas
Ils ont dit
« L’intéressé (Salah Abdeslam) est pris en charge avec les conditions maximales de sécurité . Placé en quartier d’isolement et dans une cellule seul, il est encadré par une équipe de surveillants et personnels formés à l’accompagnement des personnes détenues dangereuses. Le nombre de ses interlocuteurs pénitentiaires est strictement limité », précise le garde des Sceaux après la remise définitive le 27 avril aux autorités judiciaires françaises par leurs homologues belges (Ministère de la justice, communiqué, 27 avr. 2016) .
« L’Assemblée nationale va avoir à se prononcer cet après-midi sur un vote historique , (…) Je propose un texte de consensus puisqu’il a déjà été voté par la droite au Sénat, en 2013, tous les sénateurs de droite ont voté ce texte » déclarait Jean-Jacques Urvoas avant le vote final mardi 26 avril de la réforme du CSM ( France info, 26 avr. 2016 )
« C’est une proposition, ce n’est pas encore une décision », a précisé Jean-Jacques Urvoas à propos d’un amendement voté par le Sénat au projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé qui permet aux directeurs de prison d’ordonner des « fouilles dans des lieux et pour une période de temps indéterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues » (France info, 26 avr. 2016) .
« Au moment du débat budgétaire, j’aurai l’occasion de préciser la hauteur des financements dégagés et l’ampleur des constructions envisagées. (…) les engagements déjà été pris seront respectés. Ce sera par exemple le cas du futur centre pénitentiaire de Troyes qui devra s’accompagner de la fermeture de Clairvaux que je confirme ici » a déclaré J.-J. Urvoas lors de la cérémonie de baptême des élèves de l’ENAP ( Ministère de la justice, communiqué, 27 avr. 2016 ).
« Je compte sur vous pour relayer la connaissance du prochain concours , dont les inscriptions seront ouvertes à partir du 16 mai prochain. En effet, en 2017, l’administration pénitentiaire recrutera 2 500 surveillants » a souligné Jean–Jacques Urvoas lors de son intervention lors de la cérémonie de baptême des élèves de l’ENAP ( Ministère de la justice, communiqué, 27 avr. 2016 ).
Nomination
Daniel Tricot, magistrat, est nommé vice-président de la commission d’examen des pratiques commerciales (D. 19 avr. 2016 : JO 21 avr. 2016).
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 18 – 2 MAI 2016