Lexis 360 Secteur Public vous propose de télécharger le fascicule encyclopédique JurisClasseur Bail Commercial « Cession de droit au bail », mise à jour 16 mai 2016
Fasc. 1450 : BAIL COMMERCIAL. – Cession
JurisClasseur Bail à loyer
Fasc. 1450 : BAIL COMMERCIAL. – Cession
Date du fascicule : 1er Décembre 2014
Date de la dernière mise à jour : 18 Mai 2016
Christine Quément – Maître de conférences à l’université de Poitiers
Mises à jour
Mise à jour du 18/05/2016 – §24. – Cession isolée du bail
Mise à jour du 18/05/2016 – §29. – Qualification de la cession
Mise à jour du 18/05/2016 – §42. – Clause d’agrément
Mise à jour du 18/05/2016 – §49. – Pacte de préférence
Mise à jour du 18/05/2016 – §61. – Droit de préemption des communes
Mise à jour du 18/05/2016 – §69. – Conditions de fond de la cession
Mise à jour du 18/05/2016 – §73. –
Mise à jour du 18/05/2016 – §77. – Acceptation
Mise à jour du 18/05/2016 – §103. – Responsabilité du rédacteur
Mise à jour du 18/05/2016 – §109. – Effets de la cession
Mise à jour du 18/05/2016 – §120. – Mise en œuvre de la clause de garantie
Mise à jour du 18/05/2016 – §145. – Cession du fonds en cas de redressement judiciaire
Mise à jour du 18/05/2016 – Bibliographie.
Points-clés
- L’article L. 145-16 du Code de commerce réglemente la cession de bail ainsi que les opérations assimilées à la cession (V. n° 1 à 22 ).
- L’article L. 145-16 institue un régime dérogatoire au droit commun, en prohibant les clauses d’interdiction de cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce (V. n° 22 à 41 ).
- Les clauses qui subordonnent la cession à des contraintes particulières, mais sans empêcher la cession, sont valables (V. n° 42 à 60 ).
- La loi a prévu un droit de préemption des communes sur les cessions de fonds de commerce et de baux commerciaux restreignant ainsi la liberté des parties (V. n° 61 à 65 )
- La cession est soumise aux conditions de fonds régissant tout contrat (V. n° 66 à 71 ).
- La cession de bail est une cession de créance qui doit être signifiée au bailleur ou acceptée par ce dernier selon l’article 1690 du Code civil (V. n° 72 à 83 ).
- La cession irrégulière du bail est inopposable au bailleur et peut entraîner un refus de renouvellement, la résiliation du bail et être source de responsabilité. Toutefois le bailleur peut renoncer à se prévaloir de l’infraction (V. n° 84 à 105 ).
- En cas de cession de bail, il n’y a pas de nouveau bail, mais substitution du cessionnaire au cédant (V. n° 106 à 110 ).
- Dans la plupart des baux commerciaux est insérée une clause de garantie solidaire stipulant qu’en cas de cession de bail, le cédant s’engage à garantir les obligations résultant du bail (V. n° 111 à 124 ).
- L’article L. 145-16, alinéas 2 et 3, du Code de commerce prévoit que lorsque la cession résulte d’une fusion de sociétés, il y transmission de plein droit du droit au bail (V. n° 125 à 137 ).
- Un régime dérogatoire est également prévu en cas de cession de bail lors d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (V. n° 138 à 147 ).
Introduction
- – L’article 1717 du Code civil pose le principe de la liberté de cession de bail par le preneur si cette faculté ne lui a pas été interdite : c’est l’application, au contrat de bail, du principe général de la liberté des conventions. La fréquence des clauses subordonnant toute cession à l’accord du bailleur revenait pratiquement à empêcher le locataire commerçant de céder son fonds de commerce sans le consentement du bailleur, chaque fois que le bail était un élément indispensable au ralliement de la clientèle. Ce régime a été profondément modifié par la législation relative aux baux commerciaux. La loi du 30 juin 1926 a introduit une réglementation de la cession de bail. Désormais, la réglementation relative à la cession du bail commercial est précisée à l’article L. 145-16 du Code de commerce(ancien D. 30 sept. 1953, art. 35-1). L’article L. 145-51 (ancien D. 30 sept. 1953, art. 34-3-1 et 38-2) régit la cession du bail par le commerçant, pour cause de départ en retraite ou invalidité.
- – La réglementation actuelle maintient le principe de la liberté contractuelle. Ainsi, les parties sont libres de convenir d’une liberté totale de cession, de soumettre la cession à l’agrément du bailleur ou d’imposer le respect de formalités particulières. Toutefois, afin de permettre au commerçant de vendre son fonds de commerce avec tous les éléments nécessaires à l’exploitation, les clauses visant à interdire la cession du bail commercial à l’acquéreur du fonds de commerce sont prohibées par l’article L. 145-16 du Code de commerce(ancien D. 1953, art. 35) dérogeant ainsi au régime libéral de l’article 1717 du Code civil. Il en résulte une différence importante de régime selon que le bail est cédé en même temps que le fonds ou de manière isolée. Si le bail est cédé sans le fonds, l’article 1717 demeure applicable et toutes les clauses visant à interdire la cession sont valables. Dans une telle hypothèse, l’obligation d’obtenir l’autorisation du bailleur est incontournable.
- – Notion de cession de bail
- – Définition
- – La cession de bail est l’acte juridique par lequel le preneur cède son contrat de location à un tiers qui va l’exécuter à sa place. Le cédant transmet son droit de jouissance sur le local et le cessionnaire devient débiteur, à l’égard du bailleur, des obligations mises à la charge du locataire par le contrat de bail. En conséquence, la cession de bail est une véritable cession de créance au sens des articles 1689 et 1690 du Code civil. Le cessionnaire devient locataire au lieu et place du cédant, ce qui créé des rapports directs de droit entre lui et le bailleur et fait, en principe, disparaître tout lien de droit entre le cédant et le propriétaire (Cass. 3e civ., 18 juill. 1979 : Bull. civ. 1979, III, n° 155). La transmission du contrat de bail s’opère donc activement et passivement.
- – La cession doit s’entendre largement. Elle inclut toutes les transmissions à titre onéreux (vente, échange, dation en paiement) ou à titre gratuit (donation ou legs) ; la cession de bail ne comporte pas nécessairement la stipulation d’un prix (Cass. soc., 11 nov. 1954 : D. 1955, p. 22).
- – Opérations assimilées à la cession de bail
1° Apports en société
- – La jurisprudence et la doctrine assimilent l’apport en société à une cession de bail, cet apport produisant les mêmes effets et étant par conséquent soumis aux même conditions. L’apport en société, à la constitution de la société ou en cours de vie sociale, relève de l’article L. 145-16, alinéa 1 du Code de commerce(Cass. 3e civ., 10 avr. 1973 : Rev. loyers 1974, p. 406 ; AJPI 1974, p. 316, note Viatte). Les formalités de cession prévues au bail doivent être respectées (CA Douai, 2e ch. sect. 2, 11 sept. 2007, n° 06/07395 : JurisData n° 2007-345681. – CA Paris, 16e ch. B, 5 juin 2008, n° 07/11644 : JurisData n° 2008-364248). Il a ainsi été jugé que si l’autorisation du bailleur n’est pas requise dès lors que la cession a été faite au profit d’une filiale de la société comme le permettait le contrat, le défaut de notification de la cession au bailleur selon les formalités de l’article 1690 du Code civil entraîne l’inopposabilité de la cession au bailleur (CA Bordeaux, 2e ch. civ., 2 juin 2009 : JurisData n° 2009-017033).
Il n’est fait exception qu’en cas de fusion ou apport partiel d’actif soumis au régime des fusions (C. com., art. L. 236-22. – V. infra n° 8 et 101 ).
- – Société en formation – La même jurisprudence s’applique à l’hypothèse d’un apport à une société en formation, dès lors que cet apport est effectivement réalisé (Cass. 3e civ., 18 mai 1979 : Bull. civ. 1979, III, n° 101) et que l’acte a été repris par l’assemblée générale de la société (Cass. 3e civ., 6 avr. 2005, n° 01-12.719 : JurisData n° 2005-027927 ; Loyers et copr. 2005, comm. 156, note Ph.-H. Brault ; JCP E 2005, 1733, n° 15, note H. Kenfack). La novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. Tel n’est pas le cas, lorsque l’acte est conclu sans mention que les preneurs agissaient au nom de la société en formation (CA Paris, 16e ch. B, 18 mai 2001, n° 2000/03329 : JurisData n° 2001-144267) ou encore lorsqu’il ne s’agit que d’une simple domiciliation de la société (CA Montpellier, 5e ch. A, 25 oct. 2004, n° 03/04989 : JurisData n° 2004-271478). L’apport du bail à une société constitue une cession ; le propriétaire doit concourir à l’acte même en présence d’une clause d’autorisation au bail en l’absence de dispense. Le fait que la société a réglé les loyers en lieu et place du preneur initial ne démontre pas que le propriétaire ait donné son accord à une substitution (CA Montpellier, 5e ch. A, 18 mai 1998, n° 97/0002501 : JurisData n° 1998-034746). Il a ainsi été jugé que l’autorisation donnée au preneur de permettre à une société en formation d’occuper les lieux loués, l’établissement des quittances de loyers au nom de celle-ci et la sommation qui lui a été délivrée de quitter les lieux font que le bailleur ne saurait être considéré comme ayant accepté une sous-location au profit de la société en formation, mais comme reconnaissant une cession de bail consentie par le preneur (CA Pau, 2e ch., 16 oct. 1996 : JurisData n° 1996-056386).
- – Sociétés en participation – En revanche, il n’y a pas cession si les locaux loués sont apportés à une société de fait ou à une société en participation. Celle-ci n’est pas une personne morale. Les apports faits à une telle société ne constituent pas un patrimoine autonome et, sauf convention d’indivision, chaque associé reste propriétaire des biens mis à sa disposition (Cass. 3e civ., 28 juin 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 150 ; RD imm. 1989, p. 509, obs. Derruppé). Il en résulte que l’apport à une société en participation n’entraîne pas juridiquement cession du droit au bail rendant nécessaire, pour l’opposabilité aux tiers, l’accomplissement des formalités prévues par l’article 1690 du Code civil(CA Paris, 31 janv. 1961 : D. 1962, somm. p. 10).
- – Fusions, scission, apport partiel d’actif – L’article L. 145-16, alinéa 2, du Code de commerce disposait que “En cas de fusion de sociétés ou d’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé dans des conditions prévues à l’article L. 236-22, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l’apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail”. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifie ainsi l’alinéa 2 de l’article L. 145-16 du Code de commerce : “En cas de fusion ou de scission de sociétés, en cas de transmission universelle de patrimoine d’une société réalisée dans les conditions prévues à l’article 1844-5 du code civil ou en cas d’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24 du présent code, la société issue de la fusion, la société désignée par le contrat de scission ou, à défaut, les sociétés issues de la scission, la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine ou la société bénéficiaire de l’apport sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail”. Il résulte de ce texte, qui est d’ordre public, qu’il y a transmission de plein droit du bail, mais qu’il n’y a pas cession au sens technique du terme si l’apport est réalisé lors d’une fusion, d’une scission en cas de transmission universelle de patrimoine d’une société (V. infra n° 125 ).
- – Transformation de société – En cas de transformation d’une société en une autre forme de société, l’article L. 210-6, alinéa 1er in fine du Code de commerce dispose que “la transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle”. Par conséquent, la survie de la personnalité morale de la société fait qu’il ne peut y avoir de transfert de droit d’un patrimoine à un autre, ce qui exclut toute assimilation à une cession de bail (Cass. 3e civ., 29 mai 1961 : Bull. civ. 1961, III, n° 245). Cependant, la transformation d’une entreprise individuelle en une société entraîne la création d’une personne morale distincte et un changement de locataire. La Cour de cassation rappelle que cet acte peut s’analyser soit en une sous-location, soit en une cession. Il est donc indispensable de matérialiser la cession par une notification au bailleur pour éviter de voir requalifier la cession en sous-location interdite (Cass. 3e civ., 17 juill. 1991 : Express doc. 10/1991, p. 11). La jurisprudence est constante sur cette question. En effet, la Cour de cassation a censuré une décision qui considérait que lorsque une entreprise individuelle se transformait en société, il ne pouvait s’agir d’une sous-location prohibé mais qu’il s’agissait d’un transfert de contrat au profit de la personne morale. La cassation a pour motif la violation de l’article 1134 du Code civil dans la mesure où il n’a été rapporté aucun accord de volontés entre les bailleurs et la société lors de la conclusion du bail et de ses renouvellements successifs (Cass. 3e civ., 4 juin 2013, n° 12-18.330 : JurisData n° 2013-013365).
2° Cession de parts sociales
- – La cession de parts sociales n’entraîne pas la cession du bail dont la société est titulaire même si la cession porte sur la totalité des parts (CA Paris, 18 févr. 1992 : D. 1992, inf. rap. p. 143 ; JCP E 1992, I, 47, obs. J. Monéger). Une telle cession ne peut être assimilée, ni à la cession du fonds de commerce, ni à celle du bail commercial constituant l’actif de la société (Cass. com., 12 juill. 1993 : Bull. Joly 1993, p. 1146, note M. Boizard ; RD imm. 1994, p. 114, obs. J. Derruppé. – Cass. com., 13 févr. 1990 : Bull. civ. 1990, IV, n° 42 ; D. 1990, jurispr. p. 470 ; JCP G 1990 II, 21587, note Lazarski ; Rev. sociétés 1990, p. 251, note Le Cannu ; Bull. Joly 1990, p. 660, note Jeantin ; RTD com 1991, p. 185, n° 1. – Cass. com., 6 juin 1990 : RTD com. 1991, p. 27, n° 1. – Cass. com., 22 janv. 1991, n° 89-12.398 : JurisData n° 1991-000218 ; RTD com. 1991, p. 182, n° 2. – Cass. com., 19 nov. 1991, n° 88-18.546 : JurisData n° 1991-003843 ; JCP N 1992, II, p. 347, note Le Nabasque. – CA Paris, 18 juin 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 210). La Cour de cassation a réaffirmé que la cession des parts sociales d’une société titulaire d’un bail commercial ne constitue pas une cession de bail (Cass. 3e civ., 10 juill. 2002 : RJDA 2002, n° 11, p. 947 ; Gaz. Pal. 2003, jurispr. p. 449, note Ph.-H. Brault ; Administrer janv. 2003, somm. p. 38. – CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 10 avr. 2013, n° 11/01736, SCI Saint Honoré 265 c/ SARL La Cour :JurisData n° 2013-007461. – CA Versailles, 12e ch., 3 sept. 2013, n° 11/09167 : JurisData n° 2013-020870).
3° Dissolution de la société
- – Selon l’article L. 237-5 du Code de commerce“La dissolution de la société n’entraîne pas de plein droit la résiliation des baux des immeubles utilisés pour son activité sociale, y compris des locaux d’habitation dépendant de ces immeubles”, l’article L. 237-2, alinéa 2, précisant que “La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation”. En conséquence, la dissolution de la société n’entraîne pas automatiquement la cession du droit au bail car la personnalité morale, qui survit pour les besoins de la liquidation, reste seule titulaire du bail (Cass. 3e civ., 12 mars 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 186 ; JCP G 1971, IV, 109). Elle peut continuer temporairement son exploitation dans les locaux loués et le liquidateur a qualité pour demander le renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 3 oct. 1969 : Rev. sociétés 1970, p. 268).
- – La dissolution de la société conduit normalement à la liquidation-partage de son patrimoine : l’attribution du droit au bail lors de cette liquidation est constitutive d’une opération analogue à la cession de bail, puisque le droit au bail est transféré de la personne morale dissoute à un associé attributaire (Cass. com., 25 mars 1958 : JCP G 1958, IV, 178).
- – La disparition de la société risque de faire perdre au bailleur la garantie de la bonne exécution du bail par le cédant et rend impossible l’exécution de la stipulation contractuelle imposant la garantie solidaire entre cédant et cessionnaire. C’est pourquoi, afin d’éviter de rendre la cession du bail impossible pour une société en liquidation, le législateur, dans l’alinéa 2 de l’article 237-5 du Code de commerce, prévoit que “si, en cas de cession du bail, l’obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de celui-ci, il peut y être substitué, par décision de justice, toute garantie offerte par le cessionnaire ou un tiers, et jugée suffisante”. Ce texte concerne tous les baux visés à l’alinéa 1er de l’article 237-5 et s’applique même aux locaux non soumis au statut des baux commerciaux (V. infra n° 131 ).
4° Réunion des parts en une seule main
- – Lorsque toutes les parts sociales ou actions sont réunies en une seule main, l’article 8 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dispose que “l’associé entre les mains duquel sont réunies toutes les parts sociales peut, à tout moment, dissoudre la société par déclaration au greffe du tribunal de commerce en vue de la mention de la dissolution au registre du commerce”. La réunion de toutes les parts ou actions n’entraîne donc pas dissolution de la société. S’agissant de la réunion de toutes les parts d’une SARL en une seule main, l’article L. 223-4 du Code de commerce écarte l’application de l’article 1844-5 du Code civil relatif à la dissolution judiciaire. Il a cependant été jugé que l’associé d’une SARL qui a réuni entre ses mains toutes les parts de la société preneuse d’un bail commercial s’est vu attribuer par dévolution les actifs de celle-ci, dont le droit au bail. Il s’agit d’un mode d’acquisition de la propriété analogue à la transmission des biens par succession. Dès lors, cette transmission du droit au bail, qui produit les mêmes effets qu’une cession, aurait dû être soumise aux mêmes conditions de signification au bailleur, c’est-à-dire dans les formes de l’article 1690 du Code civil. Cette faute n’est cependant pas d’une gravité telle qu’elle pouvait justifier la résolution du bail (CA Paris, 16e ch. A, 24 juin 1997 : JurisData n° 1997-021622). Cette solution paraît discutable dans la mesure où il n’y a pas disparition de la personne morale en application de l’article L. 223-4 du Code de commerce. En revanche, dans une autre espèce, il a été jugé que dès lors l’assemblée générale de la société anonyme, devenue l’unique associé de la société locataire, avait décidé la dissolution de celle-ci et que cette dissolution avait entraîné la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute, incluant le droit au bail dont elle était titulaire, à l’associé unique qui s’était substitué à elle dans tous les biens, droits et obligations, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il ne s’agissait pas d’une cession de bail et que l’autorisation du bailleur prévue à cette fin n’était pas requise (Cass. 3e civ., 9 avr. 2014, n° 13-11.640 : JurisData n° 2014-006941; Loyers et copr. 2014, comm 178 ; JCP E 2014, 1354, note B. Brignon).
5° Adjudication
- – L’adjudication du fonds de commerce et du droit au bail est assimilée à une cession : il a été jugé que l’adjudicataire du fonds de commerce, ayant cause à titre particulier du précédent locataire du fonds de commerce, peut bénéficier de l’engagement verbal de son auteur (CA Paris, 9 nov. 1954 : JCP G 1955, IV, 51).
6° Partage
- – En cas de liquidation d’une société de fait dans laquelle le fonds de commerce était la propriété indivise des deux associés, il a été jugé que l’attribution à l’un d’eux, par l’effet d’un partage déclaratif, ne pouvait être considérée comme une cession soumise à l’agrément du bailleur (Cass. 3e civ., 24 mars 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 64 ; Gaz. Pal. 1981, 2, pan. jur. p. 299). Cette solution est critiquable car il y a bien changement du titulaire du bail et donc cession de bail. Il a d’ailleurs été jugé que, dans le cadre d’une convention de divorce sur requête conjointe, la transmission par un époux à sa femme d’un bail commercial dont il était titulaire constituait une véritable cession imposant la notification au bailleur et le respect des clauses du bail concernant la cession (CA Aix, 14 janv. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 545).
- – Lorsqu’un fonds de commerce est commun à deux époux, il peut être exploité indifféremment par l’un ou l’autre, même en l’absence de cotitularité du bail. Il en résulte que l’exploitation par celui qui n’est pas titulaire du bail ne constitue pas une cession de bail (Cass. 3e civ., 24 mars 1993, n° 91-15.406 : JurisData n° 1993-001794 ; Rev. loyers 1993, p. 252 ; Loyers et copr. 1993, comm. 352. – V. pour un époux ayant pris sa retraite, CA Montpellier, 5e ch. sect. A, 20 mars 2008, n° 07/04858 : JurisData n° 2008-364701). La Cour de cassation approuve une décision qui retient que l’attribution, lors de la liquidation du régime matrimonial pour cause de divorce, du droit au bail à l’époux qui en était cotitulaire, ne constituait pas une cession de bail, mais un partage (Cass. 3e civ., 23 mars 2011, n° 10-30.495 : JurisData n° 2011-004256 ; JCP N 2011, act. 364 ; Rev. loyers 2011, p. 192, note C. Quément ; E 2011, 1357 ; Loyers et copr. 2011, comm. 151). En revanche, la transmission de droits indivis détenus par un époux séparé de biens à sa conjointe, en l’espèce un contrat de bail commercial, s’analyse comme une opération revenant à transférer à titre onéreux ou gratuit le contrat de bail un tiers (CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 30 janv. 2014, n° 2014/55, M. Sepon Kaymakcilar c/ Mme Janine Gilletta, Épse Grisoni : JurisData n° 2014-003194).
- – La cession de droits indivis intervenue entre des coïndivisaires a le caractère du partage tel que prévu par l’article 883 du Code civil, qui implique que celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de l’indivision. En conséquence, il a été jugé qu’il ne s’agit pas d’une cession de bail et les formalités prévues au bail en cas de cession n’ont pas à être respectées (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968 : JurisData n° 2004-025194 ; Loyers et copr. 2005, comm. 9).
7° Transmission à titre gratuit
- – La cession de bail ne constitue pas nécessairement une cession à titre onéreux. Par suite, un certain nombre de transmissions à titre gratuit, soit entre vifs, soit à cause de mort, sont assimilées à de véritables cessions de bail.
- – Donation. Donation-partage – En principe, la donation ou la donation-partage constitue une véritable cession de bail, en raison du transfert de droit au bail réalisé à de nouveaux locataires (Cass. soc., 10 janv. 1958 : Bull. civ. 1958, IV, n° 67). En revanche, la donation-partage attribuant au fils la nue-propriété d’un fonds de commerce est sans incidence, du vivant du locataire usufruitier, sur ses relations avec le bailleur et ne peut être assimilée à une cession totale ou partielle du bail (Cass. 3e civ., 22 janv. 1992, n° 90-10.685 : JurisData n° 1992-002103 ; Loyers et copr. 1992, comm. 211 ; JCP E 1992, pan. 1350).
- – Legs – Il y a lieu de distinguer le legs universel et le legs particulier. Le légataire universel est loco heredis: il y a transmission d’un patrimoine et par conséquent une telle transmission ne peut pas être assimilée à une cession de bail, en vertu du principe de la continuation de la personne du défunt par ses successeurs universels (C. civ., art. 1742). Le legs particulier d’un droit au bail, à la différence d’un legs universel, doit être assimilé à une cession et n’est valable que dans les conditions prévues par le contrat de bail, en cas de vente du fonds de commerce (CA Lyon, 26 janv. 1989 : JurisData n° 1989-000696 ; Rev. loyers 1989, p. 364 ; Loyers et copr. 1989, comm. 394).
8° Location-gérance
- – La mise en location-gérance d’un fonds de commerce n’entraîne pas cession du droit au bail à condition qu’il s’agisse d’une véritable location-gérance et non pas d’une cession déguisée. Il a ainsi été jugé que la location-gérance consentie par le preneur dissimulant en réalité une cession de droit au bail prohibée et ce, en infraction au bail, est un manquement justifiant la résiliation du bail (CA Paris, 16e ch. B, 11 mars 1993 : JurisData n° 1993-020925). Le but exclusivement fiscal d’un contrat par lequel une filiale donne son fonds de commerce en location-gérance à sa société mère permet de requalifier celui-ci, sur le fondement de la procédure de la répression des abus de droit, en cession dudit fonds (Cass. com., 13 janv. 2009 : JurisData n° 2009-046547, n° 07-14.835 ; Droit sociétés 2009, comm. 86). En revanche, le contrat par lequel une société donne son fonds de commerce en location-gérance à sa société mère ne peut être requalifié en cession dudit fonds, dès lors que le contrat se justifie notamment par une logique économique (CA Versailles, 3e ch., 15 juill. 2009 : Dr. sociétés 2009, comm. 236, obs. J.-L. Pierre).
- – Qualification de la cession
- – Le régime de la cession diffère selon la qualification donnée à la cession : cession de droit au bail ou cession de fonds de commerce. Ainsi, la liberté de cession dépend de cette qualification, les stipulations interdisant la cession du droit au bail à l’acquéreur du fonds de commerce sont prohibées.
- – Cession isolée du bail
- – L’article 1717 du Code civil prévoit que le bail est librement cessible sauf clause contraire. L’article L. 145-16 du Code de commerce prohibe les clauses interdisant la cession du bail commercial à l’acquéreur du fonds de commerce. Cette dérogation a un objectif économique afin d’assurer la pérennité de l’entreprise et la continuité de l’exploitation. Le législateur a ainsi permis que le locataire puisse toujours céder son fonds avec le bail du local dans lequel ce fonds est exploité. Toutefois, cette protection n’est efficace que si le locataire vend son fonds de commerce. La cession isolée du bail commercial peut toujours être interdite par le bail. Le juge n’a aucun pouvoir sur le contrat qui contient une prohibition pure et simple de céder le bail de manière isolée.
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24 . – Cession isolée du bail
Si l’article L. 145-6 du Code de commerce prohibe toute convention tendant à interdire au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce, en revanche, une cession du seul droit au bail n’est pas soumise à cette interdiction. Une telle cession nécessite un accord express du bailleur qui peut s’y opposer librement ou donner son accord en demandant en contrepartie une indemnité ; cette liberté est d’ailleurs rappelée à l’article 13 du bail commercial. La seule existence de négociations avec le bailleur ne peut impliquer son accord à la cession du bail. Dans le cas présent, le bailleur a toujours conditionné son accord à l’établissement d’un nouveau bail, à la signature d’un acte de cession de droit au bail et à l’établissement d’un protocole transactionnel entre vendeur et acheteur. Le cessionnaire a toujours refusé l’intégralité des conditions posées par le bailleur et le bailleur n’a pas consenti à la cession. La conséquence n’est pas la caducité de la promesse de cession du droit au bail puisqu’une décision définitive a estimé que la vente était parfaite, mais l’inopposabilité de la cession au bailleur. Le cessionnaire, occupant sans droit ni titre, doit être expulsé et doit payer une indemnité d’occupation égale au double du loyer (CA Aix-en-Provence, ch. 11 A, 3 nov. 2015 : JurisData n° 2015-024976).
- – Le régime juridique relatif aux baux commerciaux est principalement issu des articles L. 145-1 à L. 145-60 du Code de commerce. Cependant, les règles relatives à la cession de ces baux commerciaux ne figurent pas dans ce statut des baux commerciaux mais sont régies par le Code civil, et notamment son article 1717. Selon cette législation, tout commerçant ou artisan peut, sauf clause contractuelle contraire, céder isolément son bail commercial hors cession de son fonds de commerce.
Si cette clause contractuelle figure dans le bail, elle peut consister, à titre d’exemple, à interdire purement et simplement au locataire toute cession du seul bail, prévoir, au profit du bailleur, une indemnité compensatrice à cette cession isolée, envisager une hausse des loyers, etc.
En tout état de cause, est illégale toute demande de compensation financière non prévue contractuellement ou par négociation entre les parties et, a fortiori, toute soustraction frauduleuse ou non déclarée de sommes d’argent au détriment du commerçant ou de l’artisan locataire cédant.
Il ressort de ce qui précède :
- d’une part, que la limitation à la liberté de cession ne provient pas de source législative mais ne peut être que d’origine contractuelle, et, par conséquent, acceptée et connue des deux parties au contrat ;
- et que, d’autre part, si des irrégularités ou abus apparaissaient, la partie lésée pourrait faire valoir ses droits devant le juge civil, voire le juge pénal.
En conséquence, et sauf s’il apparaissait que la pratique évoquée s’avérait courante et généralisée, il semble préférable de laisser aux parties cocontractantes le soin de gérer contractuellement et au cas par cas les règles de cession isolée du bail commercial et dénoncer les éventuels abus devant le juge (Rép. min. n° 341 : JOAN Q 27 janv. 2009, p. 785 ; JCP N 2009, act. 179).
- – Cession de bail à l’acquéreur du fonds de commerce
- – Pour qu’il y ait cession de bail à l’acquéreur du fonds de commerce, il faut qu’il y ait cession de la clientèle. Ainsi, la cession litigieuse doit être qualifiée de cession de fonds de commerce dès lors que le contrat comportait une obligation de non rétablissement du cédant, ce qui démontre une transmission de la clientèle (CA Rouen, ch. civ. et com., 15 sept. 2011, n° 10/03513 : JurisData n° 2011-024168). De même, le cessionnaire du bail peut être considéré comme le successeur du cédant dans le fonds, dès lors que l’acte passé le 11 juin 2004 portait bien sur la cession du fonds de commerce d’articles de décoration, d’antiquités, de mode et d’articles de jardin du cédant dont il reprenait d’ailleurs non seulement les agencements, mobiliers et matériels servant à son exploitation mais aussi le stock de marchandises attaché audit fonds et portant la marque du cédant que ce dernier l’autorisait à vendre selon des modalités qui ne seraient pas dévalorisantes pour la marque. Les parties ont également inséré une clause de non-concurrence dans l’acte, ce qui confirme la concurrence entre les deux parties sur le même marché (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 29 janv. 2014, n° 12/02434, SAS Le Comptoir de la Famille c/ SARL Le Prince Jardinier :JurisData n° 2014-001239). Il en va de même lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce donné en location gérance décide de céder ce fonds au locataire-gérant nonobstant le fait que le propriétaire du fonds ait entre-temps acquis les locaux donnés à bail (Cass. 3e civ., 9 sept. 2014, n° 13-19.753 : JurisData n° 2014-021202 ; JCP N 2014, act. 998).
1° Conditions de validité de la cession
- – Prohibition des clauses interdisant la cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce – L’article L. 145-16, alinéa 1er du Code de commerce dispose : “Sont également nulles, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu’il tient du présent chapitre à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise”. Ce régime dérogatoire au droit commun a pour objectif de permettre au commerçant de vendre son fonds de commerce en édictant la nullité des clauses d’interdiction de cession de bail.
Toutefois, la jurisprudence distingue selon que le bail est ou non un élément essentiel du fonds de commerce. Ainsi, il a été jugé que la vente du fonds de commerce, exploité dans un local essentiel à cette exploitation, emporte nécessairement cession du bail relatif à ce local (Cass. 3e civ., 26 oct. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 139, obs. J.-D. Barbier). La chambre commerciale a pu décider que la cession d’un fonds de commerce n’inclut pas nécessairement celle du droit au bail car il ne constitue pas un élément nécessaire du fonds de commerce (Cass. com., 17 déc. 1996, n° 94-18.981 : JurisData n° 1996-005012 ; D. affaires 1997, p. 188 ; BRDA 1/1997, p. 7).
- – L’article L. 145-16 n’est pas applicable lorsque la cession du bail ne s’accompagne pas de la cession du fonds de commerce. Cette condition met en jeu la notion de fonds de commerce. Pour que le fonds existe, il faut qu’il y ait une clientèle. Il y a cession du fonds de commerce lorsque la cession inclut expressément la clientèle. Le fait que le prix de cession soit peu élevé est inopérant car il a été négocié librement par les parties et la valeur du droit au bail seul est purement théorique. Le bailleur ne peut donc considérer que la cession ne concerne que le droit au bail (CA Paris, 16e ch. A, 2 mars 2005, n° 03/15224 : JurisData n° 2005-278728). En revanche, il n’y a pas fonds de commerce lorsqu’il n’y a pas ou plus de clientèle (Cass. 3e civ., 31 mai 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 180 ; Loyers et copr. 1988, comm. 452 ; Gaz. Pal. 1988, 2, somm. p. 228 ; RTD com. 1988, p. 609, obs. Derruppé). En l’espèce, les parties avaient qualifié une cession « vente de fonds de commerce » tout en précisant que la clientèle, qui avait fait l’objet d’une vente séparée, était exclue de la cession. Il n’y a plus de clientèle lorsque le cédant a transféré le siège social et l’essentiel de ses activités dans d’autres locaux (CA Bordeaux, 2e ch., 12 févr. 2008, n° 07/05087 et n° 07/05639 : JurisData n° 2008-358872).
- – Sens de l’expression « acquéreur du fonds » – Lorsque le bail interdit au locataire toute cession sauf à un successeur dans le commerce, cela implique que le successeur doit être l’acquéreur du fonds de commerce du locataire cédant. La Cour de cassation a jugé que la clause n’autorisant la cession qu’à un « successeur dans son commerce » est claire et précise et signifie que la cession n’est autorisée qu’au profit de celui qui acquiert le fonds de commerce du cédant (Cass. 3e civ., 8 févr. 1984 : Bull. civ. 1984, III, n° 32 ; JCP G 1985, II, 20377. – Cass. 3e civ., 15 oct. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 219. – CA Paris, 13 oct. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 81). Ainsi, il a été jugé que ces conditions ne sont pas remplies lorsque le droit au bail est vendu à l’exploitant d’un autre fonds même si celui-ci exerce une activité semblable à celle du cédant (CA Paris, 16e ch. A, 12 nov. 1991 : JurisData n° 1991-024418 ; D. 1991, inf. rap. p. 290). En effet, cette expression ne signifie pas qu’il exercera le même commerce que son prédécesseur, mais qu’il lui succédera c’est-à-dire qu’il reprendra l’exploitation du cédant avec la même clientèle. Autrement dit, il ne peut y avoir succession dans le commerce que s’il y a transmission de la clientèle. Ainsi, il ne peut y avoir continuité d’exploitation du fonds cédé dès lors que l’acte authentique de cession est intitulé « acte de cession du droit au bail » et qu’il exclut expressément la cession de la clientèle (CA Paris, 16e ch. A, 27 juin 2007, n° 05/21758 : JurisData n° 2007-338386). Dans le même sens, la clause imposant l’autorisation écrite du bailleur pour toute cession au profit d’une personne n’exerçant pas la même profession que le preneur implique une stricte identité de profession entre cédant et cessionnaire ce qui exclut l’adjonction d’une activité complémentaire à celle du cédant (CA Paris, 16e ch. A, 14 févr. 2007, n° 06/03596 : JurisData n° 2007-331547).
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29 . – Qualification de la cession
Il y a bien eu transfert d’une entité économique autonome dont l’activité a été reprise ou poursuivie lors de la cession du droit au bail commercial des locaux dans lequel est exercée l’activité de restauration indienne par l’employeur du salarié, cuisinier. La condition d’identité est également remplie dans la mesure où la même activité de restauration indienne se poursuivait, tel que cela ressort de l’enseigne de la société qui a repris le bail (Étoile de l’Inde). Par ailleurs, alors que le cessionnaire invoque l’exploitation d’une clientèle différente, un simple changement dans la structure de la clientèle ne suffit pas à caractériser une modification de l’identité de l’entité. Enfin, il n’est pas établi que les locaux étaient vides et que des travaux de réaménagement devaient être entrepris (CA Versailles, ch. 17, 4 févr. 2015, n° 13/03611 : JurisData n° 2015-002458).
- – Cession de fonds de commerce déguisant une cession de bail seul – Pour bénéficier de l’application de l’article L. 145-16 et ainsi se passer de l’accord du bailleur, les contractants peuvent être tentés de faire passer une simple cession de bail comme une cession de fonds de commerce. C’est ainsi que la cession du fonds de commerce constitue une cession déguisée du seul droit au bail dès lors que n’ont été cédés ni les éléments corporels tels que le matériel, le mobilier et les stocks, ni la clientèle puisque le cédant s’est réservé l’usage du nom commercial et de l’enseigne qu’il exploite à proximité. Sont inopérants à cet égard le fait qu’une déclaration de TVA ait été effectuée, ou que le cédant a cédé l’autre fonds à un commerçant exerçant une autre activité, dès lors que les circonstances n’établissent pas la survivance d’une clientèle dont bénéficierait le cessionnaire. Il y a donc lieu de résilier le bail en raison de la violation de la clause limitant la cession du droit au bail au seul successeur dans le fonds de commerce (CA Paris, 16e ch. B, 23 juin 1994 : JurisData n° 1994-022821. – CA Paris, 16e ch. A, 9 juin 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 163 ; RTD com. 1987, p. 45, obs. J. Derruppé). Il a été jugé que l’acte intitulé « vente de fonds de commerce » constituant seulement une cession déguisée du droit au bail, interdite par le contrat, et non une cession du fonds de commerce, cette cession est frauduleuse dans la relation contractuelle avec le bailleur. Le contrat de bail doit être résilié aux torts du preneur. En conséquence, le cédant, seul locataire, reste redevable des loyers (CA Paris, 16e ch. B, 10 oct. 1997 : JurisData n° 1997-022757).
- – Il y a cession de bail déguisée et non cession de fonds de commerce lorsque :
- il y a cession du droit de bail accompagnée de la vente de certains éléments du fonds à l’exclusion de tous éléments incorporels (Cass. com., 15 janv. 1962 : D. 1962, somm. p. 94 ; Rev. loyers 1963, p. 130);
- le cédant avait cessé son exploitation bien avant la cession et que sa clientèle avait de ce fait disparu, même si le cessionnaire reprend la même activité (Cass. 3e civ., 19 mars 1974 : AJPI 1975, p. 10, note Lehmann. – Cass. com., 6 déc. 1982 : Bull. civ. 1982, IV, n° 396 ; JCP G 1984, II, 20158, note Cohen. – Cass. 3e civ., 9 nov. 1983 : Loyers et copr. 1984, comm. 109. – Cass. 3e civ., 28 févr. 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. 397 ; Gaz. Pal. 1990, 2, note J.-D. Barbier ; JCP E 1990, II, 15923, n° 30-3. – Cass. 3e civ., 21 nov. 1990 : Rev. loyers 1991, p. 189);
- l’activité du cédant est limitée au dépôt de pain pour un commerce de terminal de cuisson, de telle sorte qu’il n’y a pas de fonds de commerce (CA Paris, 16e ch. A, 26 févr. 2003, n° 2002/15525 : JurisData n° 2003-207644);
- le cédant transporte son fonds en un autre lieu et cède le droit au bail pour l’exercice du même commerce (Cass. com., 3 nov. 1956 : JCP 1957, II, 9757. – Cass. 3e civ., 28 mars 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 157 ; Rev. loyers 1977, p. 512. – Cass. 3e civ., 2 juin 1977 : Rev. loyers, 1977, p. 511. – CA Bordeaux, 2e ch., 12 févr. 2008, n° 07/05087 et n° 07/05639 : JurisData n° 2008-358872);
- il s’agit de la cession d’une branche d’activité non susceptible d’être considérée comme un véritable fonds de commerce (Cass. 3e civ., 6 mai 1971 : JCP G 1972, IV, 147 ; Bull. civ. 1971, III, n° 278);
- l’activité du cessionnaire est totalement différente de celle du cédant, rendant ainsi la cession de clientèle fictive (Cass. com., 12 déc. 1989 : Gaz. Pal. 1990, 2, p. 413, note J.-D. Barbier);
- aucune clientèle ne peut être identifiée dans la partie du commerce cédée (CA Pau, 8 nov. 1991 : JurisData n° 1991-045444);
- la très faible valeur retenue pour le fonds de commerce et la réinstallation du cédant à proximité pour poursuivre son activité démontrent que le cessionnaire, qui en avait connaissance, avait l’intention d’acquérir le seul droit au bail et d’exercer une autre activité (CA Paris, 16e ch. B, 4 déc. 2008 : JurisData n° 2008-373839);
- le cessionnaire du bail exerce une activité distincte de celle du cédant, s’agissant d’un commerce de bouche de nature différente, que la partie de la clientèle attachée à l’emplacement et à l’achalandage ne peut être confondue avec celle résultant de l’activité personnelle du commerçant, que la clientèle cédée apparaît purement symbolique, en l’absence de toute cession de marchandise ou de mobilier, que le personnel a été immédiatement remplacé, que le prix de cession était inférieur à ceux pratiqués dans le quartier et était sans rapport avec le chiffre d’affaires et les bénéfices réalisés par le cédant (CA Paris, 16e ch. B, 22 nov. 2007, n° 07/01893 : JurisData n° 2007-352076 ; Loyers et copr. 2008, comm. 35);
- aucun fonds n’a été créé ou exploité dans les locaux pris à bail par la société locataire, peu important la mauvaise foi du bailleur refusant l’agrément du cessionnaire (Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, n° 04-19.923 : JurisData n° 2009-050663 ; JCP E 2010, 1074 ; JCP N 2010, 1311, note J.-P. Garçon).
- – En revanche, le changement d’activité du preneur, quelque temps avant la cession de son fonds de commerce, ne saurait révéler la fraude aux droits du bailleur dès lors qu’il n’est pas démontré que toute activité avait cessé dans les lieux au moment de la cession et que l’activité exercée dans les lieux par le cessionnaire aussitôt après la cession ne s’était pas rapportée à l’activité du fonds cédé. Il en est de même du prix de cession dont la faiblesse s’explique par les procédures en cours, dont une procédure d’opposition à sommation reprochant au preneur un défaut d’entretien et visant la clause résolutoire dont le cessionnaire déclarait faire son affaire personnelle. Ainsi le moyen du bailleur selon lequel la cession du fonds de commerce serait une cession de bail qui aurait dû recevoir son consentement n’apparaît pas fondé (CA Paris, 16e ch. A, 16 janv. 2002, n° 1999/16560 : JurisData n° 2002-163606). Il a également été jugé, pour un commerce d’antiquité et livres anciens, que l’absence de cession du stock de livres anciens ne suffit pas à entraîner la disparition du fonds de commerce d’antiquité (CA Paris, 16e ch. B, 22 janv. 2009 : JurisData n° 2009-374943). De même, l’absence de cession de l’enseigne et du stock ne permettent pas d’en déduire qu’il y a cession déguisé du bail, ces deux éléments n’étant pas essentiels pour caractériser la cession de fonds de commerce (CA Paris, 16e ch. A, 21 janv. 2009 : JurisData n° 2009-375406). La jurisprudence considère que le preneur qui exploite une franchise a une clientèle propre lui permettant ainsi de céder son fonds de commerce (CA Paris, 16e ch. A, 12 févr. 2003, n° 2000/11079 : JurisData n° 2003-207664).
- – Cession partielle de fonds – La jurisprudence n’exige pas que la cession du fonds qui accompagne la cession de bail porte sur la totalité du fonds de commerce. Ainsi une cession partielle de fonds est suffisante dès lors que le fonds comprend plusieurs branches d’activités pouvant constituer des fonds de commerce distincts et autonomes (Cass. 3e civ., 11 févr. 1987 : Bull. civ. 1987, III, n° 23 ; Loyers et copr. 1987, comm. 128 ; JCP G 1988, II, 21025, note B. Boccara). Une cession du droit au bail d’un local dans lequel était exploité un fonds de commerce de café, bar, journaux et papeterie a été validée, alors que n’étaient cédées que certaines branches d’activité, au motif qu’elles constituaient à elles seules un fonds de commerce distinct (Cass. 3e civ., 24 nov. 1987 : Loyers et copr. 1988, comm. 31 ; Gaz. Pal. 1988, 2, p. 420, note J.-D. Barbier). Il a aussi été jugé qu’il n’y a pas eu cession du seul droit au bail d’une partie des locaux dès lors que la cession porte sur une branche autonome d’activité à laquelle est rattachée une clientèle propre (Cass. com., 14 avr. 1992 : Bull. civ. 1992, IV, n° 161 ; D. 1994, somm. p. 53, obs. L. Rozès. – Cass. 3e civ., 3 mai 1995 : Administrer oct. 1995, n° 271, p. 25, obs. Boccara et associés). Il est de même pour la cession d’une part indivise d’un fonds de commerce (Cass. com., 14 oct. 1959 : JCP 1960, II, 11417, note Boccara ; D. 1960, 78 ; J. not. 1961, note Viatte ; Rev. loyers 1960, 63).
- – La Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt qui avait constaté, sans dénaturer le bail, que les branches d’activités cédées constituaient par elles-mêmes un fonds de commerce distinct et autonome et retenait justement que la cession intervenue n’était pas contraire aux dispositions de l’article 35-1 du décret du 30 septembre 1953(C. com., art. L. 145-16). Toutefois, on ne peut pas considérer que cette décision permet d’imposer au bailleur une division matérielle des locaux en cas de cession partielle du fonds de commerce (G. Guérin, Vers la libéralisation de la cession des baux commerciaux ? : JCP N 1988, prat. p. 583, n° 731, où il soulignait le risque de confusion entre la cession de bail et la sous-location). En effet, dans cette affaire, le cédant avait quitté le local et s’était réinstallé ailleurs pour exploiter les branches d’activités conservées. Ainsi doit-on admettre la cession partielle du fonds de commerce à condition qu’elle soit accompagnée de la cession d’un bail distinct.
- – Cession et déspécialisation – La clause autorisant l’exploitation de tous commerces ne dispense pas le cessionnaire d’acquérir le fonds de commerce. Elle ne concerne que la destination des lieux et permet au preneur de changer librement d’activité (V. P. Etain, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1470 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1470 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1470 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1470). En effet, la validité de la cession ne saurait être appréciée en fonction de l’utilisation qui en est faite. La Cour de cassation décide que la clause d’un bail permettant au preneur de céder son bail à son successeur dans son commerce permet au cessionnaire d’exercer une activité différente dans les lieux loués, au motif que « la validité de la cession du bail ne devait pas s’apprécier en considération de l’activité exercée par le cessionnaire, mais était subordonnée à la seule acquisition, par celui-ci, du fonds de commerce » (Cass. 3e civ., 3 janv. 1985 : Bull. civ. 1985, III, n° 29). Il a ainsi été jugé que bien que l’acquéreur n’exploite pas la même clientèle, n’utilise pas la même enseigne, ni le même nom commercial, l’acte peut conserver sa qualification de cession de fonds de commerce, en raison de l’importance du prix de vente qui serait excessif s’il ne s’agissait que de la seule cession du bail commercial (Cass. 3e civ., 18 oct. 1990 : Rev. huissiers 1990, p. 1439). De même, dès lors que l’activité exercée dans les lieux par le cessionnaire est similaire à l’activité de yoga et autres activités corporelles autorisées par le bail, la cession est conforme aux clauses du bail et est opposable au bailleur (CA Paris, 16e ch. A, 30 juin 1999, n° 1996/17334 : JurisData n° 1999-023729).
Lorsque la cession de bail intervient avec une clause de déspécialisation, l’usufruitier n’a pas le pouvoir d’autoriser seul ce changement d’activité dès lors que celui-ci peut avoir une incidence sur les obligations des parties au contrat (CA Douai, 2e ch., 1re sect., 9 juin 2010, n° 09/02995 : JurisData n° 2010-019394).
- – Cession de bail par un preneur voulant prendre sa retraite – L’article L. 145-51 du Code de commerce donne la possibilité au locataire qui part à la retraite de céder son bail avec changement d’activité, mais la nature de l’activité envisagée doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble (V. P. Etain, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1475 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1475 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1475 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1475). Ainsi l’activité de blanchisserie ne peut être remplacée par une activité de restauration, une telle activité pouvant dénaturer la destination bourgeoise de l’immeuble en raison de nuisances, de bruits et d’odeurs liées à l’installation de tables destinées à recevoir la clientèle dans la cour de l’immeuble (CA Nîmes, 1re ch., 14 janv. 1999, n° 97/4901 : JurisData n° 1999-030095. – CA Nîmes, 15 oct. 1998 : JurisData n° 1998-030083). Toutefois, la cession du droit au bail avec changement d’activité envisagée par le locataire partant à la retraite doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble, et ne peut être autorisée judiciairement lorsque l’activité envisagée est incompatible avec la clause de non-concurrence stipulée dans le règlement de copropriété (CA Paris, 16e ch. B, 21 avr. 2000, n° 1999/07274 : JurisData n° 2000-114076 ; Loyers et copr. 2001, comm. 9 ; Administrer août-sept. 2000, somm. p. 22. – CA Nîmes, 1re ch., 15 oct. 1998 : JurisData n° 1998-030083 ; Loyers et copr. 2000, comm. 168). Un preneur à bail qui se trouve en situation de cumul de la retraite de base et d’une activité professionnelle dans les conditions ouvertes par la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites et qui est en mesure de demander à bénéficier de sa retraite complémentaire, dispose de la faculté de céder son droit au bail avec déspécialisation, ouverte au commerçant qui, ayant demandé à faire valoir ses droits à la retraite, entend se retirer de la vie active (Cass. 3e civ., 23 nov. 2011, n° 10-25.108, 1371 : JurisData n° 2011-025905 ; Loyers et copr. 2012, comm. 145).
- – La Cour de cassation a décidé qu’une cour d’appel a exactement retenu qu’aucun texte ne prévoit que la déspécialisation signifiée au bailleur doit être préalablement prévue dans un compromis dont la teneur n’a pas davantage à lui être communiqué et qu’est donc étrangère au débat l’analyse de la convention projetée entre le cédant et le cessionnaire éventuel ; en outre, dans la mesure où leur argumentation sur la destination de l’immeuble n’était pas valable, leur refus injustifié était générateur de responsabilité et conduisait à la condamnation des bailleurs au paiement de dommages-intérêts (Cass. 3e civ., 16 janv. 2002, n° 00-15.252 : JurisData n° 2002-012520 ; Gaz. Pal. 1er et 2 mars 2002, somm. p. 16 ; RJDA 2002, n° 3, p. 200 ; Bull. civ. 2002, III, n° 249 ; Dr. et patrimoine 2002, n° 103, p. 94, note P. Chauvel ; Loyers et copr. 2002, comm. 62 ; Rev. loyers, 2002, p. 231, note G. de Maillard ; Administrer avr. 2002, p. 2, note J.-D. Barbier).
Le formalisme légal doit toutefois être respecté (V. P. Etain, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1475 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1475 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1475 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1475).
La Cour de cassation (Cass. 3e civ.,6 févr. 2013, n° 11-24.708 : JurisData n° 2013-001550 ; RJDA 2013, n° 5) a décidé que l’article L. 145-51 du Code de commerce bénéficie à l’usufruitier du droit au bail, immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour le fonds qu’il exploite dans les lieux loués, s’il justifie de l’accord des nus-propriétaires pour la cession du bail.
- – Clauses d’interdiction – La nullité édictée par l’article L. 145-16 du Code de commerce concerne les clauses interdisant toute cession du bail conjointement à la cession du fonds de commerce. Les clauses qui rendent la cession impossible à certaines personnes ou dans certaines situations sont également visées par ce texte. Ainsi, les clauses dites « clauses de sélection » qui interdisent de céder le bail à une société ou à une personne morale sont nulles (Cass. 3e civ., 29 févr. 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 135 ; JCP 1972, II, 17192 ; Rev. loyers 1972, p. 279 ; RTD com. 1972, p. 594, obs. Pédamon. – Rappr. Cass. 3e civ., 10 avr. 1973 : Rev. loyers 1974, p. 406 ; Ann. loyers 1974, p. 316, note Viatte qui concerne le contrôle d’un refus d’agrément opposé par un bailleur et fondé sur le principe d’une opposition à tout apport du bail en société). De même, a été assimilée à une clause prohibée, la clause qui interdit tout nantissement du droit au bail, car elle a pour effet d’interdire la cession à tous les acquéreurs ayant besoin d’emprunter pour financer leur acquisition (Cass. 3e civ., 11 mai 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 117 ; Rev. loyers 1982, p. 518 ; AJPI 1983, p. 307).
- – La clause imposant au preneur une exploitation personnelle pendant les trois dernières années du bail est nulle car elle rend impossible la cession du bail pendant cette période (Cass. 3e civ., 23 juill. 1986 : Bull. civ. 1986, III, n° 31 ; RD imm. 1987, p. 291, obs. J. Derruppé).
- – En pratique, les clauses d’interdiction pure et simple sont rares, mais la jurisprudence a étendu cette nullité aux clauses qui, sans interdire la cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce, la rendent impossible à une certaine catégorie d’acquéreurs. Ainsi, la jurisprudence condamne les clauses dites de sélection ayant pour effet d’interdire la cession au profit des personnes morales (Cass. 3e civ., 29 févr. 1972 : Bull. civ. 1972, III, 1972, n° 135 ; JCP 1972, II, 17192 ; Rev. Loyers 1972, p. 219 ; RTD Com. 1972, p. 594, obs. Pédamon). Il a été jugé que le protocole d’accord, conclu entre le bailleur et le preneur, conduisant à refuser au candidat cessionnaire d’inclure le fournil au fonds de commerce de boulangerie pâtisserie, empêchant ainsi le preneur de céder son fonds de commerce, est nul pour défaut de cause (CA Orléans, ch. civ., 10 mars 2008 : JurisData n° 2008-374351). De même, la clause subordonnant l’accord du bailleur à la cession à une augmentation du loyer commercial extrêmement importante, à savoir 340 % ne pouvait qu’aboutir à l’échec du projet de cession de bail. Le bailleur a ainsi commis une faute grave en faisant obstacle, sans aucun motif, à la vente du fonds de commerce, en augmentant d’autorité et de manière inconsidérée le loyer du bail que le preneur entendait céder. Il convient par conséquent de prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur. Ce dernier doit également réparer le préjudice subi par le preneur, qui a perdu une chance de réaliser le gain escompté (CA Nouméa, ch. civ., 19 août 2013, n° 12/381 : JurisData n° 2013-028998).
2° Validité des clauses restrictives
- – La jurisprudence interprète strictement l’article L. 145-16 du Code de commerce et décide que les clauses qui subordonnent la cession à des contraintes particulières, mais sans empêcher la cession, sont valables. La validité de ces clauses est strictement limitée aux baux commerciaux. Il a ainsi été jugé que le bail comportant une clause restrictive de cession ne pouvait être qualifié de bail emphytéotique (Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, n° 08-10.944 : JurisData n° 2009-047969 ; JCP N 2009, act. 372 ; Loyers et copr. 2009, comm. 149). Ainsi, la Cour de cassation a énoncé que la prohibition des clauses d’interdiction de céder le bail à l’acquéreur du fonds de commerce ne s’applique qu’à une interdiction absolue et générale de toute cession et non à des simples clauses limitatives ou restrictives (Cass. 3e civ., 2 oct. 2002, n° 01-02.035 : JurisData n° 2002-015672 ; D. 2002, p. 2943 ; Loyers et copr. 2003, comm. 9 ; Dr. et patrimoine 2003, n° 113, p. 87, note P. Chauvel ; Gaz. Pal. 2003, 1, jurispr. p. 450, note Ph.-H. Brault ; AJDI 2003, p. 30, note M.-P. Dumont ; RJDA 2002, p. 1056. – CA Paris, 16e ch. A, 3 mars 2004, n° 2002/02686 : JurisData n° 2004-241181. – CA Riom, ch. com., 29 sept. 2004, n° 03/00977 : JurisData n° 2004-252743). Est licite la clause qui limite le droit de céder en imposant la nécessité de recueillir le consentement exprès et écrit du bailleur pour un successeur dans le même commerce de pain en l’espèce, cette clause n’instituant nullement une interdiction absolue et générale (CA Montpellier, 1re ch. D, 13 mai 2009, n° 08/07579 : JurisData n° 2009-008595).
- a) Clauses d’agrément.
- – Une jurisprudence constante et ancienne reconnaît que les clauses qui exigent l’autorisation du bailleur restent valables même dans le cas d’une cession concomitante du bail et du fonds de commerce au même acquéreur (Cass. com., 28 févr. 1956 : Rev. loyers 1956, 241. – Cass. com., 14 janv. 1958 : JCP 1958, II, 10466. – Cass. com., 16 févr. 1959 : JCP G 1959, IV, 29 ; Bull. civ. 1959, III, n° 81). La jurisprudence estime que ces clauses ont pour but de permettre au bailleur de vérifier l’honorabilité, la solvabilité ou les compétences du cessionnaire (Cass. 3e civ., 14 févr. 1982 : Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 291 ; JCP G 1982, IV, 217). Ces clauses imposent à l’acquéreur d’obtenir l’accord préalable du bailleur à la cession, mais celui-ci ne peut refuser l’agrément de manière discrétionnaire sinon ce refus aurait les effets d’une clause illicite. L’exercice arbitraire d’une clause non contraire aux dispositions de l’article L. 145-16 du Code de commerce doit être judiciairement contrôlé (CA Nîmes, 12e ch., 26 mai 1992 : JurisData n° 1992-030118). Le refus opposé par le bailleur à la cession est bien fondé dès lors qu’il est établi que le projet d’acte de cession n’a pas été soumis à son agrément et que le cédant n’a pas prévu de fournir sa garantie solidaire au cessionnaire, conformément aux clauses du bail (CA Paris, 14e ch. B, 16 nov. 2001, n° 2001/08229 : JurisData n° 2001-159126).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
42 . – Clause d’agrément
L’ordonnance ayant autorisé la vente du fonds de commerce du débiteur doit être confirmée. C’est en vain que le bailleur commercial soutient que le bail est résilié. En effet, la clause résolutoire n’a pas été acquise avant le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire du preneur. Par ailleurs, la cession porte bien sur un fonds de commerce qui existe toujours, malgré la cessation d’activité temporaire due à la maladie du locataire, la clientèle n’ayant pas disparu. S’agissant d’une cession de fonds de commerce et non d’une cession du droit au bail, la clause d’agrément insérée au bail commercial n’a pas lieu de s’appliquer (CA Paris, pôle 5, ch. 9, 5 févr. 2015, n° 14/21865 : JurisData n° 2015-002504).
La SCI a donné à bail à une société un local commercial, à destination de vente et location de « tout support CD compact disc » ; après l’octroi d’une pension d’invalidité partielle à son associé unique, la société locataire a signé un compromis de cession de droit au bail puis a notifié à la SCI son intention de céder son droit au bail en application des dispositions de l’article L. 145-51 du Code de commerce, avec déspécialisation des lieux en vue de l’exercice d’une activité de « bazar, alimentation générale, orientale et boucherie, tissus, vaisselle, articles de décoration, appareils et objets divers » ; la SCI a assigné la société locataire et la cessionnaire aux fins d’opposition à la cession envisagée. Pour accueillir l’opposition du bailleur à la cession du bail, l’arrêt retient que le caractère extrêmement large de l’activité de « bazar, alimentation générale, orientale, boucherie, tissus, vaisselles, articles de décoration et objets divers » qui permet la vente de tout bien sans restriction est de nature à empêcher la bailleresse d’accorder à l’avenir d’autres baux pour toutes activités commerciales de vente de biens au mépris de la clause de non concurrence s’imposant à l’ensemble du centre commercial sauf pour la bailleresse à prendre le risque de voir sa responsabilité engagée. En statuant ainsi, la cour d’appel devant laquelle il n’était pas contesté que les dispositions du règlement intérieur pouvaient être invoquées au titre de la destination, des caractères et de la situation de l’immeuble, qui n’a pas constaté que l’activité envisagée venait concurrencer des commerces existant au sein du centre commercial, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 145-51 du Code de commerce(Cass. 3e civ., 13 mai 2015, n° 14-10.368 : JurisData n° 2015-011548).
Reprochant au cédant du fonds de commerce de vente de piscine des actes de concurrence déloyale ainsi que la violation de ses engagements de non-concurrence, la société cessionnaire l’a assigné en paiement de dommages-intérêts. C’est en vain que la société cessionnaire fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation du cédant au paiement de la somme de 5 200 euros prononcée à son bénéfice au titre de la violation de la clause de non-concurrence. En effet, c’est par une interprétation souveraine de la portée de la clause de non-concurrence prévue dans l’acte de cession, que la généralité de ses termes rendait nécessaire, que la cour d’appel, après avoir défini la nature du fonds de commerce cédé, a retenu que cette clause n’interdisait que la vente de piscines en coque polyester (Cass. 3e civ., 12 mai 2015, n° 14-13.865 : JurisData n° 2015-011319).
- – Refus injustifié – Les motifs de refus d’agrément sont soumis au contrôle judiciaire. Ainsi, le bailleur qui bénéficie d’une clause d’agrément peut subordonner son accord à la modification du bail transmis. Cette modification doit avoir une cause légitime et ne pas tendre à obtenir un avantage injustifié. Ne constitue pas un motif légitime d’opposition la volonté du bailleur d’obtenir un loyer plus élevé ou une indemnité forfaitaire, conditions qui sont à l’origine de l’échec du projet de cession de droit au bail (CA Aix-en-Provence, 4e ch. A, 27 mars 1997 : JurisData n° 1997-041548. – CA Nîmes, 2e ch. civ. A, 1er juill. 2008, n° 07/02296 : JurisData n° 2008-369854. – CA Lyon, 1re civ. B, 26 févr. 2013, n° 12/00055, SARL Y’smoze c/ SCI Massa Jim :JurisData n° 2013-0066661). Il a également été jugé que le défaut d’autorisation écrite des bailleurs sur la cession du fonds de commerce des preneurs ne permet pas de faire droit à la demande de résiliation du bail, le bailleur ayant fait preuve de mauvaise foi en ne répondant pas aux lettres recommandées avec accusé de réception ayant pour objet la demande d’agrément, alors qu’aucun motif sérieux ne justifiait de ne pas accepter la cession et que les bailleurs n’ont protesté qu’après la date de cette cession (CA Nîmes, 1re ch., 17 juin 1999, n° 97/5419 : JurisData n° 1999-030088). Le refus injustifié du bailleur peut entraîner sa condamnation à des dommages-intérêts (Cass. com., 15 mars 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 192. – CA Rennes, 5e ch., 27 mars 2013, n° 140, 12/02380 : JurisData n° 2013-024362. – CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 27 nov. 2013, n° 11/21704, Jean Rouche c/ Vinciane Francine Blanc : JurisData n° 2013-027417); les tribunaux peuvent également autoriser la cession, en se fondant sur l’abus de droit, lorsque le refus du bailleur n’est pas justifié (Cass. 3e civ., 9 mars 1974 : Rev. loyers 1974, p. 340 ; AJPI 1975, p. 10, note Lehmann. – CA Nîmes, 1re ch., 17 juin 1999, n° 97/5419 : JurisData n° 1999-030088). S’agissant d’un bail commercial, en présence d’une clause exigeant le consentement exprès et écrit du bailleur en cas de cession de bail avec déspécialisation, le bailleur, par son comportement hésitant et son refus pour un motif d’ordre personnel relevant d’un règlement d’une succession familiale, ne justifie pas de la légitimité du motif (CA Lyon, 6e ch., 12 mai 1999, n° 97/03295 : JurisData n° 1999-124843). Il a également été jugé que les bailleurs d’un immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce ne font pas état de motifs légitimes justifiant leur refus d’agrément et de participation à la cession du fonds dès lors que contrairement à ce qu’ils font valoir, le projet d’acte de cession est conforme à la destination des lieux en ce qu’il respecte le titre qu’ils ont eux-mêmes signé et faisant état de l’acquisition par eux d’un immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce d’hôtel-restaurant. Dès lors, ils ne peuvent soutenir valablement que le fonds de commerce n’a jamais été un fonds d’hôtel-restaurant ou qu’il l’a été en vertu d’une tolérance qui n’est pas créatrice de droit (CA Montpellier, 5e ch. A, 4 oct. 2007, n° 06/07200 : JurisData n° 2007-353619). Dès lors que le bail commercial n’autorisait la cession par le preneur de son droit au bail qu’avec la cession de son fonds de commerce, le bailleur était en droit de s’opposer à la cession du seul droit au bail. Cependant, le bailleur a opposé à la cession envisagée un refus dénué d’un quelconque motif légitime (absence de réserve ou critique sur la personne du cessionnaire et la nature de l’activité commerciale projetée) étant précisé que le changement d’activité et de destination est mineur (négoce de mobilier de cuisine, en remplacement d’un négoce de literie), dès lors que ces activités relèvent toutes deux du négoce de biens d’équipement domestique destinés aux particuliers (CA Poitiers, 2e ch. civ., 18 janv. 2011, n° 09/03511 : JurisData n° 2011-016906).
- – Le refus injustifié du bailleur peut engager sa responsabilité dès lors que ce refus a causé un préjudice au preneur dû au retard dans la cession du fonds de commerce dont le bail est un élément essentiel (CA Lyon, 1re ch. civ., 28 juin 2007, n° 06/06799 : JurisData n° 2007-344987). Il a ainsi été jugé que le bailleur engage sa responsabilité délictuelle envers le cessionnaire dès lors qu’il revient sur son engagement, refuse toute cession et propose à son locataire une résiliation amiable du bail moyennant une indemnité alors que le bailleur avait donné son agrément pour la cession et que l’accord sur la chose et sur le prix rendait la cession du droit au bail parfaite au regard de l’article 1583 du Code civil(CA Paris, Pôle 5, 3e ch., 10 mars 2010, n° 08/19957 : JurisData n° 2010-003681). Dans le même sens, dès lors que le contrat de bail n’interdisait pas au preneur la cession du droit au bail à un tiers autre que l’acquéreur de son fonds de commerce, et que le refus opposé par la bailleresse à cette cession ne pouvait être discrétionnaire et devait revêtir un caractère légitime, la cour d’appel, qui a constaté que la bailleresse notifiant son refus à la locataire n’alléguait aucun motif, a souverainement retenu que l’échec des pourparlers conduits en vue de la conclusion d’un contrat de bail, ne caractérisait pas un motif légitime de refus à la cession de son droit au bail par le preneur et ordonne la réparation du préjudice subi de ce fait par celui-ci (Cass. 3e civ., 15 juin 2011, n° 10-16.233 : JurisData n° 2011-011760 ; Loyers et copr. 2011, comm. 271).
- – Absence de réponse – En l’absence de réponse à une demande d’agrément présentée en conformité avec la clause imposant l’agrément avant l’enregistrement de l’acte, le preneur est en droit de demander une autorisation judiciaire de cession. Ainsi, le bailleur n’expliquant pas son silence et n’invoquant aucun moyen justifiant un refus d’agrément, l’autorisation judiciaire est accordée (CA Paris, 16e ch. A, 12 févr. 1991 : JurisData n° 1991-020350 ; Loyers et copr. 1991, comm. 311. – CA Aix-en-Provence, 4e ch. A, 26 mai 1994 : JurisData n° 1994-043635. – CA Aix-en-Provence, 22 nov. 1994 : JurisData n° 1994-048903 ; Loyers et copr. 1995, comm. 328). La Cour de cassation a décidé que le fait pour le bailleur de ne pas répondre à la demande d’agrément faite par le preneur qui a consenti une promesse de cession de bail et qui par suite s’est trouvé dans l’impossibilité de céder son droit constitue une perte de chance de gain espéré (Cass. 3e civ., 1er avr. 1998, n° 96-14.758 : JurisData n° 1998-001721). L’absence de réponse à une demande d’agrément peut également entraîner la condamnation du bailleur à des dommages-intérêts équivalents au prix de la cession envisagée (CA Pau, 29 août 1991 : JurisData n° 1991-043856 ; Loyers et copr. 1992, comm. 213). Il a été admis que l’absence de réponse du bailleur à la demande d’agrément de la cession du droit au bail constituait un abus de droit dès lors que la demande d’agrément avait été faite à trois reprises ; en conséquence, le bailleur a été condamné à verser des dommages-intérêts correspondant à la valeur du droit au bail (CA Toulouse, 2e ch., 2 déc. 1993 : JurisData n° 1993-050693).
- – Conditions suspensives – Généralement, les clauses d’agrément prévoient la demande de l’agrément du bailleur avant la conclusion du contrat de cession et non pas avant l’installation du cessionnaire. C’est pourquoi, en pratique, les parties qui se seront mises d’accord sur un projet de cession concluront un contrat de cession sous condition suspensive d’agrément du bailleur. Si la condition suspensive n’est pas réalisée à la date limite fixée dans le compromis de cession de droit au bail, ce compromis doit être considéré comme nul et l’acompte versé par le cessionnaire doit lui être restitué (CA Nancy, 2e ch., 12 mars 1998, n° 95002817 : JurisData n° 1998-045522). Dans le cas où le cédant est créancier de la condition suspensive d’obtention d’un prêt et prévoyant que si la cession ne se réalisait pour un motif imputable au cessionnaire, le cédant conserverait l’indemnité d’immobilisation, il lui appartient, en cas de refus de ce prêt, de démontrer que la cession définitive ne s’est pas réalisée pour un motif imputable au seul cessionnaire (Cass. 3e civ., 24 mars 2004, n° 02-15.689 : JurisData n° 2004-023137). S’agissant d’un bail commercial cédé sous condition suspensive de l’accord du bailleur pour la cession et pour la régularisation d’un nouveau bail directement au profit du cessionnaire, ayant relevé que le bailleur avait refusé de donner son accord à la cession si une somme de 14 000 euros ne lui était pas versée pour une remise en état des lieux liée à la présence d’une climatisation alors que cette climatisation avait été installée avec son accord exprès, la cour d’appel, a pu déduire de ces seules constatations que le cédant n’était en rien responsable de la non-réalisation de la condition suspensive liée uniquement aux exigences du bailleur (Cass. 3e civ., 10 juin 2009, n° 08-14.099 : JurisData n° 2009-048520 ; JCP E 2009, 1733).
- – Sanction du non-respect de la clause d’agrément – La clause d’agrément s’impose au cédant, et la Cour de cassation reconnaît le pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier la gravité de l’infraction à la clause du bail soumettant à l’agrément du bailleur la cession envisagée, et de prononcer la résiliation du contrat (Cass. 3e civ., 17 juill. 1996, n° 94-19.822 : JurisData n° 1996-003308 ; Administrer janv. 1997, p. 25, obs. J.-D. Barbier). Il a ainsi été jugé que si le locataire ne sollicite l’accord du bailleur qu’au jour de la signature de l’acte de cession, il y a lieu de prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur dès lors que la clause d’agrément prévue au contrat de bail obligeait le locataire à demander l’agrément du bailleur avant la conclusion du contrat (CA Nîmes, 1re ch. A, 29 juin 1999, n° 98/496 : JurisData n° 1999-030080. – CA Chambéry, ch. civ., 9 nov. 1999, n° 97/02447 : JurisData n° 1999-109434). De même, doit être résilié le bail dont le preneur avait cédé à un tiers une partie de ses droits indivis dans le fonds de commerce à l’insu du bailleur alors que le contrat de bail comportait une clause d’agrément (Cass. 3e civ., 5 oct. 1999, n° 97-14.336 : JurisData n° 1999-003483). En cas de non-respect de la clause d’agrément, le bailleur est fondé à solliciter en référé la constatation de la clause résolutoire, ainsi que la condamnation du preneur au paiement des loyers et indemnités d’occupation dues, en sus de son expulsion ; le cessionnaire intervenu volontairement aux débats pouvait réclamer, à juste titre, le remboursement de la somme versée pour la cession litigieuse (CA Aix-en-Provence, 24 janv. 2002 : JurisData n° 2001-167479). La signification postérieure de l’acte de cession au bailleur qui n’a pas été appelé à l’acte, faite en application des articles 1690 et 2075 du Code civil, n’est pas de nature à régulariser une violation de la clause du bail prévoyant un agrément préalable du bailleur. La sanction du non-respect de cette clause est l’inopposabilité de la cession au bailleur (CA Poitiers, ch. civ. 2, 17 juin 2008 : JurisData n° 2008-373866). Il a également été jugé que la vente de fonds de commerce doit être déclarée inopposable aux bailleurs dès lors qu’en présence d’une clause d’agrément inscrite dans le bail, il n’est pas établi que les bailleurs y aient renoncé. L’acte de cession est intervenu sans que les bailleurs donnent leur agrément au cessionnaire du fonds et sans qu’ils soient convoqués à l’acte. Or, la renonciation se doit d’être non équivoque. À ce titre, ni le fait de ne pas avoir répondu à l’envoi d’une procuration adressé par le notaire rédacteur, ni le fait d’avoir adressé un courrier à ce dernier indiquant qu’ils avaient connaissance de la vente et demandait le paiement des arriérés de loyer ne peuvent constituer une telle renonciation (CA Toulouse, 2e ch., 1re sect., 20 févr. 2013, n° 80, 11/01041, Me Pierrette D’angelo-Pelegry c/ M. Julien Jegou : JurisData n° 2013-010153).
- b) Clauses imposant des formalités
- – Ces clauses imposent l’accomplissement de formalités particulières au cédant. Le juge qui autoriserait une cession en considérant que les motifs de refus d’agrément sont injustifiés ne pourrait pas écarter ce formalisme et, par exemple, autoriser la cession par acte sous seing privé là où le bail prévoit la rédaction d’un acte notarié (J. Derruppé, L’obligation de constater par acte notarié la cession d’un bail commercial : Defrénois 1996, art. 36251). Sont ainsi licites :
- les clauses imposant l’intervention du bailleur à l’acte de cession ou prévoyant qu’il devra y être appelé (CA Toulouse, 2e ch., 30 janv. 1996, n° 92-44.966, 93-40.875 : JurisData n° 1996-000474. – CA Paris, 16e ch. A, 20 févr. 1996 : JurisData n° 1996-020660. – CA Aix-en-Provence, 4e ch. civ. A, 24 janv. 2002 : JurisData n° 2002-167479. – CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 6 nov. 2013, n° 10/17437, SAS Sté d’organisation comptable et d’études fiduciaires (SOCEF) c/ M. Brian Anthony Cowley : JurisData n° 2013-026803);
- les clauses imposant de constater la cession par acte authentique et de remettre au bailleur une copie exécutoire (Cass. com. 12 juin 1963 : Bull. civ. 1962, III, n° 294. – CA Nancy, 2e ch. com., 18 déc. 2013, n° 2521/13, 12/02649 : JurisData n° 2013-030860) ou exigeant la présence du bailleur à l’acte authentique (CA Riom, ch. com., 28 févr. 2002 : JurisData n° 2002-161255) ou celle prévoyant que l’acte de cession sera établi par le notaire du bailleur (CA Paris, 5 janv. 1981 : Loyers et copr. 1981, comm. 90. – CA Paris, 11 févr. 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 325. – CA Paris, 24 mai 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 215). Lorsque le bail prévoit que toute cession doit avoir lieu par acte notarié auquel le bailleur est appelé, la Cour de cassation condamne clairement le fait de réaliser la cession du fonds de commerce par acte sous seing privé, sans appeler le bailleur, puis de l’appeler à un second acte notarié constatant la cession du bail. La cour d’appel, dont l’arrêt est cassé, avait admis cette façon de procéder en considérant qu’il n’y avait pas violation du bail, car la cession du fonds de commerce ne contenait qu’une promesse de cession de bail, celle-ci étant reportée à un acte ultérieur et notarié (Cass. com., 26 oct. 1993, n° 91-15.877 : JurisData n° 1993-002186 ; JCP E 1993, pan. 1451 ; JCP N 1994, II, p. 65, note Cl. Destame ; Loyers et copr. 1994, comm. 76 ; D. 1994, somm. p. 54, obs. Rozès ; Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 132, note J.-D. Barbier ; RTD com. 1994, p. 37, obs. J. Derruppé). De même, le dépôt ultérieur de l’acte sous seing privé de cession au rang des minutes d’un notaire ne peut effacer les infractions commises (Cass. 3e civ., 1er avr. 1998 : RJDA 1998, n° 690).
- c) Pacte de préférence
- – Aucune disposition du statut des baux commerciaux ne prohibe l’insertion, dans un bail commercial, d’une clause prévoyant un droit de préemption au profit du bailleur, en cas de cession de ce contrat ou du fonds de commerce. Une telle clause ne porte atteinte à aucun des droits du preneur de céder son bail aux conditions qu’il a acceptées. Cette clause est reconnue valable en son principe par la jurisprudence. Il est, toutefois nécessaire d’en soigner la rédaction. Encourt ainsi la cassation l’arrêt qui avait considéré que le pacte de préférence ne visait pas uniquement la vente alors que si les parties avaient visé la disposition à titre onéreux des biens, objets du pacte de préférence, elles avaient prévu que le preneur serait informé de toute mutation à titre onéreux avec indication du prix offert, des conditions générales de la vente projetée et se verrait remettre la copie de la promesse de vente ou du compromis de vente, ce qui excluait l’apport en société du pacte de préférence, la cour d’appel, a violé l’article 1134 du Code civil(Cass. 3e civ., 15 janv. 2014, n° 12-35.106 : JurisData n° 2014-000412 ; JCP N 2014, act. 258).
Le contrat de bail commercial contient un droit de préemption au profit du bailleur en cas de cession du droit au bail ou du fonds de commerce. Le preneur a notifié au bailleur le compromis de cession du droit au bail, prévoyant un prix de vente de 20 000 euros. Le bailleur a exercé son droit de préemption le 22 mars 2010, c’est-à-dire dans le délai contractuel d’un mois. Cette acceptation des clauses et conditions de la vente projetée rend la vente parfaite au profit du bailleur. Le preneur ne pouvait donc pas annoncer au bailleur que le compromis de vente avait été résilié d’un commun accord le 1er avril 2010. En agissant ainsi, le preneur a manqué à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi (CA Rouen, ch. civ et com., 17 févr. 2011, n° 10/03848 : JurisData n° 2011-003619).
Ainsi, il a été jugé que la clause constituant le droit de préemption était valable et que, soumise à la condition que la bailleresse ne mette pas en œuvre son droit de préemption, la promesse de vente du fonds dont avait bénéficié la société poursuivant l’annulation de la cession, finalement conclue, n’avait pas valu vente, en sorte que n’étant pas devenue propriétaire, cette société invoquait à tort l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, la cour d’appel ayant constaté que la promesse ultérieurement consentie à la société qui s’était substituée à la société bailleresse était moins avantageuse pour l’acquéreur que celle initialement conclue avec la demanderesse, et que le bailleur avait usé du droit de préemption afin de restructurer le centre commercial et d’en améliorer le fonctionnement, a pu déduire de ces seuls motifs que ce droit n’avait pas été détourné de son objet (Cass. 3e civ., 12 juill. 2000, n° 98-22.000 : JurisData n° 2000-002871 ; JCP E 2000, p. 1546 ; LPA 2001, n° 109, p. 11, note J.-L. Tixier). De même, s’agissant de la cession d’un bail commercial, pour laquelle la bailleresse a notifié son intention d’exercer son droit de priorité de rachat, sous réserve des procédures en cours, doit être cassé l’arrêt qui, pour dire que les intérêts au taux légal sur le prix de rachat du bail n’étaient dus qu’à compter de son prononcé, retient que ce n’est qu’à compter de la décision de débouté de la demande de la bailleresse tendant à faire déclarer bien fondé son refus de renouvellement du bail sans indemnité que la créance du vendeur était devenue certaine et exigible ; alors que la cour d’appel avait constaté que la réserve tenant à l’issue de la procédure relative au renouvellement du bail était levée et que l’arrêt auquel elle renvoyait avait autorisé la compensation de créance du vendeur avec celles qu’avait sur lui la bailleresse (Cass. 3e civ., 19 juill. 2000, n° 98-21.234 : JurisData n° 2000-003089).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
49 . – Pacte de préférence
Est caduque aux torts du vendeur la promesse synallagmatique de vente non réitérée par acte authentique dans les délais stipulés dès lors qu’il est établi que les conditions suspensives au profit du vendeur étaient levées. En l’espèce, à la date fixée pour la réalisation de la vente, le vendeur n’avait pas satisfait à la condition particulière de rachat du bail consenti à la société locataire bénéficiaire d’un bail commercial. En outre, une difficulté nouvelle se posait avec le droit de préemption consenti au sous-locataire de cette dernière. Par conséquent, la caducité de la promesse de vente est prononcée aux torts du vendeur qui est condamné à payer aux acquéreurs la somme de 100 000 euros convenue à titre de clause pénale. La cour d’appel précise que le fait de refuser, pour les acquéreurs, de signer l’acte de vente préférant en effet acquérir la totalité de l’immeuble ne vaut en aucun cas le renouvellement de l’accord portant sur la promesse de vente (CA Versailles, ch. 1, sect. 1, 19 févr. 2015, n° 12/07304 : JurisData n° 2015-006542).
- – L’application de cette clause peut poser problème en cas de cession du bail par une entreprise en liquidation judiciaire. L’article L. 622-13 du Code de commerce prévoit que la cession s’effectue conformément aux dispositions du bail (Pour un exemple, V. CA Paris, 26 févr. 1999 : RJDA 12/1999, n° 1365). Toutefois, l’article L. 622-17, alinéa 4 du Code de commerce impose au juge-commissaire de choisir la meilleure offre. Qu’en sera-t-il lorsque l’offre du bailleur bénéficiaire du pacte de préférence sera inférieure à celle d’un autre repreneur ? La jurisprudence ne se prononce pas clairement sur cette question. Il semble que le rejet de l’offre n’emporte pas perte de valeur du droit de préférence dès lors que celui-ci a été invoqué par le bailleur bénéficiaire. Il a été jugé que faute d’avoir formé opposition à l’encontre d’une ordonnance du juge-commissaire qui a validé l’exercice du droit de préférence par le bailleur, avec substitution d’un tiers, le repreneur initialement retenu ne peut poursuivre l’annulation de la vente prétendument conclue en fraude de ses droits (CA Dijon, 1re ch., 4 nov. 1999, n° 98/01732 : JurisData n° 1999-106048 ; Loyers et copr. 2000, comm. 114. – V. infra n° 117 ). Le transfert du bail commercial ordonné à la suite du jugement arrêtant un plan de cession est opposable à tous et, du fait de son caractère judiciaire, ne saurait par conséquent se heurter au droit de préemption conventionnel du bailleur dont l’appel, doit être dit mal fondé et abusif en l’espèce (CA Caen, 1re ch., 9 nov. 2010, n° 10/02643 : JurisData n° 2010-025157 ; Rev. proc. coll. 2011, comm. 49).
- – Cependant, le pacte de préférence doit constituer un droit de préemption au profit du seul bailleur. Il a ainsi été jugé que, le bail prévoyant un pacte de préférence à l’égard d’un cessionnaire au choix des bailleurs et non des bailleurs eux-mêmes et que le projet de cession devait leur être notifié, les bailleurs ne peuvent invoquer la nullité fondée sur l’article L. 141-1 du Code de commerce(L. 29 juin 1935, anc. art. 12) et que la cour d’appel a pu valablement décider que le prix de cession était sérieux et que les preneurs avaient rempli leurs obligations (Cass. 3e civ., 12 juill. 1995, n° 94-11.666 : JurisData n° 1995-002079 ; Bull. civ. 1995, III, n° 184 ; JCP G 1995, IV, 2230 ; D. 1995, inf. rap. p. 201).
- – Ainsi, la notification au bailleur d’un projet de cession vaut offre de vente à ce dernier, aux conditions stipulées dans le projet. Dès lors que le bailleur accepte cette offre, le preneur est définitivement engagé et ne peut plus retirer son offre ou faire une seconde offre à un prix plus élevé. Il a ainsi été jugé que dès lors que la clause de préemption est valable, que l’offre a été acceptée par le bailleur, le preneur a manqué à ses obligations en refusant de régulariser la vente. Ce manquement étant sanctionné par la clause résolutoire et à défaut de régularisation dans les huit jours de la sommation délivrée par le bailleur, il convient de constater l’acquisition de la clause résolutoire (CA Paris, 16e ch. A, 18 mai 2005 : JurisData n° 2005-290284 ; AJDI 2005, p. 835).
- – Le bailleur ne doit pas faire preuve de mauvaise foi dans la mise en œuvre de l’exercice de son droit de préférence. Tel est le cas lorsque le bailleur n’a pas répondu aux demandes du preneur, qui envisageait de vendre son fonds de commerce, sur son intention ou non d’exercer son droit de préférence prévu dans le contrat de bail et lorsque le bailleur a donné des informations à destination du cessionnaire sur le projet de restructuration du centre commercial et l’augmentation conséquente du loyer en présentant le projet comme certain alors qu’il était hypothétique comme le prouve le fait qu’il ne se soit réalisé que trois ans plus tard (T. com., Paris, 5e ch. A, 11 sept. 1998 : JurisData n° 1998-046945). Le bailleur doit exercer son droit de préemption dans les délais prévus par le contrat, sinon la cession réalisée par le preneur doit être régularisée (CA Dijon, 1re ch. sect. 1, 14 déc. 2000, n° 00/01128 : JurisData n° 2000-142406 ; JCP E 2001, p. 1305).
- d) Clauses diverses
- – Clauses imposant l’obligation de poursuivre un contrat de concession – Il a été jugé que la clause du bail imposant au cessionnaire du fonds de commerce de poursuivre un contrat de concession conclu par le propriétaire des locaux, alors qu’il exploitait le fonds, ne faisait pas obstacle à l’exploitation du fonds par le locataire ou son successeur et n’avait donc pas pour effet d’interdire ensuite au locataire de céder son bail à l’acquéreur du fonds (Cass. 3e civ., 22 juill. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 352 ; Defrénois 1987, art. 34075, note J. Derruppé).
- – Clauses de révision du loyer en cas de cession – La jurisprudence a admis la nullité de la clause prévoyant la révision du loyer en cas de cession de bail. Toutefois, cette nullité n’a pas pour fondement l’article L. 145-16 du Code de commerce, car une telle clause n’a pas pour effet de rendre impossible la cession, mais l’article L. 145-15 du Code de commerce qui prohibe les clauses faisant échec aux prescriptions légales en matière de révision triennale (Cass. 3e civ., 27 oct. 1983 : Loyers et copr. 1984, comm. 71). Il a également été jugé que le cessionnaire est bien fondé à demander la nullité de la clause permettant l’augmentation du loyer de trente pour cent en cas de cession, dans la mesure où n’est pas rapportée la preuve de sa renonciation expresse aux dispositions relatives au plafonnement lors de la révision triennale (CA Amiens, 1re ch., 30 nov. 2000, n° 00/00548 : JurisData n° 2000-142786).
- – Clause d’exclusion de la garantie des vices cachés – La clause selon laquelle l’acheteur prend le fonds de commerce dans son état au jour de son entrée en jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité, ni diminution de prix pour quelque cause que ce soit, n’est pas une clause d’exclusion de la garantie légale des vices cachés. Cette clause interdit seulement au cessionnaire de rechercher la responsabilité du cédant sur l’état apparent du fonds lors de la cession. En tout état de cause, les clauses d’exclusion de la garantie légale des vices cachés ne sont valables qu’entre professionnels de la même spécialité. Or les vices portent sur l’installation de chauffage. L’acheteur est donc en droit d’agir sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil(CA Nancy, 2e ch. civ., 15 sept. 2004, n° 02/01333 : JurisData n° 2004-267417).
- – Clause de compensation – L’acte de cession contient une clause stipulant que le cédant fera son affaire personnelle de l’arrêté des comptes au jour de la cession avec le bailleur et qu’une compensation interviendra entre le montant du dépôt de garantie détenu par le bailleur et toutes les sommes dues par le cédant. C’est en vain que le bailleur, pour conserver le dépôt de garantie, soutient que cette clause constitue une stipulation pour autrui. Le fait de prévoir une compensation ne constitue pas une stipulation du cessionnaire au profit du bailleur, d’autant que le cessionnaire n’était pas concerné par les modalités d’apurement des comptes entre le cédant et le bailleur. De plus, la stipulation pour autrui constitue un engagement précis du promettant envers le bénéficiaire. Or, en l’espèce, il existait un désaccord sensible sur le montant dû par le cédant au bailleur (CA Paris, 16e ch. A, 9 mars 2005, n° 03/16454 : JurisData n° 2005-278009).
- – Clause exigeant le règlement de tous les loyers avant la cession – Le bail peut prévoir une clause interdisant la cession si le preneur n’est pas à jour dans le paiement des loyers échus. Toute vente en violation de cette clause doit être déclarée irrégulière. Le fait que le bailleur ait été appelé à l’acte ne permet pas de régulariser la cession (Cass. 3e civ., 31 mai 1994 : Gaz. Pal. 1995, somm. p. 307, obs. J.-D. Barbier).
- e) Clause de solidarité ou de garantie solidaire
- – Cette clause, fréquemment utilisée, prévoit que le cédant reste garant, solidairement avec le cessionnaire, de l’exécution des clauses et conditions du bail. Sa validité n’a jamais été contestée. Une réponse ministérielle (Rép. min. n° 1892 à M. Yannick Favenn : JOAN Q, 15 janv. 2013, p. 409) a précisé qu’il n’est donc pas envisagé pour le moment par les pouvoirs publics d’interdire la clause de garantie solidaire ou d’instaurer une sûreté pesant sur le nouveau locataire en cas de cession de bail commercial. Traditionnellement, la jurisprudence considérait que le locataire cédant était garant de la bonne exécution des clauses du contrat de bail par le cessionnaire sans qu’une clause spéciale ne soit nécessaire (Cass. 1re civ., 20 avr. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 200. – Cass. 3e civ. 19 mai 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 324). Cette position est abandonnée depuis un arrêt du 12 juillet 1988 dans lequel la Cour de cassation décide qu’en l’absence de clause expresse de solidarité entre cédant et cessionnaire, le bailleur ne peut exiger du premier le paiement des loyers échus postérieurement à la cession (Cass. 3e civ., 12 juill. 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 125 ; RTD com. 1989, p. 217, obs. M. Pédamon ; Loyers et copr. 1988, comm. 453. – Cass. 3e civ., 15 janv. 1992 : Rev. huissiers 1992, p. 221). Son utilité s’est donc accrue, les rédacteurs devront être vigilants quant à cette rédaction (Cf. J.-G. Raffray, La rédaction d’un bail commercial, Mélanges offerts à Jean Derruppé, éd. GLN Joly-Litec, p. 83 et s. F. Chalvignac, La rédaction d’un acte juridique : le bail commercial, Biblio. dr. privé, t. 325 ; LGDJ 1999).
- – La Cour de cassation interprète strictement cette clause : elle a décidé que le cédant, garant du paiement des loyers, ne pouvait se voir réclamer le paiement des réparations locatives et des indemnités dues par le cessionnaire (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995 : Bull. civ. 1995, III, n° 107 ; JCP G 1995, IV, 1440 ; RD imm. 1995, p. 605, obs. Derruppé ; D. 1997, somm. p. 307, obs. Rozès. – Cass. 3e civ., 4 mars 1998 : AJPI 1998, p. 619, note Derruppé). De même, en cas de cessions successives, avec l’accord du bailleur, du bail commercial comportant une clause de garantie solidaire quant au paiement du loyer du cédant envers le cessionnaire, à l’exclusion de toute autre personne, le bailleur est mal fondé à demander au cédant de supporter les conséquences de l’inexécution du contrat conclu entre son cessionnaire et un tiers (Cass. 3e civ., 7 janv. 1998, n° 96-12.729 : JurisData n° 1998-000129. – CA Amiens, ch. sol., 14 juin 1999 : JurisData n° 1999-043075). Cette clause de garantie insérée dans un contrat de bail ne peut s’appliquer que jusqu’à l’expiration du bail commercial en cours, elle n’est plus applicable au bail renouvelé car il s’agit d’un nouveau bail (CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999, n° 1998/00208 : JurisData n° 1999-024507 ; Loyers et copr. 2000, comm. 89. – V. infra n° 111 ).
- – Restrictions d’origine légale : droit de préemption des communes
- – L’article 58 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises instaure un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce ainsi que sur celles des baux commerciaux, alors que la possibilité de préempter ne concernait auparavant, et en matière commerciale, que les murs (V. D. Dutrieux, Les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux désormais soumises au droit de préemption ! L. n° 2005-882, 2 août 2005, en faveur des PME, art. 28 : JCP N 2005, n° 35, act. 412). La loi du 2 août 2005(complétée par la loi du 4 août 2008) a instauré au profit des communes un droit de préemption sur les fonds de commerce ou artisanaux, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projet d’aménagement commercial. Cela concerne « les cessions de terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m2 » (C. urb., art. L. 214-1). Le décret d’application du 26 décembre 2007(JO 28 déc. 2007) précisait que l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions était reportée à la publication de l’arrêté précisant les formes de la déclaration préalable à l’opération de cession du fonds ou du droit au bail concerné (V. A. 29 févr. 2008 mod. 1er avr. 2008). L’article 17 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifie l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme en prévoyant, afin de renforcer l’information de la commune ou du titulaire du droit de préemption, que la déclaration préalable permettant la purge de ce dernier, doit préciser, outre le prix et les conditions de la cession, comme prévu dans l’ancien texte, l’activité de l’acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, ainsi que la nature de leurs contrats de travail. Il est par ailleurs prévu que la déclaration doit « comporter» le bail commercial et préciser le chiffre d’affaires lorsque « la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial » (par opposition à une cession portant sur un terrain). Elle insère également dans le Code de l’urbanisme, un nouvel article L. 214-1.1 qui permet à la commune de déléguer en tout ou partie les prérogatives dont elle dispose en la matière, à un établissement public « y ayant vocation », soit un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), à une société d’économie mixte (SEM), au concessionnaire d’une opération d’aménagement, ou encore au titulaire d’un « contrat de revitalisation artisanale et commerciale », tel que prévu par l’article 19 de la loi (Les dispositions relatives au transfert de la propriété du bail et de l’immeuble : Ch. E. Brault, M. L. Sainturat, Loyers et copr. 2014, dossier 5).
Les opérations concernées sont celles dont les locaux sont inclus dans « le périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité » par une délibération du conseil municipal. Par conséquent, toute cession de fonds de commerce ou de bail commercial inscrite dans un périmètre de sauvegarde délimité par le conseil municipal devra dorénavant être subordonnée, sous peine de nullité, à une déclaration préalable, faite par le cédant, à la commune qui disposera alors d’un délai de deux mois pour éventuellement se porter acquéreur du fonds ou du bail commercial. Les biens concernés sont les fonds de commerce et les fonds artisanaux. L’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme vise les fonds de commerce et les fonds artisanaux de manière générique. La cession partielle du fonds n’est pas évoquée et semble donc exclue du champ d’application de ce texte. La cession du droit au bail commercial est également visée par ce texte. Alors que l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme parle de cession de fonds de commerce ou artisanaux, l’article R. 214-3 ne vise que les fonds aliénés à titre onéreux excluant ainsi les mutations à titre gratuit du champ d’application du droit de préemption des communes. Toutefois cette substitution de terme élargit le champ d’application du droit de préemption ou tout au moins pose la question des opérations telles que les apports en société (D. Dutrieux, Fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux : les mesures réglementaires relatives au droit de préemption des communes enfin publiées : JCP N 2008, n° 129). L’article R. 214-3 du Code de l’urbanisme exclut les fonds “compris dans la cession d’une ou plusieurs activités prévues à l’article L. 626-1 du Code de commerce ou dans le plan de cession arrêté en application de l’article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 à L. 642-17 du Code de commerce”. Les cessions ainsi visées sont celles ayant lieu dans le cadre d’un plan de sauvegarde, d’un plan de cession d’entreprise ou d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Le droit de préemption est également applicable aux ventes par adjudication, toutefois l’article R. 214-6 ne reprend pas les dispositions de l’article L. 213-1, alinéa 3 qui distingue les adjudications volontaires de celles rendues obligatoires par la loi. Ces différents textes sont silencieux sur la question de la cession de parts sociales d’une société dont l’actif serait uniquement constitué d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal.
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
61 . – Droit de préemption des communes
Lorsque le bénéficiaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer son droit, que ce soit par l’effet de l’expiration du délai de deux mois, le cas échéant prorogé, ou par une décision explicite prise avant l’expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption. Si la cession est intervenue et s’il estime que la déclaration préalable sur la base de laquelle il a pris sa décision était entachée de lacunes substantielles de nature à entraîner la nullité de la cession, il lui est loisible de saisir le juge judiciaire d’une action à cette fin (CE, ss-sect. 1 et 6 réunies, 27 juill. 2015, Cne de Gennevilliers c/ Min. de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique : JurisData n° 2015-017915).
- – Un décret n° 2008-1470 du 30 décembre 2008 pris pour l’application de l’article L. 750-1-1 du Code de commerce(réd. L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 100-I) prévoit notamment que le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce assure le versement d’aides financières et prend en charge, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les intérêts des emprunts contractés par les communes pour l’acquisition, en application de l’article L. 214-1 du Code de commerce, de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de baux commerciaux ou de terrains destinés à l’aménagement commercial. Ce fonds finance notamment les études nécessaires à l’élaboration d’un cahier des charges qui permet aux communes d’engager dans les meilleures conditions un projet de revitalisation de leur centre-ville, la formation de médiateurs du commerce et les investissements nécessaires pour un meilleur accès des personnes handicapées aux magasins. Les crédits du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce peuvent financer des projets d’une durée supérieure à trois ans. En application de ces dispositions, le nouveau décret prévoit que les dépenses afférentes aux intérêts des emprunts contractés par les communes pour l’acquisition (en application de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme) de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de baux commerciaux ou de terrains destinés à l’aménagement commercial qui ont fait l’objet de l’exercice d’un droit de préemption peuvent être prises en charge par le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce dans la limite de 50 % de leur montant. Lorsque le droit de préemption est exercé dans les zones franches urbaines et dans les zones urbaines sensibles (dont la liste est annexée aux décrets des 26 déc. 1996 fixant la liste des ZUS et n° 2006-930 du 28 juill. 2006, portant création de ZFU), ce taux est porté à 80 % (JCP N 2009, act. 122. – V. J. Monéger et H. Kenfack, chron. Baux commerciaux : JCP E 2009, 1041, n° 1).
- – Déclaration préalable – Avant toute cession, le cédant doit effectuer une déclaration auprès du maire de la commune en quatre exemplaires présentés contre décharge ou adressés par pli recommandé avec accusé de réception. Cette déclaration peut être exercée par le mandataire du cédant. Cette déclaration préalable a été modélisée par l’arrêté du 29 février 2008(JO 1er avr. 2008). La doctrine regrette toutefois que les textes ne prévoient pas de joindre à la déclaration préalable un exemplaire du bail commercial car celui-ci peut contenir des stipulations particulières relatives à la cession du bail (D. Dutrieux, Droit de préemption communal sur les fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux, Publication du formulaire de déclaration préalable : JCP N 2008, n° 370). L’hypothèse de la cession simultanée du fonds et de l’immeuble n’a pas été envisagée non plus ; il faut en déduire que les deux droits de préemption continuent de s’exercer parallèlement et distinctement.
Le propriétaire d’un bien immobilier, situé dans le périmètre de préemption de la commune, pourra désormais notifier à cette collectivité la déclaration d’intention d’aliéner de manière dématérialisée. L’envoi électronique constitue une alternative à l’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception ou au dépôt contre décharge. Désormais tant s’agissant du droit de préemption urbain purement immobilier que de la faculté de préemption portant sur les fonds de commerce et les baux commerciaux, le vendeur ou le cédant, adresse à la mairie de la commune où se trouve situé le bien ou le bail, la DIA ou la déclaration de cession, par voie électronique en un seul exemplaire dans les conditions prévues par le I de l’article 5 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005. Cette transmission indique la date de l’avis de réception postal, du premier des accusés de réception ou d’enregistrement délivré en application du I de l’article 5 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ou de la décharge de la déclaration (D. n° 2012-489, 13 avr. 2012 : JO 15 avr. 2012 ; Loyers et copr. 2012, alerte 42).
- – Obligation de la commune – L’article R. 214-13 du Code de l’urbanisme prévoit l’accord préalable du bailleur au moment de la rétrocession du bail commercial, mais aucun texte ne prévoit son intervention au moment de la cession du bail, ni les modalités de paiement des loyers pendant la période écoulée entre la décision de préemption et la rétrocession. Ces réponses ont été données par plusieurs réponses ministérielles. En application de l’article L. 214-2 du Code de l’urbanisme, la commune qui a préempté un fonds de commerce, un fonds artisanal ou un bail commercial devait le rétrocéder dans le délai maximum de deux ans (V. infra n° 67 ). Ce délai a été porté à trois ans à condition que le fonds ait été mis en location gérance. Pendant ce délai, la commune se trouvera placée dans la même situation juridique et matérielle que tout propriétaire de fonds de commerce ou d’un fonds artisanal exerçant une activité. Ainsi en tant que locataire, elle devra assumer vis-à-vis du propriétaire du local commercial, son bailleur, toutes les obligations découlant du contrat de bail et notamment le versement des loyers. Désormais, l’article L. 145-2-II du Code de commerce prévoit expressément que le bail demeure soumis au statut des baux commerciaux et interdit au bailleur de se prévaloir du défaut d’exploitation pendant le délai courant entre la préemption et la rétrocession pour mettre fin au bail. En tant qu’employeur, elle ne pourra pas, bien entendu, procéder au licenciement des salariés éventuellement en activité, lorsqu’elle aura acquis la propriété du fonds ou du bail. Ces salariés sont en effet protégés par l’article L. 1224-1 du Code du travail qui énonce que les contrats de travail seront maintenus en cas de changement d’employeur. En outre, elle devra acquitter l’ensemble des salaires et charges sociales dus (Rép. min. n° 202 : JOAN Q 23 déc. 2008, p. 11122 ; Loyers et copr. 2009, alerte 13 ; JCP N 2009, act. 115). Une autre réponse ministérielle apporte les précisions suivantes : En application de l’article R. 214-16 du Code de l’urbanisme, si la rétrocession du fonds de commerce, du fonds artisanal ou du bail commercial par la commune n’est pas intervenue dans le délai de deux ans (V. infra n° 67 ), l’éventuel acquéreur évincé bénéficie d’une priorité d’achat du fonds ou du bail. Cet éventuel acquéreur évincé ne bénéficie d’aucun droit de propriété sur le fonds ou sur le bail dans le cas où la mairie n’aurait pas trouvé preneur, mais d’un simple droit de priorité d’achat en application de l’article précité. En effet, l’acquéreur évincé ne bénéficiait éventuellement que d’une simple promesse de vente, qui pourrait s’analyser comme une promesse de vente sous condition suspensive que la commune ne préempte pas. Pour que la commune puisse rétrocéder librement le fonds ou le bail à cet acquéreur évincé, il est nécessaire que le délai d’un an se soit écoulé sans que le fonds ou le bail ait été rétrocédé à un nouvel exploitant. Toutefois, il est précisé que ce délai d’un an imparti à la commune est suspendu, en application du troisième alinéa de l’article R. 214-13, jusqu’au recueil de l’accord du bailleur à la rétrocession ou, à défaut d’accord, jusqu’à l’intervention de la décision devenue définitive du tribunal de grande instance en cas de saisine par le bailleur, sur le fondement de l’article R. 214-13 du Code de l’urbanisme(Rép. min. n° 24592 à Jacques Domerg : JOAN Q 27 janv. 2009, p. 772).
- – Par une décision de juillet 2007, un maire a exercé, sur le fondement de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, le droit de préemption de la commune sur les biens et droits objets de la promesse d’une cession de droit au bail consentie le 23 mai 2007. Les articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de l’urbanisme, issus de la loi n° 2008-776 du 2 août 2005, ont pour objet d’ouvrir aux communes la possibilité de se doter d’un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu’elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l’activité commerciale et artisanale de proximité. Le fonds ou le bail, objet de la préemption, doit alors être rétrocédé dans un délai d’un an à une entreprise dont l’exploitation répond aux objectifs poursuivis. Si l’application des dispositions de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme n’était pas manifestement impossible en l’absence du décret prévu à l’article L. 214-3, en tant qu’elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l’article L. 214-2 relatives à l’exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif, entièrement nouveau, ne peut être mis en œuvre sans qu’aient été apportées, par voie réglementaire, les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté (CE, 21 mars 2008, n° 310173 : JurisData n° 2008-073324 ; JCP N 2008, 1238, note H. Kenfack. – V. chron. D. Dutrieux, Droit de préemption des personnes publiques, jurisprudence commentée : JCP N 2009, 1125).
- – Concurrence dans les droits de préemption – La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a élargi le champ d’application du droit de préemption « commercial » en ajoutant les terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une superficie de vente comprise entre 300 et 1 000 m2 (C. com., art. L. 214-1, al. 2). Cette adjonction perturbe fortement la physionomie du droit de préemption commercial qui, désormais, peut donc concerner un immeuble susceptible d’entrer également dans le champ du droit de préemption urbain. Comment, dès lors, concilier l’existence de ces deux droits lorsque le titulaire du droit n’est pas le même ? C’est pourquoi la question ministérielle suivante a été posée :
- Philippe Goujon appelle l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’Écologie, sur l’incertitude juridique qui existe aujourd’hui dans le cas du cumul des deux droits de préemption urbain et « commercial », détenus par des personnes distinctes. La loi du 2 août 2005, dans son article 58, a mis en œuvre une nouvelle procédure de préemption au bénéfice des communes (C. urb., art. L. 214-1 et s.) leur permettant de se substituer à l’acquéreur lors de la cession d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal ou encore d’un bail commercial. Les biens concernés par le dispositif de la loi du 2 août 2005 sont des biens incorporels : fonds artisanaux ou fonds de commerce, d’une part, baux commerciaux, d’autre part. Afin de renforcer les moyens offerts aux communes de maintenir la diversité commerciale, l’article 101 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie permet désormais de préempter dans un périmètre de sauvegarde, les terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m2 (C. urb., art. L. 214-1, al. 2). Le droit de préemption « commercial » entre en concurrence avec le droit de préemption urbain, notamment lorsqu’un même terrain, relevant des deux droits de préemption, est compris dans un périmètre de sauvegarde et dans une zone d’aménagement différé. Le décret n° 2009-753 du 22 juin 2009 a réglé la question du cumul de droits de préemption urbain et « commercial » par le nouvel R. 214-4-2 du Code de l’urbanisme, lorsque la commune est seule détentrice des deux droits de préemption : la commune, lorsqu’elle décide de procéder à l’acquisition, doit préciser sur quel fondement elle entend se placer. Mais si le droit de préemption « commercial » n’est pas délégable, le droit de préemption classique sur les locaux reste délégable, notamment à une SEM locale : d’où la question de savoir quelle personne doit être privilégiée. Aussi, il lui demande de lui indiquer si le Gouvernement envisage de clarifier cette question qui demeure une source d’incertitude juridique.
La loi de modernisation de l’économie (LME) a renforcé le droit de préemption des communes dans les périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité en l’étendant aux terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre trois cents et mille mètres carrés. Les articles R. 214-1 à R. 214-9 du Code de l’urbanisme, issus du décret n° 2009-753 du 22 juin 2009, relatif au droit de préemption sur les terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, ont introduit la référence aux terrains concernés aux différentes étapes de la procédure (prévues par le décret du 26 décembre 2007 sur le droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux). L’extension du champ d’application du droit de préemption des communes a pour conséquence une possible concurrence du droit de préemption urbain et du droit de préemption sur les terrains à vocation commerciale, par exemple lorsque le droit de préemption urbain a été délégué à une société d’économie mixte (SEM). Toutefois, en pratique, même si la commune a délégué son droit de préemption urbain à la SEM, elle travaillera en étroite collaboration avec celle-ci pour décider du droit de préemption le mieux adapté à la situation. Ainsi, dans le cadre de la procédure de préemption, l’article R. 213-5 du code prévoit que le propriétaire du bien soumis au droit de préemption adresse la déclaration préalable à la commune titulaire du droit de préemption. Il est donc de bonne administration, lorsque la commune entend exercer son droit de préemption sur les terrains à vocation commerciale, qu’elle en informe le délégataire du droit de préemption urbain. Dans le cas où la commune ne serait pas intéressée par l’exercice de son droit de préemption, elle transmet copie de la déclaration au délégataire du droit de préemption urbain qui pourra alors exercer son droit (Rép. min. n° 877 : JOAN Q 15 févr. 2011, p. 1531. – C. Debouy, Concurrence entre droit de préemption urbain et commercial : l’imprécision d’une réponse ministérielle : JCP A 2011, act. 260. – D. Gillig, Concurrence dans l’exercice du droit de préemption : Constr.-urb. 2011, Alerte 41).
- – Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 – L’article 4 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012(JO 23 mars 2012) modifie certaines règles du droit de préemption des communes. L’article L. 214-2 du Code de l’urbanisme est modifié, le délai imparti à la commune, à compter de la prise d’effet de la cession pour rétrocéder le fonds de commerce étant porté de un à deux ans, avec faculté de mettre le fonds ainsi préempté en location-gérance, dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du Code de commerce. Le délai pendant lequel les dispositions du statut des baux commerciaux ne sont pas applicables aux fonds de commerce ou aux baux commerciaux préemptés se trouve porté de une à deux années.
Les textes qui régissent la location-gérance excluent que le délai de deux ans d’exploitation préalable du fonds ne puisse être opposé notamment aux collectivités territoriales, si bien que tel n’est pas l’intérêt du nouveau texte qui devrait néanmoins permettre à la commune de concéder à un tiers la jouissance et l’exploitation du fonds sans que le bailleur ne puisse opposer une clause restrictive du contrat, dès l’instant où la faculté est ainsi reconnue par la loi. Cependant, on observera que le texte légal ne précise pas « nonobstant toute clause contraire » ou a fortiori que toute clause excluant une telle faculté serait réputée non écrite.
Les nouvelles dispositions légales impliquent que l’article R. 214-16 du Code de l’urbanisme soit mis en harmonie dès lors que le délai de rétrocession est désormais de deux ans et non d’une année (Ph. H. Brault, Simplification du droit et tacite reconduction : Loyers et copr. 2012, alerte 28 ; D. Dutrieux, Loi relative à la simplification du droit, les modifications apportées au droit de l’urbanisme : JCP N 2012, act. 382).
- – Constitutionnalité du droit de préemption – La constitutionnalité du droit de préemption des communes sur les baux commerciaux pour la sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité (C. com., art. L. 145-2, in fine. – C. urb., art. L. 214-1 s.) se pose. Elle a été examinée le 15 juin 2011 par la cour d’appel de Paris. La QPC posée est la suivante : « Les articles L. 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme, instituant un droit de préemption communal sur toutes cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, violent-ils le principe de la liberté d’entreprendre et le principe de la liberté contractuelle reconnus constitutionnellement ? ».
Pour la cour, il n’est pas sérieux de prétendre que le droit de propriété ou la liberté d’entreprendre, ou encore plus généralement la liberté contractuelle ayant valeur de principes constitutionnels ne puissent être atteints par un motif tiré de l’intérêt général ; que le droit de préemption prévu ne peut constituer un tel motif d’intérêt général portant une atteinte proportionnée aux principes cités au regard de l’objectif poursuivi alors qu’il est par ailleurs admis par les demandeurs que la finalité des dispositions des articles du code est la sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité pour le maintien de la diversité commerciale et artisanale en centre-ville. La demande de transmission à la Cour de cassation de la question posée est donc rejetée (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 15 juin 2011, n° 11/02341 et n° 10/03089 : JurisData n° 2011-013512 ; JCP G 2011, 883. – V. J. Monéger : Question prioritaire de constitutionnalité et contrôle des juges du fond : Loyers et copr. 2011, repère 8). Il a ainsi été que jugé la volonté d’une commune de préserver la diversité commerciale permanente dans une commune devant faire face au développement d’une activité commerciale saisonnière répond aux objectifs poursuivis par le droit de préemption des fonds de commerce (CAA Bordeaux, 26 mars 2013, n° 11BX03234, Cne Espelette : JurisData n° 2013-006279 ; Constr.-Urb. 2013, comm. 67).
III. – Conditions de la cession
- – Conditions de fond
- – La cession doit respecter les conditions relatives à tout contrat : consentement, capacité, objet et cause.
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
69 . – Conditions de fond de la cession
Des époux, qui bénéficiaient d’un bail commercial et avaient acquis le fonds de commerce exploité dans les locaux loués, ont, le 6 septembre 2010, cédé ce fonds à une société ; celle-ci, ayant appris ultérieurement que le permis de construire afférent aux locaux avait été annulé, a assigné les cédants du fonds de commerce et le bailleur en nullité de l’acte de cession et paiement de diverses sommes. Pour prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce, condamner les cédants à restituer au cessionnaire le prix de vente et les loyers payés jusqu’en février 2011 et à lui payer des dommages-intérêts puis rejeter leur demande de remise en état des lieux ainsi que leurs autres demandes, l’arrêt retient que les cédants avaient été informés de la procédure administrative par l’assignation qui leur avait été délivrée le 22 juillet 2008 et rappelait expressément les motifs essentiels du jugement du tribunal administratif annulant le permis de construire modificatif « concernant le volume 2 intégré à la partie commerciale comprise dans ce même volume », qu’ils devaient donc informer la société cessionnaire de la contestation relative à l’emprise du droit au bail et que celle-ci n’aurait pas acquis le fonds de commerce si elle en avait eu connaissance, de sorte qu’en ne l’en informant pas, les cédants ont commis une réticence dolosive à l’égard de la cessionnaire, justifiant l’annulation de la cession. En se déterminant ainsi, sans constater le caractère intentionnel de la réticence des cédants à l’égard de la société cessionnaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil(Cass. 3e civ., 10 févr. 2015, n° 13-25.008 : JurisData n° 2015-002488).
La vente conclue avec des investisseurs est caduque en cas de résiliation de plein droit du bail commercial conclu avec l’exploitant en liquidation judiciaire (Cass. 3e civ., 15 avr. 2015, n° 13-24.712 : JurisData n° 2015-011848 ; Loyers et copr. 2015, comm. 145).
Une société, titulaire d’un bail commercial portant sur des locaux appartenant à une société civile immobilière, s’est engagée à le céder sous diverses conditions suspensives dont la signature d’un nouveau bail commercial, devant être réalisées le 15 septembre 2012 ; des pourparlers entre la SCI propriétaire et la société cessionnaire se sont prolongés au-delà de cette date ; invitée à signer l’acte de cession le 15 janvier 2013, la société ne s’est pas présentée en invoquant la caducité du compromis ; la société cédante l’a assignée aux fins de voir déclarer la vente parfaite et de la voir condamnée au paiement de diverses sommes. Pour rejeter les demandes de la société cédante, l’arrêt retient que le juge n’a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres et qu’il n’y a pas lieu de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d’un nouveau bail.
En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite, la cour d’appel a violé l’article 1168 du Code civil(Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, n° 14-20.096 : JurisData n° 2015-023488 ; J. Monéger, De la condition et du conditionnement : lecture de l’arrêt de la Cour de cassation du 22 oct. 2015 : Loyers et copr. 2016, repère 1 ; JCP E 2015, 1620, note B. Brignon ; JCP E 2015, 1570 ; JCP E 2015, act. 827 ; JCP N 2015, n° 44, act. 1029).
La clause subordonnant la cession du bail à la signature d’un nouveau bail est une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat qui doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, n° 14-20.096 : JurisData n° 2015-023488 ; Loyers et copr. 2016, comm. 64).
- – Le contrat peut être annulé pour vice du consentement. Ainsi, a été prononcée la nullité de la cession de bail pour erreur portant sur une qualité substantielle, en raison de l’impossibilité d’exploiter les lieux résultant d’un arrêté municipal mettant le bailleur en demeure d’interrompre l’aménagement des locaux. La cour d’appel a décidé que la dissimulation par le cédant des graves difficultés opposant le propriétaire à la mairie constituait une manœuvre dolosive (CA Paris, 16e ch. A, 8 sept. 1992 : JurisData n° 1992-022197 ; Administrer mars 1993, p. 57). En cas d’annulation de la cession d’un fonds de commerce pour dol en raison de la situation de non-conformité des lieux à l’exploitation du commerce, le bail est annulé pour défaut de cause et le bailleur est responsable des préjudices subis par le cessionnaire du fait de la location. Il peut toutefois recevoir une indemnité d’occupation dès lors que le cessionnaire a joui des locaux (Cass. 3e civ., 24 juin 2009, n° 08-12.251 : JurisData n° 2009-048769 ; Rev. loyers 2009, p. 377, obs. C. Quément. – Pour une annulation en raison de la non-réalisation de la condition suspensive, V. Cass. 3e civ., 24 juin 2009, n° 08-16.786 : JurisData n° 2009-049012).
- – Concernant la cause du contrat, il a été jugé que la cession du droit au bail suppose une relation ternaire : cédant, cessionnaire et bailleur et que ce dernier ne pouvait se porter acquéreur du droit au bail. Une cour d’appel en a déduit que la convention aux termes de laquelle le preneur cède au propriétaire bailleur le seul droit au bail est dépourvue de cause et qu’il s’ensuit que le cédant est mal fondé en sa demande de paiement formée à l’encontre du bailleur cessionnaire de l’indemnité de cession (CA Bourges, 24 juin 1997 : JurisData n° 1997-044507 ; JCP E 1998, pan. 826).
- – Dès lors que les formalités sont respectées, l’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas un élément constitutif du fonds de commerce, ni une condition exigée pour son acquisition (Cass. 3e civ., 1er févr. 1995, n° 93-12.537 : JurisData n° 1995-000286 ; JCP G 1995, IV, 781 ; RD imm. 1995, p. 391). En revanche, la cession du droit au bail est nulle dès lors qu’il n’y avait plus de droit au bail, du fait du défaut d’immatriculation au registre du commerce de son titulaire cédant (CA Paris, 16e ch. B, 12 déc. 1997 : JurisData n° 1997-023797). Il en est de même pour un cédant qui se fait radier avant l’expiration du bail dérogatoire et qui ne peut donc pas se prévaloir du statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ., 12 déc. 1990, n° 89-12.501 : JurisData n° 1990-003534. – CA Pau, 1re ch., 27 avr. 1989 : JurisData n° 1989-042926).
- – Conditions de forme
1° Formalités préalables à la vente
- – Promesse de cession – Il s’agit d’un avant-contrat par lequel le titulaire d’un bail s’engage à céder celui-ci à des conditions qui sont acceptées par le bénéficiaire. Ainsi la promesse de cession de bail est nulle à défaut d’accord sur le prix (CA Paris, 16e ch. A, 19 mars 2008, n° 06/19830 : JurisData n° 2008-363517). Cette pratique se multiplie et donne lieu à une abondante jurisprudence. La promesse synallagmatique de cession de bail est généralement soumise à l’autorisation du bailleur. Dès lors le bailleur qui donne son accord de principe mais ne se présente pas lors de la régularisation de la cession commet une faute contractuelle engageant sa responsabilité (CA Paris, 16e ch. B, 29 mai 2008, n° 07/02234 : JurisData n° 2008-366568. – CA Paris, 16e ch. A, 29 oct. 2008 : JurisData n° 2008-372068). La promesse de cession du droit au bail vaut vente, par application de l’article 1589 du Code civil. La condition suspensive relative à l’absence d’exercice de son droit de préemption par le bailleur s’est réalisée, de sorte que la vente était parfaite dès la signature du compromis, le transfert de jouissance étant différé à la date de réitération par acte authentique sans qu’aucune caducité ne soit prévue en cas de non signature de cet acte (CA Rouen, ch. civ. et com., 7 avr. 2011, n° 10/01750 : JurisData n° 2011-015006). Dès lors que la condition suspensive prévue dans la promesse de cession ne se réalise p as par la faute de l’acquéreur, la pénalité prévue par la clause pénale est due par l’acheteur. Le vendeur peut réclamer des dommages et intérêts indépendamment de la clause pénale dès lors que le préjudice est constitué par la perte de chance de céder son bail au prix convenu (CA Chambéry, ch. civ., 1re sect., 17 janv. 2012, n° 10/02898 : JurisData n° 2012-005303). Toutefois, la condamnation à dommages et intérêt est subordonnée à l’existence d’un préjudice (CA Paris, Pôle 5, 3e ch., 2 mai 2012, n° 10/24222 : JurisData n° 2012-009133).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
73 . –
La promesse de vente du fonds de commerce est une promesse unilatérale. En effet, il ressort des stipulations de la promesse que seul le promettant s’engage à vendre et, si le bénéficiaire accepte l’engagement unilatéral de la société de lui vendre le fonds de commerce objet de la convention des parties, il ne s’engage pas, réciproquement, à acheter le dit fonds. Il est stipulé par ailleurs à l’acte que le cessionnaire sera propriétaire du fonds de commerce au jour et en vertu de la signature de l’acte authentique de cession. En outre, la clause relative au prix est libellée comme suit : « En outre la cession, si elle se réalise, sera consentie et acceptée moyennant le prix principal de 150 000 euros », ce dont il découle que le consentement des parties à la cession ne sera réalisé qu’à la date de l’établissement de l’acte authentique. La convention des parties constitue ainsi une promesse de vente unilatérale qui aurait dû être, sous peine d’être nulle et de nul effet, dès lors qu’elle a été constatée par un acte sous seing privé, enregistrée dans les dix jours suivant son acceptation par le bénéficiaire, ainsi qu’il est prescrit à l’article 1589-2 du Code civil. Etant constant que la promesse n’a pas été enregistrée dans le délai requis, elle se trouve, de ce seul fait, frappée de nullité. C’est en vain que le promettant recherche la responsabilité délictuelle du bénéficiaire. Ce dernier avait la volonté d’acquérir le fonds et a même accepté que le prix soit porté à 160 000 euros, mais la condition suspensive de l’autorisation du bailleur pour réaliser des travaux dans les lieux n’a pas été réalisée, ce qui n’est pas imputable au bénéficiaire de la promesse (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 9 mars 2016, n° 14/00261 : JurisData n° 2016-004172).
- – Rupture des pourparlers – Le contrat de cession est fréquemment précédé de pourparlers. La rupture des pourparlers est une cause fréquente de contentieux. La Cour de cassation énonce que la faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d’un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat (Cass. 3e civ., 7 janv. 2009, n° 07-20.783 : JurisData n° 2009-046461 ; JCP N 2009, act. 139 ; Respon. civ. et ass., 2009, comm. 67 ; JCP G 2009, IV,1215 ; Loyers et copr. 2009, comm. 91). Ainsi, dans une espèce où le preneur avait engagé des pourparlers avancés depuis plusieurs mois pour vendre son fonds de commerce, il a mis fin aux négociations en invoquant le refus d’agrément du bailleur. Il a été jugé que cette rupture était abusive et engageait la responsabilité délictuelle du preneur et du bailleur dès lors qu’il était établi que le bailleur n’avait aucune raison de refuser l’agrément, s’agissant de la reprise du fonds de commerce, si ce n’est la volonté de mettre fin au bail pour louer à un tiers moyennant un loyer plus élevé (CA Paris, Pôle 5, 3e ch., 30 juin 2010, n° 08/21286 : JurisData n° 2010-023160). Toutefois, il n’y a pas rupture fautive de pourparlers, lorsque le cédant était pressé par le temps, compte tenu notamment des exigences du constructeur automobile, de son âge et de son état de santé précaire, qu’il a préféré céder son fonds à un prix deux fois moins important, mais à très bref délai, que le caractère économique de l’opération n’était pas le plus important pour lui et que la société ne lui avait pas répondu en temps utile sur ce point. En l’état de ces constatations, la cour d’appel a pu déduire de ces diverses circonstances, que les parties avaient fait du délai de réalisation de la vente un élément constitutif de leur consentement et que, faute d’accord à ce propos, la convention n’avait pas été conclue (Cass. 3e civ., 4 mai 2010, n° 09-14.415, 479 : JurisData n° 2010-005488).
2° Formalités légales
- a) Signification de l’acte de cession au bailleur (C. civ., art. 1690)
- – La cession de bail, comme toute cession de créance, doit être signifiée au bailleur conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil ou, à défaut, acceptée par acte authentique, par le bailleur (Cass. req. 4 mai 1925 : Gaz. Pal. 1925, 2, p. 69. – Cass. 3e civ., 10 mai 1989 : Loyers et copr. 1989, comm. 336). Même si la cession de bail est comprise dans la vente du fonds de commerce, par exception à la théorie de l’universalité du fonds de commerce, la transmission du bail obéit à des règles propres et implique nécessairement l’application de l’article 1690 du Code civil(Cass. com., 11 juin 1981 : Bull. civ. 1981, IV, n° 264). Il a ainsi été jugé que s’agissant de la transformation d’une société de fait en SARL, l’omission des formalités de l’article 1690 rendait la cession du droit au bail à la SARL constituée entre les associés de la société de fait inopposable au bailleur (Cass. 3e civ., 1er juill. 2003, n° 01-16.571 : JurisData n° 2003-020017. – V. dans le même sens pour la transformation d’une société en participation : CA Paris, 16e ch. A, 22 oct. 2003, n° 1998/09526 : JurisData n° 2003-229643).
- – La cession du droit au bail n’est pas opposable au bailleur lorsqu’elle ne lui a pas été signifiée conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil. Cette formalité doit être respectée même s’il s’agit de la cession d’un bail dérogatoire (CA Aix-en-Provence, ch. civ., 28 juin 2001 : JurisData n° 2001-163925). Toutefois, ce texte ne détermine pas le contenu exact de la signification. Pour être régulière, celle-ci doit contenir les éléments essentiels afin de renseigner le bailleur (Cass. 3e civ., 27 juin 1961 : Bull. civ. 1961, III, n° 292). De simples mentions sommaires ne peuvent suffire. Ainsi, la mention dans une assignation délivrée au bailleur précisant que « ce dernier n’est pas sans ignorer (sic) que le bail a été cédé et que cet acte a été enregistré et transcrit au registre du commerce et publié » ne vaut pas signification de la cession (Cass. com. 14 mars 1962 : Bull. civ. 1962, III, n° 167. – Cass. 3e civ., 6 mai 1981 : Rev. loyers 1981, p. 375). De même, la seule information verbale donnée par le preneur de ce qu’il allait vendre le fonds de commerce ne peut suffire et remplacer la signification qui doit en être faite à chacun des indivisaires ou leur comparution à l’acte de cession pour y consentir (CA Nîmes, 1re ch. B, 30 janv. 1997 : JurisData n° 1997-030120). N’est pas régulièrement signifiée et constitue donc une violation des obligations contractuelles, la cession du bail par le preneur, notifiée par le cessionnaire à un autre que le bailleur ou représentant dûment habilité (CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 1990 : JurisData n° 1990-025837). En cas de propriétaires indivis, la signification doit être adressée à tous les indivisaires (Cass. 3e civ., 5 mars 2008, n° 07-13.985 : JurisData n° 2008-043007). En revanche, la signification d’une cession de droit au bail, faite en cours de bail par voie de conclusions à l’occasion d’une instance, ne nécessite pas l’acceptation du bailleur pour rendre cette cession opposable à ce dernier (Cass. 3e civ., 3 févr. 2010, n° 08-19.420 : JurisData n° 2010-051407 ; JCP E 2010, 1256). Il a également été jugé que le silence gardé par les bailleurs suite à la notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception jusqu’à la procédure de référé au motif que cette cession était contraire à la destination des lieux, constituait un refus non justifié dès lors que cette affirmation ne reposait sur aucune preuve (CA Poitiers, 2e ch. civ., 7 avr. 2009, n° 07/01331 : JurisData n° 2009-020192).
- b) Acceptation
- – La signification peut être remplacée, selon les termes de l’article 1690 du Code civil, par une acceptation du bailleur dans un acte authentique et notamment par la participation du bailleur à la cession de bail réalisée par acte authentique.
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
77 . – Acceptation
Le contrat de bail commercial prévoit clairement que le loyer est égal à 11 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le preneur avec un minimum garanti de 10 300 euros par an. En aucun cas, le bail ne prévoit le paiement cumulatif d’un loyer minimum et d’un loyer variable de 11 % du chiffre d’affaires et c’est d’ailleurs ainsi que les parties ont exécuté ledit contrat, la société locataire s’acquittant par mensualités constantes du loyer minimum garanti, aucune régularisation n’étant intervenue fin 2009, le pourcentage de 11 % sur son chiffre d’affaires étant inférieur au montant du loyer annuel minimum garanti. Lors de la cession du fonds de commerce intervenue le 3 août 2010, la société locataire qui s’était acquittée du loyer minimum garanti envers son bailleur ne devait plus aucun loyer à ce dernier. Le bailleur n’était pas fondé à conditionner son accord à la cession au paiement par la société locataire du loyer variable de l’année 2009, alors que la société locataire s’était déjà acquittée du paiement du loyer prévu au bail. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a déclaré la cession du fonds de commerce inopposable au bailleur et prononcé la résiliation du bail (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 4 nov. 2015, n° 13/19574 : JurisData n° 2015-025135).
- – Le contrat de bail peut prévoir que le bailleur sera appelé à concourir à l’acte de cession, ce qui ne signifie pas que son autorisation soit requise, puisque celle-ci ne peut être exigée quand le bail est cédé à l’acquéreur du fonds de commerce (CA Rouen, 2e ch., 23 mars 1995 : JurisData 1995-041753). Il faut également noter que l’intervention du propriétaire des locaux à la cession de bail par son locataire à un tiers ne lui confère pas la qualité de cocontractant à cet acte (Cass. 3e civ., 25 mars 1992, n° 90-17.626 : JurisData n° 1992-001302 ; JCP G 1992, IV, 1550).
- – L’accomplissement des formalités de l’article 1690 du Code civil est inutile pour rendre opposable au propriétaire bailleur la cession du droit au bail dès lors que celui-ci en a eu connaissance et l’a acceptée sans équivoque (CA Orléans, 2e ch., 1er oct. 1996 : JurisData n° 1996-048656. – CA Paris, 16e ch. A, 25 avr. 2001, n° 1999/04873 : JurisData n° 2001-144170).
- – Acceptation tacite – L’acceptation du bailleur peut être expresse ou tacite. Ainsi, elle peut résulter de l’acceptation des loyers et du visa de la police d’assurances par le bailleur (Cass. 3e civ., 5 janv. 1993 : Rev. loyers 1993, p. 139). Dans une espèce où le bailleur avait donné un agrément exprès au projet de cession d’un bail de fonds de pharmacie à deux pharmaciens individuels qui ont, par la suite, constitué une SNC au profit de laquelle la cession a finalement été réalisée sans que le bailleur en ait été spécifiquement informé, il a été jugé que le bailleur, informé de l’existence de cette société par différents courriers et par l’encaissement des loyers réglés par elle pendant cinq ans, avait implicitement accepté la cession (CA Lyon, 6e ch., 28 févr. 2001, n° 1999/06077 : JurisData n° 2001-159041).
- – Selon la jurisprudence, l’acceptation tacite de la cession est, en fait, une renonciation implicite à se prévaloir de la nullité relative résultant du non-respect par les locataires des conditions de signification de l’acte de cession. Cette renonciation doit résulter de faits positifs non équivoques. Tel est le cas lorsque les bailleurs ne sollicitent pas immédiatement la nullité du contrat mais, au contraire, intentent une procédure en fixation du montant du loyer du bail renouvelé et initient une procédure en constatation de la clause résolutoire (CA Paris, 16e ch. A, 15 déc. 1999, n° 1998/23223 : JurisData n° 1999-103862). La simple acceptation des loyers peut ne pas constituer un acte positif (Cass. 3e civ., 29 avr. 1969 : Rev. loyers 1969, n° 411); il n’en va pas de même de la demande expresse de paiement faite par le bailleur à un cessionnaire car elle présuppose que le bailleur a reconnu le cessionnaire comme son débiteur (TGI Limoges, 1re ch., 12 mars 1992 : JurisData n° 1992-600071 ; Rev. loyers 1993, p. 91. – CA Paris, 16e ch. B, 6 juin 1991 : JurisData n° 1991-022659. – Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, n° 92-19.351 : JurisData n° 1994-002362 ; Bull. civ. 1994, III, n° 212 ; JCP G 1995, IV, 388 ; E 1995, pan. 190 ; Dr. et patrimoine 1995, p. 68, note P. Chauvel ; AJPI 1995, p. 487, note J.-P. Blatter ; Administrer juin 1995, p. 22, note J.-M. Gélinet ; RD imm. 1995, p. 606, obs. J. Derruppé). Lorsque le bailleur délivre les reçus de loyers directement au cessionnaire et accepte les travaux réalisés dans les lieux loués par celui-ci, il est réputé avoir tacitement accepté la cession du bail, de sorte qu’elle lui est parfaitement opposable (CA Papeete, 16 avr. 1998, n° 499, 165 : JurisData n° 1998-048255). Le fait d’agir contre le cédant et le cessionnaire sans invoquer l’inopposabilité de l’acte de cession au cours de l’instance vaut, implicitement mais nécessairement, acceptation de la cession (CA Paris, 16e ch. A, 23 janv. 2002, n° 1999/22079 : JurisData n° 2002-170288).
- – Silence du bailleur – Le silence pendant 18 mois du bailleur informé de la cession du bail commercial ne saurait valoir acceptation tacite de la vente dès lors qu’aucun acte positif n’est démontré. Cet acte positif ne saurait résulter de la déclaration de créance au passif du cessionnaire (CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 10 août 1995 : JurisData n° 1995-051989). Le silence du bailleur lors d’une précédente cession irrégulière ne saurait constituer un acte non équivoque impliquant la connaissance de l’infraction et la volonté de passer outre (CA Pau, 2e ch., 26 sept. 1996 : JurisData n° 1996-056384). La cession de bail est inopposable au bailleur même si celui-ci a accepté les loyers payés par chèques tirés sur le compte du cessionnaire dès lors que le cessionnaire s’est adressé au bailleur muni d’un mandat du cédant pour négocier le nouveau montant du loyer et que la cour d’appel a indiqué de façon explicite qu’il s’agit du bail liant le bailleur au cédant (Cass. 3e civ., 30 avr. 1997, n° 95-16.624 : JurisData n° 1997-001906). De même, le fait pour le bailleur d’encaisser le loyer et les charges pendant deux ans ne suffit pas à caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir de l’irrégularité de la cession de bail au regard de l’article 1690 du Code civil(Cass. 3e civ., 30 mai 2007, n° 06-13.268 : JurisData n° 2007-039283 ; Loyers et copr. 2007, comm. 222, obs. Ph.-H. Brault. – CA Besançon, 2e ch. civ., 6 juin 2006, n° 04/02698 : JurisData n° 2006-314345. – CA Bordeaux, 2e ch. civ., 2 juin 2009, n° 08/02368 : JurisData n° 2009-017033. – CA Bordeaux, 2e ch. civ., 4 janv. 2010, n° 08/05433 : JurisData n° 2010-002889).
- c) Délai
- – L’article 1690 du Code civil ne prévoit aucun délai pour la signification de la cession de créance. On peut en déduire que, sauf clause contraire du bail, la signification peut être faite à tout moment, tant que le bail est en cours. Est donc valable la notification effectuée après la délivrance du congé, mais avant la date d’effet de ce congé (Cass. 3e civ., 27 juin 1961 : Bull. civ. 1961, III, n° 292. – Cass. 3e civ., 1er mars 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 148. – CA Versailles, 12e ch., 17 janv. 2012, n° 10/03610 : JurisData n° 2012-026084). La signification peut également être incluse dans la demande de renouvellement du bail formée par le cessionnaire à condition d’être suffisamment précise (Cass. 3e civ., 13 mars 1962 : Bull. civ. 1962, III, n° 157).
- d) Publicité
- – Deux hypothèses doivent être distinguées :
- si le commerçant a cédé son bail à l’occasion de la vente de son fonds de commerce, une publicité de la cession est obligatoire selon les formes prévues par la loi du 17 mars 1909. Cette publicité permet une opposition selon les formes simplifiées réglementées par l’article L. 141-12 du Code de commerce(anc. L. 17 mars 1909, art. 3, al. 1er);
- en revanche, en cas de cession isolée du bail, ce texte n’est pas applicable, en dehors de l’hypothèse d’une cession déguisée de fonds de commerce (Cass. 1re civ., 30 nov. 1982 : D. 1983, 85, note Breton. – CA Orléans, ch. com. éco. et fin., 15 janv. 1998, n° 96000261 : JurisData n° 1998-040258).
- – Cette solution écarte toute protection des créanciers, en cas de vente du droit au bail seul. Pour remédier à la possibilité reconnue par la loi au débiteur commerçant, de se situer en dehors du champ d’application du texte protecteur des intérêts des créanciers, certains praticiens prévoient conventionnellement la publicité de la cession isolée du droit au bail. Certains auteurs préconisent l’insertion d’une telle clause dans l’acte de cession (M. Dagot, La publicité de la cession isolée du droit au bail : JCP N 1992, p. 202). Il ne s’agit pas de rétablir conventionnellement le régime de l’article L. 141-12 du Code de commerce. La clause prévoit les modalités de la publication, soit par référence à ce texte, soit en stipulant une publicité simplifiée. Toutefois, le régime des oppositions prévu par ce texte n’est pas applicable. Si un créancier du cédant veut former opposition, il doit se conformer aux règles de droit commun résultant du Code de procédure civile.
3° Formalités contractuelles
- – Outre les clauses restrictives de cession, le bail comporte souvent la nécessité d’appeler le bailleur à concourir à l’acte ou celle de recourir à un acte notarié et d’en remettre un exemplaire au bailleur. Ces clauses sont licites (V. supra n° 42 ).
S’agissant des clauses de concours, la jurisprudence décide que le défaut d’observation de ces formalités ne peut être couvert par la seule réitération de l’acte et que la cession est inopposable au bailleur (Cass. 3e civ., 6 juill. 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 440. – Cass. 3e civ., 20 oct. 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 502).
Il peut être conseillé aux parties qui veulent se lier sans attendre de consulter le bailleur ou de le convoquer à l’acte, de rédiger un avant-contrat comportant une condition suspensive relative à la condition manquante (V. supra n° 70 ).
- – Sanctions des infractions
- – La cession irrégulière du bail commercial, pour non-respect des clauses licites ou de la signification prévue par l’article 1690 du Code civil, est inopposable au bailleur. Toutefois cette irrégularité ne peut être invoquée que par le bailleur ; le fait, que l’inobservation de la clause d’intervention du bailleur à l’acte, place le cessionnaire dans une situation d’incertitude juridique, à l’égard du bailleur, ne peut constituer un préjudice dont le cessionnaire peut se prévaloir pour solliciter la nullité de la cession (Cass. com., 1er avr. 2008, n° 06-10.940 : JurisData n° 2008-043461 ; Loyers et copr. 2008, comm. 224). Il a également été jugé que dès lors que le bail comportait une clause imposant la signification de la cession, la violation de cette obligation rend le bail nul et de nul effet (CA Rouen, 2e ch., 4 juin 2009, n° 08/03850 : JurisData n° 2009-007787). L’irrégularité peut également entraîner un refus de renouvellement ou la résiliation du bail et être source de responsabilité. C’est à cette occasion que peut être recherchée la responsabilité du rédacteur. Toutefois, le bailleur peut renoncer à se prévaloir de l’infraction.
- – L’inopposabilité de la cession
- – En l’absence de signification ou en cas de non-respect des formalités imposées par le bail, la cession du bail est inopposable au bailleur (Cass. 3e civ., 24 juin 1998, n° 96-16.187 : JurisData n° 1998-002878 ; Bull. civ. 1998, III, n° 135 ; D. affaires 1998, p. 1387. – CA Paris, 3 nov. 2010, n° 09/05570 : JurisData n° 2010-027326. – CA Versailles, 12e ch. 2e sect., 26 mai 2011, n° 10/02477 : JurisData n° 2011-015545. – CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 24 avr. 2013, n° 11/11931, M. Habib Majdoub c/ Mme Liliane Guettard : JurisData n° 2013-008204. – CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 5 juin 2013, n° 11/11117, SARL Centre d’affaires Marina c/ Jean Marie Verlet : JurisData n° 2013-013357), qui est bien fondé à considérer le cessionnaire comme un occupant sans droit ni titre, dont l’expulsion peut être demandée, au besoin en référé (Cass. 3e civ., 6 févr. 1979 : JCP G 1979, IV, 121. – CA Grenoble, 17 nov. 2011, n° 10/04200 : JurisData n° 2011-029337). De même, la cession du fonds de commerce est inopposable au bailleur dès lors que ce dernier avait accepté la cession sous la condition d’apurer les arriérés de loyers (CA Paris, 16e ch. A, 7 mars 2005, n° 03/00974 : JurisData n° 2005-282023). La cession de bail est également inopposable au bailleur dès lors que le contrat prévoyait l’autorisation du bailleur et que cette autorisation n’a été demandée que quatre jours avant la signature de l’acte authentique de cession (CA Nîmes, 2e ch. civ., sect. A, 29 avr. 2008 : JurisData n° 2008-373907). La production d’un faux document pour tenter de justifier d’une invitation du bailleur à concourir à l’acte afin d’effacer le manquement reproché et d’obtenir une décision de justice favorable comme en première instance interdit tout simplement de considérer le locataire comme étant de bonne foi et doit conduire non seulement au constat de l’inopposabilité du transfert au bailleur mais à considérer que l’infraction aux stipulations du bail est d’une gravité suffisante pour prononcer sa résiliation. À cet égard, la tentative de régularisation a posteriori par la cession du fonds en retour au preneur n’est pas de nature à effacer la gravité du manquement initial (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 26 févr. 2014, n° 12/03328, SCI Archos c/ M. Tiep Le Van : JurisData n° 2014-003491).
- – L’inopposabilité de la cession peut entraîner une dénégation du statut des baux commerciaux, empêchant le locataire de demander le renouvellement de son bail. Ainsi, le locataire qui a cédé son bail sans rendre la cession opposable au bailleur et qui n’est plus immatriculé au RCS ne peut invoquer que la confusion de son patrimoine avec celui du cédant, effectivement constatée en justice, lui confère des droits vis-à-vis des tiers au motif que le cessionnaire bénéficie d’une immatriculation régulière (CA Toulouse, 2e ch., sect. 1, 15 mai 1996 : JurisData n° 1996-042049. – V. JCl. Bail à loyer, Fasc. 1320 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1320 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , Fasc. 1320 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1320).
- – L’inopposabilité du bail empêche que le cessionnaire soit reconnu comme titulaire du contrat de bail. Ainsi, il a été jugé que la violation d’une clause prévoyant l’intervention du bailleur à la cession ne justifie pas la résiliation du bail ; dès lors que la cession avait été notifiée dans les formes prévues par l’article 1690 du Code civil, cette violation rend la cession inopposable au bailleur ; par conséquent, seuls les cédants sont débiteurs des loyers depuis la cession (CA Agen, 1re ch., 9 sept. 1998, n° 97000331 : JurisData n° 1998-047605). Le preneur qui a cessé toute activité commerciale et qui a obtenu sa radiation du registre du commerce, préalablement à la signification de l’acte de cession à laquelle il a ensuite procédé, ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux, au jour de la signification (CA Rouen, 2e ch., 29 févr. 1996 : JurisData n° 1996-041894).
- – Motif légitime de refus de renouvellement
- – Indépendamment de la dénégation du statut, la cession irrégulière du bail commercial constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, conformément à l’article L. 145-17 du Code de commerce(V. J.-M. Gélinet, Clauses d’agrément, clauses d’intervention et cession de bail commercial : Administrer janv. 1995, p. 2). En effet, l’irrégularité de la cession de bail peut constituer un motif légitime de refus de renouvellement dont les juges du fond apprécient la gravité (Cass. com., 7 mars 1949 : Bull. civ. 1949, IV, 1949, n° 116. – CA Rouen, 2e ch., 24 avr. 2008, n° 07/02096 : JurisData n° 2008-365576). L’infraction est caractérisée, même si la cession concerne deux sociétés ayant les mêmes associés, puisqu’il s’agit de personnes morales distinctes (CA Paris, 16e ch. A, 14 janv. 1997 : JurisData n° 1997-020010).
- – Exemples – Pour un défaut d’acte authentique : Cass. com., 7 mars 1949 : Bull. civ. 1949, III, n° 116. – Cass. com., 19 oct. 1960 : Bull. civ. 1960, III, n° 329. – CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 11 sept. 1997 : JurisData n° 1997-056119; pour une absence de convocation du bailleur à l’acte de cession : CA Paris, 7 févr. 1961 : JCP 1961, II, 12399 ; pour le non-respect d’une clause d’agrément : CA Dijon, 28 nov. 1990 : JurisData n° 1990-600156 ; Rev. huissiers 1992, p. 427, note R. Martin. – CA Grenoble, 2e ch., 28 sept. 1994 : JurisData n° 1994-045025 ; pour un bail irrégulier à l’égard de certains indivisaires en raison de l’absence de signification à un indivisaire : CA Chambéry, ch. civ., 16 mai 2001, n° 1997/03779 : JurisData n° 2001-146868.
- – Le bailleur ne peut refuser le renouvellement que si l’infraction s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après l’envoi d’une mise en demeure (C. com., art. L. 145-17, al. 1er). Toutefois, il a été jugé que la régularisation étant impossible, en cas de défaut d’autorisation du bailleur, la mise en demeure est inutile compte tenu du caractère irréversible de l’infraction commise (Cass. 3e civ., 25 juin 1975 : Rev. loyers 1975, p. 432). La régularisation sera possible uniquement en ce qui concerne les conditions de forme, à condition de réaliser la régulation pendant le délai (P. Garbit : Lamy droit commercial, n° 1084). Si la notification n’a pas été effectuée conformément à l’article 1690 du Code civil, elle est toujours possible jusqu’à l’expiration du bail.
- – Résiliation du bail
- – L’irrégularité de fond ou de forme de la cession peut être invoquée par le bailleur comme motif de résiliation du bail. Il est, toutefois, nécessaire de distinguer selon qu’il s’agit d’une résiliation judiciaire ou de la mise en œuvre de la clause résolutoire.
1° Résiliation judiciaire
- – La cession irrégulière n’est pas nulle, toutefois, elle est inopposable au bailleur et justifie la résiliation du bail (CA Paris, 16e ch. A, 3 avr. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 218. – Cass. 3e civ., 27 oct. 1993 : Rev. huissiers 1994, p. 317, note R. Martin). Elle n’a pas à être précédée d’une mise en demeure (Cass. 3e civ., 19 avr. 1972 : Rev. loyers 1972, p. 511. – Cass. 3e civ., 9 nov. 1983 : Loyers et copr. 1984, comm. 109). Les juges du fond apprécient souverainement, selon les cas, si la faute commise est d’une gravité suffisante pour justifier une telle sanction, la solution est constante (Cass. 3e civ., 10 janv. 1995 : Rev. loyers 1995, p. 213. – Cass. 3e civ., 22 mars 1995 : Rev. loyers 1995, p. 330 ; RJDA 1995, p. 692). En cas de cession irrégulière du bail, la résiliation du bail n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice (Cass. 3e civ., 20 mars 1996, n° 94-13.735 : JurisData n° 1996-001077).
Si la cession du fonds de commerce, qui ne respecte pas la formalité préalable imposée par le bail d’appel à concourir à la signature de l’acte, est inopposable au bailleur, la résiliation du bail est néanmoins laissée à l’appréciation du juge au regard de la gravité de la faute commise, si le bailleur n’a pas entendu mettre en œuvre la clause résolutoire (CA Paris, Pôle 5, 3e ch., 28 mars 2012, n° 10/14710, Sté Pharmacie Shleifer – Sté Pharmacie Sambre et Meuse c/ Sté Familiale d’investissement patrimoine : JurisData n° 2012-006127 ; Loyers et copr. 2012, comm. 141).
- – Exemples de résiliation d’actes de cession – La résiliation a été prononcée :
- en cas de cession partielle du droit au bail qui se heurte au principe de l’indivisibilité des contrats (CA Paris, 16e ch. B, 1er déc. 2000, n° 1999/08300 : JurisData n° 2000-132337);
- en cas de non-respect des modalités contractuelles stipulant l’interdiction de la cession isolée du bail sans le consentement exprès et écrit du bailleur (CA Chambéry, ch. civ., 9 nov. 1999, n° 97/02447 : JurisData n° 1999-109434. – CA Paris, 16e ch. A, 30 janv. 2002, n° 1999/00742 : JurisData n° 2002-170261. – CA Versailles, 17 juin 2014, n° 13/01675, SA Sté Omnium Gestion Immobilière de L’Île de France-Ogif c/M. Brahim Essakhi : JurisData n° 2014-014620); le versement par le cessionnaire de sommes à titre d’indemnité d’occupation n’est pas de nature à créer un lien de droit avec le bailleur et ne peut s’analyser comme une renonciation à l’exercice d’une action en résiliation (CA Riom, ch. com., 28 févr. 2001, n° 00/01025 : JurisData n° 2001-161255) ;
- lorsque la cession n’a pas été portée à la connaissance de la bailleresse, dans les formes requises par le contrat, la régularisation ultérieure étant inopérante (Cass. 3e civ., 17 juill. 1996, n° 94-19.822 : JurisData n° 1996-003308 ; Administrer janv. 1997, p. 25, obs. J.-D. Barbier);
- en cas d’irrespect de la forme authentique requise pour une cession de bail et non-intervention du bailleur à l’acte (CA Pau, 2e ch., 26 sept. 1996 : JurisData n° 1996-056384. – Cass. 3e civ., 5 févr. 2003 : JurisData n° 2008-017757); notamment, lorsque la cession par acte sous seing privé a privé le bailleur d’un titre exécutoire direct contre le preneur (CA Paris, 16e ch. B, 3 nov. 1992 : JurisData n° 1992-023051 ; Loyers et copr. 1993, comm. 142, note Ph.-H. Brault ; JCP N 1993, II, p. 255 ; E 1993, II, 496, note Ph.-H. Brault) ;
- en cas de vente du fonds de commerce dissimulant la réalité d’une cession prohibée ou réglementée du droit au bail (CA Paris, 16e ch. A, 9 janv. 1996 : JurisData n° 1996-020359);
- en cas d’absence de signification au bailleur de la cession réalisée par un preneur à la société qu’il a créée (Cass. 3e civ., 17 juill. 1991 : Express doc. 10/1991, p. 11);
- lorsque le bailleur n’a pas été appelé à concourir à l’acte de cession en contravention avec les dispositions du bail (CA Paris, 16e ch. A, 5 avr. 2002, n° 1999/21585 : JurisData n° 2002-177666. – CA Montpellier, 18 juin 2002, n° 1999/21585 : JurisData n° 2002-196325. – CA Paris, 16e ch. B, 30 oct. 2008 : JurisData n° 2008-372808. – CA Versailles, 12e ch., 19 févr. 2013, n° 11/08017 : JurisData n° 2013-002891);
- en cas de non-respect par le preneur du pacte de préférence au profit du bailleur (CA Dijon, ch. civ. B, 2 févr. 2010, n° 09/00602 : JurisData n° 2010-001733).
- – Appréciation des juges du fond – Il n’est pas possible d’établir un degré de gravité selon la clause méconnue. Pour chaque clause, on trouve un exemple de résiliation, pourtant celle-ci n’est pas systématique. Le comportement des parties ou la multiplicité des infractions sont des critères d’appréciation. Ainsi, il a été jugé qu’en l’absence de préjudice et suite à une offre de réitération du contrat de cession devant notaire par les parties, la résiliation du bail ne sera pas prononcée (CA Rennes, 25 sept. 1990 : JurisData n° 1990-048880). De même, lorsque l’associé d’une SARL a réuni entre ses mains toutes les parts de la société preneuse d’un bail commercial, il s’agit d’un mode d’acquisition de la propriété analogue à la transmission des biens par succession ; dès lors, cette transmission doit être soumise aux mêmes conditions de signification que la cession. Toutefois, cette faute n’est pas d’une gravité telle qu’elle justifie la résiliation du bail (CA Paris, 16e ch. A, 24 juin 1997 : JurisData n° 1997-021622).
2° Mise en œuvre de la clause résolutoire
- – Le bailleur peut se prévaloir de la clause résolutoire lorsque celle-ci est insérée au contrat de bail et constitue la sanction de la violation de stipulations contractuelles, notamment celles relatives à la cession (Cass. 3e civ., 10 mai 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 122, note Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch. A, 31 mars 1992 : JurisData n° 1992-020807). Ainsi, le protocole d’accord qui comporte une cession partielle de droit au bail, intervenue en infraction à la clause de cession c’est-à-dire sans l’autorisation écrite du bailleur, sans l’intervention de son notaire et sans établissement d’un acte authentique auquel le bailleur aurait été appelé, constitue une infraction suffisamment grave pour justifier la délivrance d’une sommation visant la clause résolutoire (CA Paris, 16e ch. A, 14 janv. 1997 : JurisData n° 1997-020010). Il doit être fait application de la clause résolutoire dès lors que celui-ci n’a pas honoré les loyers, le commandement visant la clause résolutoire étant demeuré infructueux. Le locataire ne peut soutenir que le paiement des loyers incombe en partie au crédit-preneur, un crédit-bail du fonds de commerce dont il prétend qu’il devrait être assimilable à terme à une cession, ayant été conclu. Cet acte n’est pas, en effet, opposable au bailleur puisque, contrairement aux stipulations du bail commercial, il n’y a eu ni acte notarié de cession, ni copie exécutoire de l’acte de cession délivrée au bailleur (CA Montpellier, 5e ch. A, 4 août 2011, n° 10/08106 : JurisData n° 2011-021302).
- – La sommation visant la clause résolutoire et la clause litigieuse non observée doit laisser au preneur la possibilité de procéder à la régularisation de la situation illicite. Toute clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, le commandement qui ne comporte pas la mention de ce délai est nul et il est impossible d’invoquer la résiliation du bail (Cass. 3e civ., 20 mars 1996, n° 94-14.869 : JurisData n° 1996-001032. – Cass. 3e civ., 27 oct. 1993 : Bull. civ. 1993, III, n° 128. – Cass. 3e civ., 22 mars 1995 : RJDA 1995, 692 ; Rev. loyers 1995, p. 330. – Cass. 3e civ., 30 mai 1996 : Bull. civ. 1996, III, n° 127 ; RD imm. 1996, p. 624, obs. Derruppé. – Cass. 3e civ., 19 févr. 1997, n° 95-10.874 : JurisData n° 1997-000743 ; JCP E 1997, pan. 276 ; Adde : JCl. Bail à loyer, Fasc. 1284 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1284 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1284 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1284, Clause résolutoire, par Ph.-H. Brault). La Cour de cassation considère qu’il importe peu que l’infraction commise par le locataire ait un caractère irrémédiable, le commandement est obligatoire et la résiliation ne peut être immédiate (Cass. 3e civ., 19 févr. 1997, n° 95-10.874 : JurisData n° 1997-000743 ; JCP E 1997, pan. 276). En effet, aux termes de l’article L. 145-41 du Code civil, l’octroi de délais pour l’exécution de l’obligation sanctionnée par une clause résolutoire est imposée, le bailleur est donc tenu de faire délivrer un commandement s’il veut invoquer cette clause résolutoire. Par conséquent, le recours à la clause résolutoire ne s’avère pas être la meilleure solution offerte alors au bailleur.
- – Renonciation du bailleur à se prévaloir de l’infraction
- – L’irrégularité ne peut être invoquée par le bailleur lorsqu’il a renoncé à s’en prévaloir. La renonciation peut être expresse ou tacite. La renonciation tacite ne peut résulter que d’actes positifs non équivoques démontrant la connaissance par le bailleur de l’infraction et sa volonté de ne pas s’en prévaloir. La jurisprudence admet que le défaut de signification peut être suppléé par un acquiescement du bailleur (Cass. 3e civ., 30 avr. 1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 342).
Ainsi, la renonciation du bailleur peut être admise dès lors qu’il a pratiqué une saisie conservatoire pour recouvrement des loyers impayés à l’encontre de la société cessionnaire, déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société et s’est adressé au mandataire judiciaire pour demander confirmation de la libération des lieux (CA Paris, 16e ch. A, 30 janv. 2002, n° 1999/21595 : JurisData n° 2002-170262). Il en est de même lorsque le bailleur délivre régulièrement les quittances de loyer au cessionnaire et demande à son assureur de procéder à une expertise pour déterminer l’origine du dégât des eaux survenu dans les lieux après la cession (CA Paris, 16e ch. A, 19 févr. 2003, n° 2000/06425 : JurisData n° 2003-207655). Le simple fait pour le bailleur d’encaisser le loyer et les charges pendant deux ans ne suffit pas à caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir de l’irrégularité de la cession de bail au regard de l’article 1690 du Code civil(Cass. 3e civ., 30 mai 2007, n° 06-13.268 : JurisData n° 2007-359034 ; Loyers et copr. 2007, comm. 222). Toutefois, le fait de délivrer des quittances et un commandement de payer visant la clause résolutoire désignant expressément le cessionnaire constitue tacitement une renonciation non équivoque à invoquer l’irrégularité de la cession (CA Paris, 16e ch. 19 déc. 30 mai. 2007, n° 06/18229 : JurisData n° 2007-359034. – Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, n° 08-16.895 : JurisData n° 2009-050834 ; JCP E 2010, 1254, note E. Chavance ; Loyers et copr. 2010, comm. 75) et qui demande communication de l’acte de cession pour constitution d’un dossier fiscal d’autant que le bailleur domicilié au-dessus du local où le cessionnaire exploite son fonds avait nécessairement connaissance de la cession (CA Paris, 16e ch. B, 5 juin 2008, n° 07/13242 : JurisData n° 2008-364879). Le fait, pour la SCI bailleresse, de répondre au notaire qui avait sollicité l’agrément de la SCI à la cession du bail seul, qu’elle autorisait la cession sous condition qu’elle soit effectuée dans le strict respect des clauses et obligations issues du contrat, ne peut être assimilée à une renonciation de la clause d’agrément (Cass. 3e civ., 12 oct. 2010, n° 09-16.989 : JurisData n° 2010-018517 ; JCP N 2010, act. 752).
- – Mise en œuvre de la responsabilité
1° Responsabilité des parties
- – Lorsque les juges estiment que l’infraction n’est pas suffisamment grave pour entraîner la résolution du bail, ils peuvent se contenter d’attribuer des dommages-intérêts au bailleur qui a subi un préjudice (CA Bourges, 26 mars 1963 : D. 1964, somm. p. 4). Un partage de responsabilité peut être reconnu lorsque le cédant et le cessionnaire ont commis une faute commune (Cass. com., 1er avr. 1965 : JCP 1965, II, 14451, note Boccara. – Cass. 3e civ., 24 oct. 1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 409 ; JCP 1969, II, 15951, note Boccara. – contra, Cass. com., 26 janv. 1966 : Gaz. Pal. 1966, 1, p. 303).
- – L’attitude dilatoire du bailleur peut entraîner la mise en œuvre de sa responsabilité et l’attribution de dommages-intérêts au locataire. Ainsi, le fait pour le bailleur de ne pas répondre à une demande d’autorisation de cession, conformément au bail, entraîne la résiliation du bail aux torts du bailleur et l’allocation de dommages-intérêts équivalents au prix de la cession envisagée (CA Pau, 3e ch. 29 août 1991 : JurisData n° 1991-043856 ; Loyers et copr. 1992, comm. 213. – CA Toulouse, 2e ch., 2 déc. 1993 : JurisData n° 1993-050693).
2° Responsabilité du rédacteur de l’acte
- – La responsabilité du rédacteur de l’acte de cession a souvent été retenue pour manquement à son devoir de conseil envers le cessionnaire ou le cédant évincé. Il a été jugé que la société cessionnaire, évincée du fait de l’irrégularité de l’acte de cession, est fondée à obtenir réparation de son préjudice (CA Nîmes, 1re ch. A, 21 janv. 1997 : JurisData n° 1997-030221). Le non-respect d’une clause imposant l’appel à concourir à l’acte de cession du bailleur constitue une faute pour le rédacteur d’acte qui doit de ce fait réparer le préjudice subi par le cessionnaire (CA Paris, Pôle 2, 1re ch., 22 mars 2011, n° 10/00193 : JurisData n° 2011-004983 ; Loyers et copr. 2011, comm. 178).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
103 . – Responsabilité du rédacteur
L’huissier de justice, rédacteur de l’acte de cession d’un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, commet une faute en sa qualité de professionnel du droit en s’abstenant d’informer les signataires de cet acte de la nécessité de recourir à un notaire pour dresser l’acte définitif de cession en dépit de la clarté des dispositions du contrat de bail commercial imposant cette exigence. L’acte de cession étant inopposable à la société bailleresse, le cessionnaire n’est qu’un occupant sans titre, ni droit qui s’est vu refuser le renouvellement du bail ainsi que le paiement d’une indemnité d’éviction.
Pour s’exonérer de sa responsabilité, l’huissier ne peut invoquer l’autorisation de la cession par le juge commissaire et le tribunal de commerce, le cédant faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Le cessionnaire requérant a ainsi perdu une chance d’acquérir le droit au bail attaché au fonds de commerce (CA Amiens, ch. civ. 1, 17 sept. 2015, n° 13/03831 : JurisData n° 2015-021854).
- – Agent immobilier – L’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur de l’acte, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention. Ainsi, l’agent immobilier qui, ne s’assurant pas du consentement du bailleur, avait proposé à la signature des parties un acte de cession privé de tout effet, manquant ainsi à ses obligations de façon totale et définitive, de telle sorte que le cessionnaire n’avait pu bénéficier de cette cession, mais avait été contraint de conclure un nouveau bail, à des conditions différentes, il en résulte que le paiement de la commission par le cessionnaire est dépourvu de cause et doit lui être restitué (Cass. 1re civ., 17 janv. 1995, n° 92-21.193 : JurisData n° 1995-000122 ; Bull. civ. 1995, I, n° 29 ; JCP E 1995, pan. 285 ; D. 1995, inf. rap. p. 48). Le mandataire n’a pas vocation à commission lorsque la promesse de vente se trouve nulle pour non-réalisation de la condition suspensive (CA Rennes, 1re ch. A, 30 avr. 1996 : JurisData n° 1996-043206).
- – Il a également été jugé que la responsabilité du mandataire devait être retenue lorsqu’il a procédé tardivement à la signification de la cession (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, n° 96-12.833 : JurisData n° 1997-004816). Manque à son obligation l’intermédiaire qui, bien que prévenu à plusieurs reprises par le bailleur que la cession du bail, réalisée sous seing privé, devait être régularisée par acte authentique, s’est contenté de laisser les choses en l’état, ne prenant aucune mesure concrète pour régulariser l’acte et n’avertissant pas les cessionnaires, profanes en la matière, de la gravité de la situation. L’intermédiaire est, en conséquence, entièrement responsable du préjudice subi par les cessionnaires évincés sans indemnités (CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 11 sept. 1997 : JurisData n° 1997-056932).
- – Administrateur de biens – L’administrateur est soumis aux mêmes diligences que les autres mandataires. C’est pourquoi il peut légitimement refuser de rédiger l’acte de cession du bail que le locataire requiert lorsqu’il a constaté qu’en agissant ainsi, il se rend complice de la violation par l’une des parties d’une clause de non-rétablissement du vendeur d’un fonds de commerce (Cass. com., 18 janv. 1994 : Administrer août-sept. 1994, p. 20, note J.-D. Barbier).
- – Conseil juridique – A été jugé responsable le conseil juridique chargé de la rédaction d’une promesse de vente qui devait être réalisée par acte authentique en présence du bailleur, et qui aurait dû informer celui-ci puis le sommer d’assister à la réitération de la cession ; une simple lettre émanant du conseil juridique sans mention de sa mission lui demandant son agrément pour une cession déjà réalisée irrégulièrement ne constitue pas le respect des formalités qu’il devait effectuer (CA Paris, 16e ch. B, 24 mars 1995 : JurisData n° 1995-021750).
L’avocat rédacteur de l’acte de cession commet une faute en ne veillant pas à l’efficacité juridique de l’acte et doit réparer le préjudice ainsi causé (CA Paris, Pôle 5, 3e ch., 2 mai 2012, n° 10/20006 : JurisData n° 2012-009129).
- – Notaire – Les exemples où la responsabilité du notaire a été retenue sont nombreux. Le notaire a une obligation de conseil (CA Toulouse, 2e ch., 26 mai 1993 : JurisData n° 1993-043154 ; Loyers et copr. 1994, comm. 27). Il engage sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations de conseil, de vérification de la situation effective des cédants, d’information objective du cessionnaire (Cass. 1re civ., 13 nov. 1997, n° 95-21.397 : JurisData n° 1997-004497). Le notaire engage aussi sa responsabilité lors de la régularisation de l’acte de cession du bail, s’il ne mentionne pas les conditions auxquelles était subordonné le changement de l’activité stipulée dans ce bail (Cass. com., 11 mai 1999 : LPA 28 mars 2000, p. 21, note Ch.-H. Gallet). De même, dans une espèce où l’acte de cession du droit au bail déguisait une cession de fonds de commerce, il incombait au notaire de respecter les exigences de publicité prévues par l’article L. 141-12 du Code de commerce. Il engage donc sa responsabilité à l’égard d’un créancier du cédant qui bénéficiait d’un nantissement sur le fonds. Il convient de condamner le notaire au paiement du solde de la créance (CA Orléans, ch. com. éco. et fin., 15 janv. 1998, n° 96000261 : JurisData n° 1998-040258). Il appartient au notaire, mandataire du bailleur, d’exécuter son mandat dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés. Ainsi le notaire qui rédige l’acte de cession doit vérifier la compatibilité du mandat donné avec la mention du bénéficiaire figurant à l’acte (Cass. 3e civ., 10 déc. 2002, n° 01-01.560 : JurisData n° 2002-016885). C’est au notaire, rédacteur de l’acte de cession, de s’assurer de l’efficacité de cet acte en s’assurant du respect des conditions imposées par le bail pour toute cession (CA Paris, 30 sept. 2004, n° 03/05452 : JurisData n° 2004-260829). De même, commet une faute, le notaire qui inclut au contrat de cession une activité non prévue au bail (CA Aix-en-Provence,1re ch., 20 juin 2006, n° 05/09310 : JurisData n° 2006-316811 ; JCP N 2007, 1287). L’acte authentique de cession du fonds de commerce contient une clause précisant que le bailleur est en droit d’exiger de chaque associé de la société cessionnaire la souscription à son profit d’un engagement solidaire et personnel pour le paiement des loyers. Cependant, une autre clause ne prévoit un cautionnement exprès des associés qu’au profit du cédant. La clause relative à l’engagement envers le bailleur est ambigüe et, par application de l’article 1162 du Code civil, il convient d’interpréter la convention en faveur du débiteur. La clause litigieuse ne contient pas d’engagement ferme et définitif des associés envers le bailleur. Par conséquent, la demande de paiement de l’arriéré locatif formée contre les associés doit être rejetée. En revanche, le notaire engage sa responsabilité envers le bailleur. Il a commis une faute professionnelle car un notaire est tenu de rédiger des actes exempts d’ambiguïté. Le bailleur, persuadé de bénéficier d’un cautionnement, a perdu la possibilité de se prévaloir de cette sûreté contre les associés de la société cessionnaire, qui est en liquidation judiciaire (CA Nancy, 2e ch. civ., 9 mars 2009 : JurisData n° 2009-378109).
Toutefois, il peut être décidé un partage de responsabilité, lorsqu’il s’agit d’une obligation légale que tout commerçant doit connaître. Ainsi, le préjudice subi par les époux dont l’un n’était pas immatriculé résulte non seulement de la faute du notaire, mais également de la négligence de l’épouse dans une proportion que la cour estime pouvoir faire à deux tiers incombant au notaire et à un tiers incombant à celle-ci (CA Paris, 2e ch. B, 11 juin 1998, n° 96/14847 : JurisData n° 1998-021432 ; JCP E 1998, p. 1282).
- – Les effets de la cession du bail commercial
- – La cession opère substitution du cessionnaire au cédant. Le cessionnaire devient titulaire du droit de jouissance conféré par le bail et débiteur des obligations mises à la charge du locataire par ce bail. Il ne s’agit pas d’un nouveau bail, le cessionnaire se substitue à la personne du locataire. Il en résulte que le bailleur peut se prévaloir du déplafonnement du loyer dès lors que la durée convenue du bail expiré est supérieure à neuf ans ou que celui-ci a duré en fait plus de douze ans. Le preneur, cessionnaire du droit au bail, ne saurait prétendre que l’acte de cession a emporté naissance d’un nouveau bail en invoquant le fait que le compromis de vente mentionnait un droit au bail de neuf ans à compter de la date de la cession. En l’espèce, il existait des différences entre le compromis et l’acte notarié puisque le premier désignait comme cessionnaire une personne physique et visait un seul local non concerné par le bail originaire, alors que le second visait la société cessionnaire et deux locaux. Or, seules peuvent être prises en compte les mentions de l’acte notarié. En outre, le cessionnaire a implicitement reconnu la poursuite du bail originaire puisque l’acte par lequel il a placé son fonds en location-gérance précise que le locataire-gérant déclare avoir connaissance des baux relatifs au local, y compris le bail originaire (CA Caen, 1re ch. sect. civ., 19 oct. 1999, n° 97/02865 : JurisData n° 1999-105650). Il a également été jugé que le cessionnaire ne saurait se prévaloir d’une autre convention que celle régissant ses rapports avec le bailleur, c’est-à-dire le contrat de bail (CA Caen, sect. civ. et com., 23 mars 2000, n° 98/03719 : JurisData n° 2000-118488). Le cessionnaire est tenu par la clause du bail relative à l’entretien de la devanture (CA Paris, 16e ch. B, 22 mars 2002, n° 2001/02921 : JurisData n° 2002-175223 ; Administrer juill. 2002, p. 15). La cession du droit au bail principal entraîne, par le seul effet de la loi, la cession à l’acquéreur de ce bail du sous-bail conclu antérieurement, ainsi que, le cas échéant, des conventions annexes qui lui étaient indivisiblement liées (Cass. 3e civ., 1er oct. 2013, n° 12-19.678 : JurisData n° 2013-021583). A contrario, si la cession du fonds de commerce est annulée et qu’il n’est pas établi qu’il y ait eu cession de bail isolée à la suite de l’entrée dans les lieux du preneur et du paiement du loyer accepté par le bailleur, la clause du bail mettant à la charge du preneur les impôts fonciers lui est inopposable dans la mesure où le preneur occupe les lieux en vertu d’un nouveau bail verbal (CA Metz, 1re ch., 25 nov. 2008 : JurisData n° 2008-375257). Dans le même sens, aucune faute ne peut être reprochée au cessionnaire du fait du manquement par le cédant à informer le bailleur d’une sous-location conclue antérieurement (Cass. 3e civ., 17 juin 2008, n° 07-10.170 : JurisData n° 2008-045012 ; Loyers et copr. 2008, comm. 278). De même, le cessionnaire ne peut être tenu fautif des modifications apportées au bien loué antérieures à la cession du bail. Les commandements de remettre les locaux en leur état initial visant la clause résolutoire sont dépourvus d’effets (CA Versailles, 12e ch., 7 janv. 2014, n° 12/05041 : JurisData n° 2014-000097).
La cession du fonds de commerce emporte cession de la créance de l’indemnité d’éviction due au cédant et du droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction (Cass., 3e civ., 17 févr. 2010 : JurisData n° 2010-051628 ; Administrer 2010, n° 433, p. 34, note J.-D. Barbier ; JCP E 2010, 1680, note M. Mercier). Si le bail comporte une clause de renouvellement automatique, le cessionnaire en bénéficiera (CA Colmar, 1re civ. sect. B, 14 juin 2012, n° 08-19.357 : JurisData n° 2012-013022).
Cependant, un bailleur ne peut, pour obtenir la résiliation du bail, reprocher aucune faute à un cessionnaire du fait des manquements des précédents preneurs (Cass. 3e civ., 30 juin 2010, n° 09-13.754, 872 : JurisData n° 2010-010531 ; JCP E 2010, 1807, note E. Chavance ; Loyers et copr. 2010, comm. 223 ; Ann. loyers 2010, p. 3170, note A. Cerati-Gauthier).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
109 . – Effets de la cession
Il incombe aux juges du fond de rechercher si, à la suite des commandements qui lui avaient été délivrés, il n’incombait pas au cessionnaire du bail de mettre un terme à la persistance des manquements contractuels, commis antérieurement à la cession, visés par le commandement (Cass. 3e civ., 8 oct. 2015, n° 14-13.179. – Cass. 3e civ., 8 oct. 2015, n° 14-13.179 : JurisData n° 2015-022114 ; JCP G 2015, 1668 ; JCP E 2015, act. 797 ; JCP N 2015, 1030).
Ayant relevé qu’aux termes de l’acte de cession du fonds de commerce, la société locataire du fonds de commerce de café avait accepté de prendre le fonds avec tous ses éléments corporels et incorporels en dépendant dans l’état où il se trouvait sans recours contre le cédant pour quelque cause que ce soit, que la dégradation du plancher était la résultante d’une fuite ancienne sous évier imputable à l’un des locataires précédents et exactement retenu que les cessions successives d’un bail commercial opérant transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat, celui-ci devenait débiteur envers son bailleur de la réparation des dégradations commises par ses prédécesseurs et que le syndicat de copropriétaires, tiers au contrat, pouvait invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement contractuel de la société cessionnaire, tenue à réparation envers son bailleur, dès lors que ce manquement lui avait causé un dommage, la cour d’appel a pu en déduire, même en l’absence de clause particulière, que la société locataire du fonds de commerce devait être condamnée à réparer le désordre atteignant le plancher (Cass. 3e civ., 30 sept. 2015, n° 14-21.237 : JurisData n° 2015-021619 ; JCP G 2015, 1134, note S. Bouzol ; JCP N 2015, n° 42-43, act. 998 ; JCP E 2015, 1498).
Lors de la cession du fonds de commerce le 24 septembre 2012, le cessionnaire s’est engagé à prendre en charge l’arriéré locatif résultant de l’augmentation du loyer lors du renouvellement du bail, pour la période du 10 avril 2009 au 23 septembre 2012. Les conventions n’ayant d’effet qu’entre les parties contractantes ainsi qu’il est disposé à l’article 1165 du Code civil, c’est à juste raison que la société bailleresse, qui est tiers à la cession du fonds de commerce, soutient que la clause par laquelle la société cédante se décharge de sa dette locative sur la société cessionnaire ne lui est pas opposable. Si le bailleur a accepté le cessionnaire comme nouveau locataire, il n’a jamais entendu décharger le cédant, locataire initial, de sa dette à son égard. Le bailleur est donc bien fondé à agir en paiement de l’arriéré locatif contre le cédant, ce dernier étant garanti par le cessionnaire (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 16 sept. 2015, SCI / SA Paris Magenta Strasbourg, SAS Rouge Palace :JurisData n° 2015-020823).
L’obligation de délivrance conforme à la destination du bail tient à la nature même du contrat et perdure certes pendant tout le cours du bail mais elle n’est pas d’ordre public et les parties peuvent y déroger. En l’occurrence, la clause sur les travaux insérée dans le bail commercial est claire et précise et détermine de manière expresse les obligations du locataire en ce qui concerne les travaux qui lui incombent : tous les travaux d’entretien et de réparations, y compris les travaux nécessités par la vétusté et les gros travaux prévus par l’article 606 du Code civil. La clause détaille de manière exhaustive les travaux devant être effectués par le locataire pendant le bail. Cette clause non univoque insérée dans le contrat de bail initial et à laquelle il est fait expressément référence dans l’acte de cession de fonds de commerce du 24 octobre 2003 s’impose au cessionnaire, qui l’a acceptée en signant le contrat de cession (CA Versailles, ch. 12, 3 déc. 2015 : JurisData n° 2015-027999).
- – Libération du cédant
- – Traditionnellement, doctrine et jurisprudence considéraient que la cession de bail ne faisait pas disparaître les obligations du cédant. Celui-ci demeurait tenu des obligations découlant du bail jusqu’à son expiration, sauf manifestation expresse de la volonté du bailleur de décharger le cédant (Cass. 3e civ., 19 mai 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 324). Désormais, cette solution classique est condamnée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 12 juill. 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 125 ; Rev. loyers 1989, p. 119 ; RTD com. 1989, p. 217, obs. Pédamon ; Gaz. Pal. 1988, II, pan. 228 ; Loyers et copr. 1988, comm. 453. – Cass. 3e civ., 15 janv. 1992 : Gaz. Pal. 1992, 2, jurispr. p. 654, note J.-D. Barbier ; JCP E 1993, I, 234, obs. M.-L. Izorche. – Cass. 3e civ., 12 avr. 1995 : Bull. civ. 1995, III, n° 107). Ainsi, en cas de cession régulière du bail commercial, et en l’absence de clause de solidarité entre cédant et cessionnaire, le bailleur ne peut exiger du cédant le paiement des loyers échus postérieurement à cette cession. La libération du cédant est accordée même en l’absence de toute adhésion du cédé à l’opération.
- – Le bailleur risque de se retrouver lié à un nouveau contractant dont il ignore les qualités de moralité et de solvabilité. C’est pourquoi la jurisprudence exige que la cession soit régulière pour qu’elle puisse produire ces effets à l’égard du cédant. Le bailleur peut prévoir certaines conditions auxquelles la cession sera subordonnée. Le non-respect de ces conditions entraîne l’irrégularité de la cession et le maintien des obligations du cédant (CA Paris, 23 juin 1993 : JCP E 1992, II, 1319). Encourt la cassation pour violation de l’article 1275 du Code civil l’arrêt qui, pour rejeter les demandes formées contre le cédant dans l’exécution de ses obligations, retient que la société s’était substituée un cessionnaire dans l’exécution de ses obligations conformément à la faculté qui lui avait été accordée dans la convention et qu’ainsi le cessionnaire avait accepté d’être le seul interlocuteur du créancier, alors que la seule acceptation par le créancier de la substitution d’un nouveau débiteur au premier, même si elle n’est assortie d’aucune réserve, n’implique pas, en l’absence de déclaration expresse, qu’il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette (Cass. 3e civ., 12 déc. 2001 : D. 2002, p. 984, note M. Billiau et C. Jamin ; Administrer juill. 2002, p. 16).
- – Certains auteurs justifient cette position, par le fait qu’une cession régulière constitue une transmission parfaite de contrat, c’est-à-dire qu’il « s’agit d’un changement de contractant dû à la cession de l’ensemble du contrat en tant qu’unité structurale indivisible » (W. El Masri, La libération du locataire cédant en cas de cession de bail commercial : RTD com. 1995, p. 737, n° 9). Il avait été jugé que les cessionnaires successifs d’un droit au bail deviennent, par l’effet même de la cession du contrat synallagmatique de louage, débiteurs du bailleur originaire et demeurent à ce titre, et malgré la rétrocession de leurs droits, tenus envers lui jusqu’à l’expiration du bail des obligations qui en dérivent (CA Paris, 8e ch. A, 29 avr. 1997 : JurisData n° 1997-020971). Cependant, la Cour de cassation a énoncé que les cessions successives d’un bail commercial opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient débiteur envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs (Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, n° 02-11.794 : JurisData n° 2003-019838 ; Loyers et copr. 2003, comm. 197 ; Rev. loyers 2003, p. 593, S. Guilluy-Friant ; AJDI 2003, p. 756, note M.-P. Dumont ; Gaz. Pal. 17/18 oct. 2003, p. 32, note J.-D. Barbier ; Dr. et patrimoine 2003, n° 121, p. 93, note P. Chauvel ; JCP G 2003, I, 186, p. 2239, note A.-S. Barthez ; RTD civ. 2003, p. 725, note Y. Gautier ; JCP E 2004, p. 134, note A.-S. Barthez).
- – En raison de la cession du bail, le cédant se trouve totalement libéré de ses obligations personnelles résultant du bail, lorsque celui-ci ne comporte aucune clause de solidarité. Il se trouve libéré des loyers postérieurs à la cession, de l’indemnité d’occupation (Cass. 3e civ., 6 mars 1996, n° 93-16.540 : JurisData n° 1996-000886 ; Administrer juin 1996, p. 29), ainsi que des réparations locatives (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n° 92-21.541 : JurisData n° 1995-000896 ; JCP G 1995, IV, 1440 ; Bull. civ. 1995, III, n° 107). Les loyers antérieurs à la cession sont, sauf clause contraire, dus par le cédant. Ainsi, il a été jugé que même si le conseil municipal a voté l’acquisition du fonds de commerce, le locataire ne peut cesser de payer les loyers échus si, en méconnaissant les stipulations du bail, il n’a pas présenté à son bailleur un successeur dans le même commerce, ni obtenu son accord au projet de cession. Dans ce cas, une procédure d’expropriation s’avère nécessaire, mais le contrat de bail se poursuit jusqu’à l’ordonnance d’expropriation. Le locataire est tenu de payer les loyers dus jusqu’à la réalisation effective de la cession, il importe peu de relever que cette ville a eu connaissance de l’existence du contrat de bail. Tiers à ce contrat, il ne lui appartenait pas de respecter les clauses en cas de cession (CA Reims, ch. civ., sect. 1, 18 févr. 1998, n° 2812/95 : JurisData n° 1998-042916).
- – Clause de garantie solidaire
- – Le désir de protection du bailleur s’est traduit par l’insertion, dans la plupart des baux commerciaux, d’une clause de solidarité stipulant qu’en cas de cession du bail commercial, le locataire cédant s’engage à garantir l’exécution des obligations résultant du bail. Cette clause précise souvent que le cédant et le cessionnaire seront solidairement responsables de la bonne exécution du bail, à l’égard du bailleur. Cette clause a pris tout son intérêt et est devenue nécessaire, depuis l’évolution jurisprudentielle relative à la libération du cédant en cas de cession du bail (V. supra n° 107 ). En principe, l’omission dans l’acte de cession de la stipulation de garantie solidaire, lorsqu’elle est imposée par le bail, rend la cession inopposable au bailleur (Cass. 3e civ., 11 juin 1987 : Rev. Loyers 1987, p. 387). Il a toutefois été jugé que l’absence de retranscription dans l’acte de cession du fonds de commerce de la clause de garantie solidaire du preneur à l’égard du cessionnaire ne rend pas la cession du droit au bail inopposable au bailleur, dès lors que : non seulement, le bail commercial n’imposait pas au cédant cette retranscription, mais encore, l’absence de cette mention est strictement sans incidence sur le maintien de cette garantie. En effet, le cédant reste redevable de cette garantie à l’égard du bailleur, depuis qu’il a acquis le fonds incluant le droit au bail et souscrit l’engagement dont l’essence est de perdurer malgré la cession intervenue. En outre, la garantie est acquise du seul fait de la poursuite du bail et de l’acceptation de l’ensemble des conditions des parties (CA Chambéry, ch. com., 17 janv. 2006, n° 05/00248 : JurisData n° 2006-298954).
1° Nature de la clause de garantie
- – Il est nécessaire de rechercher quelle est la nature de cette clause. Le cédant est-il caution solidaire du cessionnaire ou codébiteur solidaire ? Les différences entre les deux qualités sont minimes. En effet, ni le codébiteur solidaire, ni la cession solidaire ne peut opposer au créancier le bénéfice de discussion ou le bénéfice de division. En revanche, le codébiteur solidaire ne peut invoquer le bénéfice de l’article 2037 du Code civil qui décharge la caution même solidaire, lorsque le créancier a, volontairement ou par négligence, empêché toute subrogation dans ses droits.
- – La jurisprudence refuse de qualifier cette clause de cautionnement (CA Dijon, 14 nov. 1990 : Rev. huissiers 1991, p. 730, obs. R. Martin. – CA Nancy, 5 oct. 1990 : JurisData n° 1990-048535. – CA Paris, 7 mai 1991 : D. 1991, somm. p. 362, obs. Rozès. – CA Versailles, 12e ch., 29 oct. 1992 : JurisData n° 1992-047761. – CA Paris, 28 mars 1995 : JurisData n° 1995-021532 ; Loyers et copr. 1995, comm. 282. – CA Paris, 12 mai 1995 : JurisData n° 1995-022437. – CA Limoges, 2e ch., 5 sept. 1995 : JurisData n° 1995-044824. – CA Paris, 16e ch. A, 18 janv. 2006, n° 04/01436 : JurisData n° 2006-294260).
La cour d’appel de Paris avait précisé que « cette garantie s’explique par le fait que le bailleur a pu librement choisir, dans le bail initial, la personne à laquelle il confie son bien et par conséquent vérifier sa solvabilité et ses qualités de bon père de famille appelé à prendre soin de la chose louée ; il en est différemment du cessionnaire qui est imposé par le preneur initial au bailleur sans possibilité pour celui-ci d’interdire cette cession, par application de l’article 35-1 du décret du 30 septembre 1953 ; la garantie stipulée par le bailleur dans le contrat de bail apparaît donc comme une cautèle prise par celui-ci et acceptée par le preneur, conformément à l’article 1134 du Code civil » (CA Paris, 16e ch., 7 déc. 1989 : JurisData n° 1989-000713 ; Rev. loyers 1991, p. 436 ; D. 1991, somm. p. 362, note Rozès). L’engagement du preneur cédant son droit au bail de demeurer garant solidaire du cessionnaire pour le paiement des loyers et charges et toutes les conditions du bail, s’analyse en un engagement de codébiteur solidaire et non en un engagement de caution (CA Paris, 16e ch. A, 13 juin 2001 : JurisData n° 2001-168863. – Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, n° 96-13.943 : JurisData n° 1997-004809). La Cour de cassation a ainsi décidé que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la clause de garantie solidaire du cédant avait pour effet de rendre celui-ci partie au contrat de bail puis à l’acte de cession, codébiteur solidaire de son cessionnaire et en a déduit que n’étant pas caution, il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 2037 du Code civil. Par ailleurs, la cour a relevé à juste titre que le bailleur, qui n’avait souscrit aucune obligation d’information à l’égard du cédant, avait avisé ce dernier de l’absence de réaction du cessionnaire à sa proposition concernant un nouvel échéancier des loyers et a pu décider que le bailleur n’avait pas commis de faute à l’égard du bailleur (Cass. com., 17 déc. 2003, n° 01-11.198 : JurisData n° 2003-021669. – CA Paris, 16e ch. A, 20 avr. 2005, n° 04/03055 : JurisData n° 2005-272137. – CA Paris, 14e ch. B, 13 janv. 2006, n° 05/10293 : JurisData n° 2006-294229). Il a ainsi été jugé que l’engagement solidaire du cédant du droit au bail avec le cessionnaire pour le paiement des loyers dus jusqu’à la fin du bail n’est pas un engagement subsidiaire assimilable à un cautionnement. Le bailleur n’était donc tenu d’aucune obligation d’information au titre des difficultés de paiement du loyer par le cessionnaire (CA Colmar, 1re ch. civ., sect. B, 29 févr. 2012, n° 11/00342 : JurisData n° 2012-003760. – CA Amiens, 1re ch., 2e sect., 12 févr. 2013, n° 10/05598, M. Michel Croisier c/ Mme Liliane Delattre, Épse Colin : JurisData n° 2013-006821).
- – La garantie autonome suppose de la part du garant un engagement distinct de celui du débiteur et fonctionne sans référence à ce dernier. Il a ainsi été jugé que si l’objet garanti se confond avec la dette de loyer du débiteur principal, la garantie relève du cautionnement conformément à l’intention des parties en l’espèce. En conséquence, en application de l’article 2313 du Code civil, les parties sont fondées à opposer au bailleur l’extinction de la dette principale. Toutefois, en l’espèce, l’exception doit être rejetée dans la mesure où le bailleur a bien déclaré sa créance à la liquidation judiciaire des cessionnaires et que cette créance a été admise au passif (CA Bordeaux, 1re ch. B, 30 avr. 2007, n° 04/06596 : JurisData n° 2007-334064). L’absence de déclaration de sa créance par le bailleur au passif de la procédure collective est sans incidence sur l’obligation des codébiteurs solidaires. En effet, en application de l’article 1208 du Code civil, le codébiteur solidaire ne peut opposer au créancier les exceptions purement personnelles que pourrait opposer un autre codébiteur (CA Rouen, 2e ch., 1er juill. 2010, n° 08/02910 : JurisData n° 2010-028929).
- – Il a également été jugé que la clause de garantie solidaire du cédant constitue une solidarité passive entre deux codébiteurs principaux. Les règles visées par les articles 1326 et suivants du Code civil ne sont pas applicables. Le codébiteur solidaire ne peut invoquer les articles 2036 et 2037 du Code civil(CA Paris, 16e ch. B, 16 janv. 1998, n° 96/01810 : JurisData n° 1998-020106). Le bailleur n’a pas l’obligation d’assurer au preneur l’absence de risque économique (CA Paris, 16e ch. A, 24 juin 1998 : D. Affaires 1999, p. 114). Le cédant ne peut être déchargé de son obligation que sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, en se prévalant d’une négligence du bailleur dans le recouvrement de sa créance ayant provoqué un accroissement anormal de la dette et l’ayant mis dans l’impossibilité de faire face à ses obligations (CA Paris, 16e ch. A, 25 avr. 2001, n° 1999/01031 : JurisData n° 2001-144166). Ainsi, il a été jugé que le bailleur qui attend un an pour délivrer au cessionnaire un commandement de payer visant la clause résolutoire laissant ainsi s’accumuler la dette ne pourra engager la garantie du cédant que pour les trois premiers termes impayés et sera ainsi déchargé du dernier trimestre (CA Paris, 16e ch. A, 2 mars 2005, n° 03/18346 : JurisData n° 2005-279128). En cas de procédure collective, le bailleur doit déclarer sa créance, à défaut sa créance sera éteinte par application de l’article L. 621-46 du Code de commerce(CA Grenoble, 2e ch. civ., 10 déc. 2007, n° 05/04760 : JurisData n° 2007-365267). Le bailleur doit mettre en œuvre la garantie en toute bonne foi, ainsi tel n’est pas le cas d’un bailleur qui, après avoir obtenu dans le cadre d’une instance antérieure le paiement par la société garante des loyers impayés, sollicite à nouveau l’exécution par le cédant de son obligation de garant solidaire pour les loyers ultérieurs, alors que le bailleur savait que le cessionnaire avait mis fin à son activité et qu’il avait accepté les clés pour faire visiter les locaux mais n’avait jamais demandé l’expulsion du preneur (CA Paris, 14e ch. A, 21 mai 2008, n° 08/01459 : JurisData n° 2008-364280).
- – En dehors de ces hypothèses, le cédant est tenu de cette garantie. Il ne peut invoquer à son profit, pour tenter d’éluder ses obligations de garant solidaire, le bénéfice de la clause résolutoire qui, non seulement n’a vocation à être mise en œuvre que par le bailleur, mais encore n’a fait l’objet d’une renonciation de ce dernier qu’en raison des dispositions de l’article L. 621-40 du Code de commerce applicables de plein droit à tout créancier, et ce d’autant que les organes de la procédure collective ont expressément indiqué vouloir poursuivre le bail (CA Paris, 19 oct. 2005, n° 05/04139 : JurisData n° 2005-293384). De même, dans le cas d’époux cessionnaires d’un bail commercial, dans l’hypothèse d’une procédure collective intentée contre la femme et pour laquelle le bailleur n’a déclaré qu’une partie de la créance, ce dernier peut réclamer au cédant la totalité de la dette qui est garant des deux époux (CA Metz 1re ch., 17 avr. 2007, n° 05/00949 : JurisData n° 2007-331652). Ainsi, le cédant du droit au bail qui s’est engagé à garantir solidairement le paiement des loyers dus par le cessionnaire ne saurait échapper à son obligation en prétendant que, par son manque de diligence, le bailleur l’a privé de la possibilité de préserver ses droits vis-à-vis du cessionnaire, notamment en tardant à l’informer de la défaillance du cessionnaire. En effet, il apparaît que le bailleur a procédé à une relance systématique du preneur par un commandement de payer visant la clause résolutoire et qu’il l’a assigné au premier commandement infructueux. Le cédant ne saurait invoquer le fait que le bailleur n’a pas exécuté l’ordonnance d’expulsion prononcée contre le preneur alors que ce dernier avait interjeté appel de la décision et que le cédant n’apporte pas la preuve qu’il aurait, lui-même, pris le risque d’assigner immédiatement le cessionnaire en liquidation judiciaire (CA Orléans, ch. com. éco. et fin., 16 déc. 1999, n° 98/01975 : JurisData n° 1999-119729).
2° Mise en œuvre de la clause
- – Contenu de la clause – Lors de la conclusion du bail commercial, le rédacteur devra veiller à bien rédiger la clause de solidarité car elle est appliquée strictement par la jurisprudence. Ainsi, si la clause ne vise à garantir que les loyers, le bailleur ne pourra poursuivre le cédant pour manquement aux autres obligations découlant du bail comme les impôts fonciers, les réparations locatives ou les indemnités d’occupation (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n° 92-21.541 : JurisData n° 1995-000896 ; JCP G 1995, IV, 1440 ; JCP N 1995, II, p. 1435 ; RD imm. 1995, p. 605, obs. J. Derruppé ; Administrer oct. 1995, p. 25). Il a été jugé que la clause aux termes de laquelle le locataire demeurera dans tous les cas « garant solidaire de son cessionnaire pour le paiement des loyers et des charges et l’exécution des conditions du bail » ne peut être assimilée au cautionnement. L’exécution des conditions du bail visée par ladite clause comprend notamment l’obligation de restituer les lieux. Il s’ensuit que la garantie du cédant s’étend au paiement de l’indemnité d’occupation due par le cessionnaire devenu occupant sans droit ni titre jusqu’à la libération des lieux loués (CA Orléans, 1re ch. civ., 6 nov. 1996 : JurisData n° 1996-046647). Toutefois, la Cour de cassation a décidé au contraire que l’indemnité d’occupation qui n’était due qu’en raison de la faute quasi-délictuelle commise par le preneur qui se maintient sans droit dans les lieux, ne se rattache pas au contrat de bail qui a pris fin avec sa résiliation judiciaire (Cass. 3e civ., 6 mars 1996 : JurisData n° 1996-000886 ; Administrer juin 1996, p. 29. – CA Paris, 16e ch. A, 27 févr. 1996 : JurisData n° 1996-020603. – CA Paris, 16e ch., 13 juin 2001 : JurisData n° 2001-168863 ; JCP N 2002, p. 446, note Alioune Djigo). De même, la Cour de cassation a censuré un arrêt qui avait condamné les cédants d’un bail commercial, au paiement d’une somme au titre des indemnités d’occupation et des réparations locatives, alors que le bail cédé avait pris fin par l’effet du congé donné aux cessionnaires et que l’état des lieux avait été dressé plus de deux ans après la fin du bail (Cass. 3e civ., 4 mars 1998, n° 95-21.560 : JurisData n° 1998-000929 ; JCP G 1998, IV, 1895 ; E 1998, p. 582).
Le nouvel article L. 145-16-1 du Code de commerce est rédigé de la manière suivante : “Si la cession du bail commercial est accompagnée d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci”. Le bailleur est donc tenu d’informer le cédant du défaut de paiement du locataire dans un bref délai. Bref délai qu’il sera parfois difficile à respecter dans la mesure où la majorité des conventions locatives prévoit un loyer payable trimestriellement. Le texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de ce délai. Il serait difficilement acceptable que le retard aurait pour effet de supprimer l’engagement de garantie du cédant à l’égard du bailleur. Toutefois, le bailleur sera en faute et il appartiendra au cédant de justifier du préjudice subi en raison de l’information tardive. L’objectif de ce texte est d’éviter que le laxisme du bailleur conduise les locataires cédants à payer d’importants arriérés de loyer sans avoir été préalablement informés de la situation. Ce texte est d’application immédiate aux baux nouveaux ou renouvelés.
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
120 . – Mise en œuvre de la clause de garantie
Le bail contenait une clause de cession et sous-location qui autorisait le locataire à céder librement le bail ou à sous-louer sans consentement exprès de la bailleresse, mais en demeurant garant solidaire du cessionnaire ou du sous-locataire pour le paiement du loyer. Cette obligation de garantie s’étendait à tous les cessionnaires et sous-locataires successifs occupant ou non les lieux.
La dernière cessionnaire a été placée en redressement judiciaire, de sorte que la clause de garantie solidaire oblige la cédante intermédiaire à garantir le paiement des loyers.
Cependant, la bailleresse ne justifiant d’aucune démarche de recouvrement de la créance auprès de la cessionnaire ni d’aucune information auprès de la garante commet une négligence fautive autorisant la cédante à se libérer de sa dette en 24 mensualités (CA Dijon, ch. civ. 2, 13 août 2015, SCI Novello c/ Martinez, épse Manière : JurisData n° 2015-019190).
L’acte de cession du bail commercial rappelait en l’espèce la clause de solidarité prévue au bail entre cédant et cessionnaire pour le paiement des loyers et charges. Le locataire cédant ne peut dans ces conditions sérieusement contester le principe de son obligation solidaire au paiement des loyers dus au bailleur en application de la clause de solidarité contenue dans ce bail et rappelée dans l’acte de cession, cet engagement, qui fait partie intégrante des obligations du preneur, ne pouvant constituer une garantie autonome indépendante de l’obligation principale du preneur. En outre, même si le cessionnaire a été déclaré en liquidation judiciaire, le bail a été poursuivi par le liquidateur et le bailleur, tant qu’il n’est pas résilié, est fondé à poursuivre le recouvrement des loyers impayés à l’encontre du locataire cédant qui reste codébiteur solidaire de son cessionnaire. Enfin, si le locataire cédant dispose d’une créance de remboursement des sommes à acquitter au titre des loyers impayés par le cessionnaire, cette créance, qui résulte du seul engagement solidaire du cédant et du cessionnaire aux obligations du bail, a une origine antérieure à l’ouverture de la liquidation judiciaire du cessionnaire de sorte que le cédant est, en application de l’article L. 622-21 du Code de commerce, irrecevable en sa demande de garantie à ce titre (CA Lyon, ch. 8, 3 nov. 2015 : JurisData n° 2015-024968).
L’actionnaire quasi exclusif, en son nom propre et par le biais d’une société holding, d’une société a, par protocole du 17 juillet 2008, avec effet au 31 juillet suivant, transféré la majorité du capital de la société à une autre société ; à l’issue de cette opération, l’actionnaire et la société holding conservaient une part du capital de la société cédée et l’actionnaire un rôle de conseil ; une option était stipulée en faveur de l’actionnaire et de la société holding, leur permettant de céder les titres de la société qu’ils possédaient encore à la société ; le 9 janvier 2009, l’actionnaire a démissionné de ses fonctions de président du conseil d’administration de la société cédée puis, le 11 décembre 2009, avec la société holding, a levé l’option, cédant ainsi leurs participations à la société, avec effet au 30 mars 2010 ; la société cédée et la société cessionnaire ont assigné l’actionnaire et la société holding pour obtenir la réparation des troubles causés par le comportement de l’actionnaire sur le fondement de la garantie d’éviction. Pour rejeter les demandes de la société cessionnaire fondées sur la garantie d’éviction, l’arrêt retient que les reproches faits à l’actionnaire cédant ne sauraient être recevables qu’à compter du 9 janvier 2009, date de sa démission de sa fonction de président du conseil d’administration de la société cédée et de la fin du contrat de management dont il bénéficiait, car, en cédant toutes ses parts à de nouveaux actionnaires et en démissionnant de tous ses mandats dans la société holding, le cédant n’avait plus à intervenir dans l’entreprise. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’actionnaire et la société holding avaient, le 31 juillet 2008, cédé des parts sociales à la société, ce dont il résultait qu’ils étaient tenus envers celle-ci à la garantie d’éviction dès cette date, la cour d’appel a violé les articles 1625 et 1626 du Code civil(Cass. com., 8 mars 2016, n° 14-21.921 : JurisData n° 2016-004281).
Ayant relevé que l’acte de cession du fonds de commerce indiquait qu’aux termes d’une lettre du 28 novembre 2006, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales avait demandé la réfection générale des locaux, que l’acquéreur s’était expressément engagé à faire son affaire personnelle des travaux de mise en conformité, reconnaissant être informé de la fermeture du fonds de commerce depuis le 31 juillet 2007, et que ces travaux n’avaient été rendus nécessaires qu’en raison de l’utilisation qui avait été faite des locaux, comme cela résultait de la lettre de l’administration qui avait constaté les négligences du preneur, fût-il le preneur initial, qui les avait laissés se dégrader jusqu’à créer des conditions indécentes d’hygiène et de sécurité, la cour d’appel, qui a pu en déduire qu’aucun manquement à l’obligation de délivrance ou d’entretien des locaux conformes à l’usage auquel ils étaient destinés, ne pouvait être imputé au bailleur, a, sans inverser la charge de la preuve ni porter atteinte au principe de l’effet relatif des conventions, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision (Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, n° 14-28.032 : JurisData n° 2016-003201).
- – Durée – En l’absence de stipulation particulière, la garantie solidaire du cédant jouait pendant la durée du bail lui-même. Le preneur ne peut être condamné solidairement avec le cessionnaire au paiement des loyers échus après cette date, ni au paiement des réparations locatives, les dégradations n’ayant été constatées qu’après cette date (CA Amiens, ch. sol., 14 juin 1999, n° 9801688 : JurisData n° 1999-043075). La clause de garantie ne peut s’appliquer au bail renouvelé dans la mesure où le bail renouvelé est un nouveau bail (CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999, n° 1998/00208 : JurisData n° 1999-024507 ; Loyers et copr. 2000, comm. 89) à défaut de démontrer que le cédant s’était engagé à garantir le bailleur du paiement des loyers dus au titre du nouveau bail (Cass. 3e civ., 14 juin 2006, n° 05-14.463 : JurisData n° 2006-034062). Un arrêt qui a confirmé l’ordonnance ayant constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, et condamné solidairement la société cédante à payer un arriéré d’indemnité d’occupation et l’indemnité d’occupation courant a été censuré pour défaut de base légale dès lors que la société cédante n’avait pas contracté l’obligation de garantir le paiement des indemnités d’occupation dues par la cessionnaire du fonds de commerce après la résiliation du bail (Cass. 3e civ., 28 oct. 2009, n° 08-16.826 : JurisData n° 2009-050057 ; JCP E 2009, pan. 2110).
Le bailleur qui a accepté la résiliation anticipée du bail ne peut actionner en garantie le cédant pour lui demander paiement des loyers jusqu’à l’expiration de la période triennale en cours (CA Paris, 16e ch. A, 30 janv. 2002, n° 1999/21595 : JurisData n° 2002-170262). Il a toutefois été jugé qu’en l’absence de stipulation expresse limitant la clause de solidarité à la durée contractuelle du bail, le cédant est tenu, pendant toute la durée effective du bail prolongé, de satisfaire aux obligations du cessionnaire défaillant. En effet, cette solidarité ne constitue pas une sûreté mais une condition de l’ancien bail qui doit, par suite, s’appliquer au bail prolongé. À défaut de congé, le bail se poursuit purement et simplement au-delà de la date contractuellement fixée pour son expiration et il n’y a pas formation d’un nouveau bail, mais prolongation de l’ancien (CA Paris, 6e ch., 20 avr. 2000, n° 1999/09906 : JurisData n° 2000-112469 ; JCP N 2001, pan. p. 1596). C’est ainsi qu’en cas de bail poursuivi par tacite reconduction, la clause de garantie solidaire du cédant doit s’appliquer jusqu’à l’expiration du bail reconduit (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-20.806 : JurisData n° 2002-014577 ; D. 2002, p. 2472, obs. Y. Rouquet ; Administrer 2002, n° 348, p. 25 ; Rev. loyers 2002, p. 496, note Ch. Quément ; Loyers et copr. 2002, comm. 257 ; Dr. et patrimoine 2002, n° 110, p. 87, note P. Chauvel ; RTD civ. 2002, p. 830, note P.-Y. Gautier ; JCP G 2003, p. 909, note M. Kéita. – Cass. 3e civ., 7 févr. 2007, n° 06-11.148 : JurisData n° 2007-037242 ; Loyers et copr. 2007, comm. 78 ; Rev. loyers 2007, p. 179, note C. Quément). La clause de garantie solidaire insérée dans le contrat de bail et reprise dans le contrat de cession du fonds de commerce prévoit que le cédant est garant solidaire du paiement des loyers et charges pendant toute la durée du bail. Cette garantie n’est pas limitée au bail en cours, mais vaut également pour le bail renouvelé. Elle ne s’est éteinte que par la résiliation du bail. Par ailleurs, elle n’est valable que pour les loyers et charges et non pour l’indemnité d’occupation. Le même raisonnement s’applique au cautionnement donné par la gérante de la société cessionnaire (CA Amiens, 1re ch. 2e sect., 14 juin 2011, n° 09/03280 : JurisData n° 2011-019029).
En revanche, dans l’hypothèse de la renonciation par le bailleur à la clause résolutoire acquise en juillet 1998, l’accord entre le bailleur et le cessionnaire de poursuivre le bail est assimilable à une convention qui, en raison de son effet relatif, est inopposable au cédant. Ce dernier n’est donc pas tenu de garantir les loyers postérieurs au 8 juillet 1998 (CA Paris, 16e ch. A, 2 mai 2007, n° 04/14851 : JurisData n° 2007-337914).
Le nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce prévoit que la garantie du cédant est limitée à une durée de trois ans et ce de la manière suivante : “Si la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail”. Ce texte est d’application immédiate aux baux nouveaux et aux baux renouvelés et applicable depuis le 1er septembre 2014 aux baux en cours.
Ce texte est favorable au cédant puisque désormais sa garantie cessera non plus au terme du bail, mais à l’issue d’un délai de trois ans. Toutefois, le texte ne précise pas si le délai de trois ans commence à courir à la cession du bail ou à la date d’effet de cette cession.
La question se pose de savoir s’il s’agit d’une disposition impérative ou si les parties pourront y déroger. Ces nouvelles dispositions ne sont pas visées par l’article L. 145-15 du Code de commerce relatif aux dispositions d’ordre public du statut. Il semble donc que les parties pourraient y déroger auquel cas, la jurisprudence précitée serait applicable.
- – Cessions successives – Sauf clause contraire, cette clause ne concerne pas les cessions ultérieures auxquelles le preneur initial n’a pas été partie. En conséquence, le premier cessionnaire qui s’est porté garant solidaire de son propre cessionnaire et qui a versé à ce titre des loyers au bailleur, ne saurait demander au preneur initial le remboursement de la moitié des fonds ainsi versés (CA Rouen, 2e ch. civ., 14 oct. 1999, n° 9800379 : JurisData n° 1999-103953). En cas de cessions successives du bail commercial avec l’accord du bailleur comportant une clause de garantie solidaire quant au paiement du loyer du cédant envers le cessionnaire, à l’exclusion de toute autre personne, le bailleur est mal fondé à demander au cédant de supporter les conséquences de l’inexécution du contrat conclu entre le cessionnaire et un tiers (Cass. 3e civ., 7 janv. 1998, n° 96-12.729 : JurisData n° 1998-000129).
- – La clause selon laquelle « aucune cession de droit au bail ne pourra être faite par le preneur si ce n’est en demeurant garant et répondant solidairement de tous cessionnaires successifs tant pour le paiement des loyers que pour l’entière exécution des charges, clauses et conditions du présent bail et des actes qui pourront suivre », ne doit pas s’interpréter comme une clause à effet perpétuel. Il faut donc en déduire que la garantie solidaire du cédant prend fin à l’expiration du bail en cours (CA Paris, 16e ch. A, 24 juin 1998 : Administrer janv. 1999, p. 51. – CA Rennes, 7e ch., 22 oct. 2003, n° 02/00065 : JurisData n° 2003-241615. – CA Orléans, 17 mars 2005 : JurisData n° 2005-284153). La Cour de cassation a décidé que la clause solidaire du preneur envers le bailleur, s’étendant à tous les cessionnaires successifs, ne peut être invoquée après l’expiration du bail (Cass. 3e civ., 4 mars 1998 : AJDI 1998, p. 619, obs. J. Derruppé). Ne peut s’interpréter comme un engagement perpétuel la clause prévoyant que le cédant du bail restera garant solidaire avec son successeur de l’exécution des conditions du bail dans la mesure où elle s’applique légitimement au locataire occupant, se renégocie lors des cessions successives et a été reprise lors des baux ultérieurs. Cette clause a donc pour effet de faire remonter la responsabilité du défaut d’entretien final au premier preneur, chacun étant solidaire de son successeur. Mais cette clause ne stipule pas que le cessionnaire est garant de l’inexécution de ses obligations par le cédant. En présence de quatre cessions successives, le bailleur est en droit d’agir contre le deuxième et le troisième cessionnaires pour les désordres constatés dans les lieux, mais il faut prendre en compte les périodes successives d’occupation des lieux pour déterminer les sommes dues par chacun (CA Rouen, ch. des appels prioritaires, 4 févr. 2003, n° 00/01920 : JurisData n° 2003-206716).
- – La clause de solidarité permet ainsi au bailleur de mettre en cause la responsabilité du cédant et des acquéreurs successifs du droit au bail afin d’obtenir la régularisation des obligations contractuelles inexécutées. Elle peut également prévoir que le cessionnaire devra régulariser des dettes nées antérieurement à la cession, comme des loyers impayés par le cédant, des réparations locatives non réglées ou l’obligation de restituer les lieux en bon état (Cass. 3e civ., 7 janv. 1987 : JCP G 1987, IV, p. 83). Ainsi, la clause stipulant que le cessionnaire du fonds de commerce et du droit au bail doit répondre des dégradations causées à l’immeuble loué par le cédant et l’acte de cession stipulant que le cessionnaire fera son affaire personnelle de la remise des lieux au propriétaire dans l’état où celui-ci aura le droit de l’exiger en vertu du bail, permet au bailleur de réclamer au cessionnaire une indemnisation en fin de bail pour réparer les dégradations causées par le cédant (CA Nîmes, 2e ch. A, 7 déc. 1999, n° 98/2580 : JurisData n° 1999-104572).
- – Changement de garant – Dans une espèce où le garant étant une EURL cédante du fonds de commerce et où la personne morale a été dissoute et liquidée peu de temps après la cession, il a été jugé que le bailleur irrecevable à agir contre une personne morale inexistante au sens de l’article 122 du Nouveau Code de procédure civile, l’associé unique reste tenu des engagements de l’EURL pour avoir bénéficié de la transmission universelle de ladite entreprise en application de l’article 1844-5 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001. Ce texte ayant exclu la transmission universelle de patrimoine lorsque l’associé est une personne physique n’est pas applicable en l’espèce (CA Poitiers, 2e ch. civ., 13 avr. 2004, n° 02/00651 : JurisData n° 2004-254450). Lorsque le bail a été consenti à un groupement d’intérêt économique, dont les membres ont prononcé la dissolution pour constituer une société d’exercice libéral à forme anonyme, la cession du bail commercial à la SELAFA est établie, même si aucun acte d’apport du bail ou de cession n’est fourni. Il s’ensuit que la clause de garantie conjointe et solidaire, engageant le GIE avec son cessionnaire, a vocation à s’appliquer et que les membres du GIE sont tenus sur leur patrimoine propre des dettes du GIE en application de l’article L. 251-6 du Code de commerce(CA Versailles, 12e ch., 12 févr. 2013, n° 11/09309, SCI Goda c/ Me Brigitte Penet-Weiller : JurisData n° 2013-002886).
- – Renonciation à la clause de garantie – Le bailleur peut renoncer à se prévaloir de la clause de garantie libérant ainsi le preneur de son obligation de garantie en cas de cession du fonds de commerce. Il a ainsi été jugé que dès lors que le bailleur a renoncé par lettre à cette garantie, il ne peut soutenir que, par la suite, le preneur s’est de nouveau engagé à garantir l’exécution des clauses et conditions du bail par le cessionnaire. L’acte de cession du fonds rappelle certes la clause de garantie solidaire, mais le bailleur est mal fondé à invoquer l’acte de cession, auquel il n’a pas été partie, dès lors que les rédacteurs de l’acte de vente ont pu ignorer l’accord dérogatoire conclu entre le bailleur et le cédant et que, en tout état de cause, le rappel dans l’acte de cession d’une clause du bail n’implique nullement la résolution de l’accord y dérogeant intervenu par acte séparé entre le cédant et le bailleur. Par conséquent, le bailleur doit être débouté de sa demande de paiement de l’arriéré de loyers formée contre le cédant (CA Paris, 16e ch. B, 6 avr. 2006, n° 05/14979 : JurisData n° 2006-303860).
- – Droit au renouvellement du bail
- – Le cessionnaire peut bénéficier du droit au renouvellement de son bail s’il remplit les conditions exigées par le statut des baux commerciaux. L’article L. 145-8 du Code de commerce dispose que le fonds doit avoir été exploité pendant les trois dernières années précédant la date d’expiration du bail. Afin d’éviter que le locataire ne puisse céder son bail pendant ces trois années, il est admis que le cessionnaire pourra compléter sa durée d’exploitation par celle du cédant. Toutefois, il est nécessaire que le cessionnaire ait acquis le fonds de commerce et pas seulement le droit au bail. En effet, s’il n’acquiert que le droit au bail, il crée un nouveau fonds de commerce. Il ne pourra donc pas adjoindre à sa durée d’exploitation celle du cédant, il devra justifier d’une durée d’exploitation de trois ans (Cass. 3e civ., 6 oct. 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 148 ; Rev. Loyers 1981, p. 526. – V. JCl. Bail à loyer, Fasc. 1320 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1320 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1320 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1320). Il en va de même si le bail cédé est un bail « tous commerces » et que le changement d’activité a été réalisé sans nécessiter l’autorisation du bailleur (Cass. 3e civ., 4 mai 1994 : Bull. civ. 1994, III, n° 85 ; D. 1994, inf. rap. p. 160 ; Loyers et copr. 1994, comm. 291 et 431 ; Defrénois 1994, art. 35935, p. 1395). En revanche, si la transformation a eu lieu dans le cadre de la déspécialisation plénière ou avec l’autorisation du bailleur, la jonction des durées d’exploitation est possible en vertu de l’article L. 145-8 du Code de commerce.
- – Cas particuliers de cession de bail
- – Cession de bail résultant d’une fusion ou d’une scission de société
- – L’article L. 145-16, alinéas 2 et 3, du Code de commerce, dispose :
En cas de fusion ou de scission de sociétés, en cas de transmission universelle de patrimoine d’une société réalisée dans les conditions prévues à l’article 1844-5 du Code civil ou en cas d’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24 du présent code, la société issue de la fusion, la société désignée par le contrat de scission ou, à défaut, les sociétés issues de la scission, la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine ou la société bénéficiaire de l’apport sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail. En cas de cession ou dans les cas prévus au deuxième alinéa, si l’obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut y substituer toutes garanties qu’il juge suffisantes.
Les nouvelles dispositions issues de la loi n° 88-17 du 5 janvier 1988 et le décret n° 88-418 du 22 avril 1988 ont été sans incidence sur le régime de cession des baux commerciaux résultant d’une fusion ou d’une scission.
Ces nouvelles dispositions sont d’application immédiate pour les baux nouveaux et les baux renouvelés et s’appliquent depuis le 1er septembre 2014 aux baux en cours. Le nouvel article L. 145-16 vise cette fois explicitement la fusion, la scission de société ou la transmission universelle de patrimoine d’une société réalisée dans les conditions prévues à l’article 1844-5 du Code civil, de même que l’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé selon les modalités prévues par les textes qui avaient été précédemment insérées par la loi du 22 mars 2012. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 apporte donc une précision au texte en étendant le bénéfice de l’article L. 145-16, alinéa 2, à la société désignée dans un contrat de scission, comme à celle bénéficiaire d’une transmission universelle de patrimoine, et la jurisprudence antérieure devrait désormais s’appliquer à l’ensemble des hypothèses visées par le texte (V. Cass. 3e civ., 9 avr. 2014, préc. n° 14).
- – L’apport du droit au bail à une société constitue une cession de bail et devrait être soumis aux dispositions contractuelles et légales de la cession de bail ; tel est le cas lorsque l’apporteur est une personne physique. L’article L. 145-16 déroge à ce régime lorsque cet apport est effectué par une société au profit d’une autre société lors d’une fusion notamment. Il résulte de ce texte, qui est d’ordre public, qu’il y a transmission de plein droit du droit au bail. En effet, la fusion entre deux sociétés opère transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (Cass. com., 1er juin 1993, n° 91-14.740 : JurisData n° 1993-001101 ; Bull. civ. IV, 1993, n° 214 ; D. 1993, inf. rap. p. 153 ; JCP N 1994, II, p. 30, note H. Le Nabasque ; D. 1995, somm. p. 153, obs. L. Rozès).
1° Domaine d’application
- a) Fusion de société
- – Le texte, dans le cas de la fusion, prévoit la transmission des droits et obligations résultant du bail à « la société issue de la fusion ». Il n’y a aucune difficulté à en admettre l’application dans l’hypothèse où la fusion de la société entraîne la création d’une société nouvelle constituant une personne morale distincte des sociétés fusionnées. Or, en pratique, les fusions s’opèrent le plus souvent sous la forme de fusion absorption. Sans s’attacher à une interprétation exégétique du texte, il est conforme à l’esprit du texte d’admettre son application dans l’hypothèse d’une fusion par absorption. La Cour de cassation a ainsi décidé que l’opération de fusion-absorption, qui entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante et n’a pas pour contrepartie l’attribution à la société absorbée de droits sociaux au sein de la société absorbante, ne constitue pas un apport fait par la première à la seconde ; que dès lors c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu, pour dire que la fusion n’était pas intervenue en violation du pacte de préférence, que cette opération n’était pas un apport en société (Cass. com., 9 nov. 2010, n° 1140, 09-70.726 : JurisData n° 2010-020700 ; JCP E 2011, 1073 ; Dr. soc. 2011, comm. 1).
- b) Apport partiel d’actif
- – En principe, l’apport à une société est assimilé à une cession. Toutefois, la loi du 24 janvier 1966(C. com., art. L. 236-22) a apporté une exception en soumettant l’opération aux règles en matière de fusion, lorsqu’il s’agit d’apport d’une partie de l’actif d’une société. Selon ce texte, “La société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21”(V. JCl. Sociétés-Traité , Fasc. 164-H). La bénéficiaire d’un apport partiel d’actif peut se prévaloir de tous les droits et obligation résultant du bail, dans le bénéfice duquel elle est substituée à la locataire précédente (Cass. 3e civ., 9 juill. 2013, n° 12-18.028 : JurisData n° 2013-014781).
- – L’application de ce texte aux baux commerciaux suppose deux conditions :
- La loi de simplification (L. n° 2012-387, 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives : JO 23 mars 2012) étend à l’ensemble des formes sociales la possibilité de soumettre un apport partiel d’actif au régime des scissions. Cette option était auparavant réservée aux opérations réalisées entre sociétés anonymes (l’article L. 236-22 du Code de commerce figurant dans une section II intitulée « Dispositions particulières aux sociétés anonymes ») ou entre SARL (l’article L. 236-24 du Code de commerce figurant dans une section III intitulée « Dispositions particulières aux sociétés à responsabilité limitée »). Un nouvel article L. 236-6-1 du Code de commerce est introduit dans la section I du chapitre VI, intitulée « Dispositions générales ». Il prévoit que la société apporteuse et la société bénéficiaire peuvent soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-1 à L. 236-6, c’est-à-dire aux dispositions générales relatives à la fusion et à la scission. Cette option pourra dorénavant être choisie pour tout apport d’une branche autonome d’activité, quelle que soit la forme de l’apporteuse et de la bénéficiaire, ce qui est une bonne chose eu égard à la sécurité qu’apporte la transmission universelle de patrimoine.En conséquence, l’article L. 145-16 du Code de commerce, relatif à la transmission universelle du bail commercial, est réécrit pour tenir compte de cette nouvelle disposition (D. Gallois-Cochet, Loi relative à la simplification du droit – Warsmann II : dispositions de droit des sociétés [partie I] : Dr. soc. 2012, comm. 79). « En cas de fusion de sociétés ou d’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l’apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail » (C. com., art. L. 145-16, réd. L. n° 2012-397, 22 mars 2012).
- L’apport partiel d’actif n’est pas de plein droit soumis à l’article L. 236-22 du Code de commerce. Il faut que les deux sociétés concernées aient décidé « d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 ». Il en résulte que si les intéressés ont fait un apport pur et simple, selon le droit commun, l’apport du bail en société reste assimilé à la cession de bail et est donc soumis aux conditions de forme et de fond de cette opération. Il s’ensuit que les règles de l’article 1690 du Code civil doivent être suivies (CA Paris, 16e B, 27 févr. 1992 : JurisData n° 1992-020484 ; JCP E 1992, pan. 709. – Rappr. Cass. com., 5 mars 1991 : RTD com. 1992, p. 189, n° 5, obs. Cl. Champaud et D. Danet).
- c) Scission
- – L’article L. 145-16 du Code de commerce n’envisage pas l’hypothèse de la scission, cependant prévue en même temps que celle de la fusion, dans le Code de commerce (C. com., art. 236-16 à 236-21). Lors d’une scission, deux hypothèses sont envisageables : soit une société apporte tout ou partie de son patrimoine à des sociétés nouvelles, nées de la scission ; soit une société apporte des parties de son patrimoine à des sociétés existantes. La scission implique la disparition de la société apporteuse. La scission est une opération voisine de la fusion, la différence étant que la transmission du patrimoine ne se réalise pas au profit d’une seule société, mais de plusieurs sociétés nouvelles ou existantes qui se partagent le patrimoine de la société scindée qui disparaît. Il a ainsi été jugé que bien que l’article L. 145-16, alinéa 2 du Code de commerce ne le prévoit pas expressément, dès lors que d’une part, la scission comme la fusion emporte de plein droit la transmission universelle du patrimoine, que d’autre part, cet article s’applique à l’apport partiel d’actif lorsque les parties l’ont volontairement soumis au régime de la scission, il y a lieu de considérer, par analogie et a fortiori que les sociétés bénéficiaires d’une scission, sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à la société scindée au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations de ce bail (CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 22 sept. 2011, n° 10-04.401, SCI Sanpas c/ SARL La Malice :JurisData n° 2011-028972 ; Dr. sociétés 2012, comm. 20).
- – Lorsque la scission est réalisée par des apports à des sociétés anonymes existantes, la scission s’accompagne d’une fusion et l’article L. 145-16 devrait s’appliquer sans difficulté. Ainsi, il a été jugé que l’apport partiel d’actifs de la société mère à sa filiale, dont elle détient 100 % des actions, est soumis au régime des scissions. La substitution de la société intervient de plein droit, sans que le bailleur puisse se prévaloir de conditions de forme ou d’agrément préalable, ni des formalités requises par l’article 1690 du Code civil qui ne sont pas applicables au cas d’espèce (CA Montpellier, 1re ch. B, 25 avr. 2012, n° 11/01793 : JurisData n° 2012-026718). En revanche, lorsque la scission est réalisée par des sociétés anonymes nouvelles, la scission ne s’accompagne pas nécessairement d’une fusion lorsque les sociétés nouvelles ne n’ont pas d’autre actif que celui transmis. On pourrait toutefois admettre par analogie que l’article L. 145-16 s’applique aux scissions sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agit d’une scission par apport à des sociétés existantes ou d’une scission par apport à des sociétés nouvelles. Dans la mesure où la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur cette question, il paraît prudent de se référer aux formalités contractuelles et légales de la cession de bail, en cas de scission. Surtout s’il s’agit d’une scission où la société transmet son patrimoine à des sociétés nouvelles qui ne comprennent pas d’autre actif que celui transmis, car dans ce cas, il paraît difficile d’assimiler l’opération à une fusion. La scission d’une société commerciale est une opération prévue par l’article L. 236-1 du Code de commerce qui, après un premier alinéa traitant de la fusion, dispose en son alinéa 2 : “une société peut aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles”; entraînant ainsi, par l’effet de la loi, la transmission universelle du patrimoine de la société cédée au profit des sociétés nouvelles (ou existantes), la scission d’une société est exclusive de la notion de cession de fonds de commerce ou de cession du droit au bail attachée au fonds, au profit de l’entité créée. En conséquence, et bien que l’article L. 145-16 du Code de commerce n’envisage expressément que le cas de fusion de sociétés ou d’apport partiel d’actif « dans les conditions prévues à l’article L. 236-22 », la dévolution du bail commercial dont était titulaire la société scindée au profit de la société nouvelle n’est pas constitutive d’une cession (TGI Nanterre, 7e ch., 18 mai 2010, n° 07/14173, SCI Sampas c/ SARL Xav : JurisData n° 2010-029864 ; Loyers et copr. 2011, comm. 149 ; D. 2011, n° 14, Étude p. 994, note G. Cavalier).
2° Effets
- – L’article L. 145-16 du Code de commerce dispose qu’en cas de fusion ou d’apport partiel d’actif, il y a substitution d’une société à une autre, en qualité de locataire, et prévoit une possibilité de garantie.
- a) Substitution légale et impérative
- – La substitution de la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l’apport partiel d’actif dans les droits et obligations découlant du bail a lieu de plein droit. Cette substitution a pu être assimilée à une subrogation légale à la fois activement et passivement (CA Paris, 24 avr. 1973 : RTD com. 1973, 829, note Houin ; Rev. loyers 1974, p. 450, note Viatte. – CA Paris, 7 avr. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, p. 751). Cette substitution est d’ordre public. Elle s’opère « nonobstant toute clause contraire ». Elle a lieu automatiquement, même si le bail comporte une clause restrictive de cession.
- – Du caractère légal et impératif de la substitution, découlent plusieurs conséquences. D’une part, étant donné que la substitution s’opère de plein droit, elle s’impose aux parties sans autres formalités ou publicités que celles qui accompagnent nécessairement l’opération en application du droit des sociétés. Ainsi, les règles de signification ou d’acceptation de la cession dans un acte authentique ne sont pas applicables. La Cour de cassation (Cass. com. 1er juin 1993, n° 91-14.740 : JurisData n° 1993-001101 ; Bull. civ. IV, 1993, n° 214 ; D. 1993, inf. rap. p. 153 ; JCP N 1993, II, p. 30, note H. Le Nabasque ; D. 1995, somm. p. 153, obs. L. Rozès) a affirmé que les formalités prescrites par l’article 1690 du Code civil en matière de transport de créances ou de droits ne sont pas requises en ce cas, seul un droit d’opposition est ouvert aux créanciers des sociétés participant à l’opération de fusion. Elle a ainsi censuré l’arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 16e ch. B, 14 mars 1991 : JurisData n° 1991-022816 ; Loyers et copr. 1991, comm. 220 ; D. 1991, inf. rap. p. 123 ; JCP E 1991, I, 83, n° 30.2, comm. J. Monéger) qui avait accueilli la demande en résiliation d’un bail commercial consenti à une société absorbée au motif que la fusion par absorption s’analyse en une cession de bail et, comme pour toute cession, doit être signifiée au bailleur pour lui être opposable, et que le défaut de cette formalité entraîne la résiliation du bail. S’agissant d’un apport partiel d’actif, il a été jugé que la société bénéficiaire est subrogée de plein droit dans les droits de l’apporteur, que le bailleur ne peut se prévaloir de l’inobservation des conditions de forme ou d’agrément préalable de la société bénéficiaire, les formalités de l’article 1690 n’étant applicables qu’au cas où l’opération n’aurait pas été soumise au régime des fusions. En conséquence, le bailleur ne saurait invoquer le manquement aux clauses du bail et le défaut de signification de l’apport pour réclamer la résiliation du bail. Ayant délivré congé avec refus de renouvellement, il est donc tenu de payer une indemnité d’éviction à la société bénéficiaire de l’apport (CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 3 oct. 1996 : JurisData n° 1996-046115). Toutefois, il faut remarquer que la substitution opérée à la suite de la fusion ne dispense pas la société absorbante de procéder à une nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés au titre du nouveau local, pour pouvoir bénéficier du statut des baux commerciaux. Il a ainsi été jugé que les conditions d’application du statut, et notamment l’immatriculation au RCS, doivent être remplies à la date de délivrance du congé et pendant toute la procédure de renouvellement ou de fixation de l’indemnité d’éviction sauf si, renonçant au droit au maintien dans les lieux prévu par l’article 20 du décret du 30 septembre 1953, le locataire décide de restituer les lieux dans les conditions qui l’affranchissent de toutes obligations contractuelles ou statutaires. La cour d’appel a pu retenir, à bon droit, que si la société preneuse était bien immatriculée au jour du refus de renouvellement du bail, elle en avait été radiée après son absorption par la société Bricorama intervenue au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction tandis que la société Bricorama n’avait procédé à une immatriculation secondaire pour l’établissement exploité dans les locaux loués qu’après la dénégation du statut signifiée par le bailleur, la société Bricorama, qui ne saurait utilement se prévaloir de l’information fournie à la bailleresse du transfert du fonds, ne pouvait prétendre au paiement de l’indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 27 mars 2002, n° 00-21.685 : JurisData n° 2002-013719 ; Loyers et copr. 2002, repères 5, J. Monéger ; Rev. loyers 2002, note Ch. Quément. – Cass. 3e civ., 7 nov. 2001 : RJDA 2002, n° 2, p. 114 ; Rev. huissiers 2002, n° 2, p. 83, note R.-N. Schutz).
- – D’autre part, en raison du caractère impératif de cette disposition, la substitution se produit nonobstant toute clause interdisant ou réglementant la cession. Aucune des clauses restrictives de fond ou de forme prévues par le bail ne sera applicable. Les clauses prohibitives, comme les clauses d’agrément ou de concours à l’acte sont sans effet. Ainsi, il a été jugé que la cour d’appel qui, par une appréciation souveraine de la portée de l’article 14 du bail, a retenu qu’il comportait une clause limitative de cession, en a déduit, à bon droit, que le bailleur n’était pas justifié à faire grief à la société absorbante de n’avoir pas répondu à la sommation visant expressément la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 19 févr. 1997, n° 95-14.826 : JurisData n° 1997-000741 ; Rev. sociétés 1997, p. 671, obs. H. Hovasse ; Dr. sociétés 1997, comm. 112 ; Loyers et copr. 1997, comm. 140 ; RD imm. 1997, p. 499).
- b) Garanties judiciaires éventuelles
- – Le dernier alinéa de l’article L. 145-16 dispose que “si l’obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut y substituer toutes garanties qu’il jugera suffisantes”. Le texte ne précise pas de quelle obligation de garantie il s’agit. L’examen des travaux préparatoires permet de répondre à cette question. M. Dailly, rapporteur de la loi au Sénat, a en effet déclaré : « Les fusions et scissions soulèvent dans la pratique une sérieuse difficulté tenant aux conditions auxquelles est généralement subordonné le transfert des baux commerciaux ». Ces actes contiennent habituellement une clause obligeant le locataire qui vient de céder son bail de demeurer garant, solidairement avec le cessionnaire, de l’exécution du contrat et notamment du paiement du loyer (V. supra n° 46 et 91 ). La fusion entraînant la liquidation de la société absorbée, la garantie ne peut plus s’exercer à son encontre. Il a été jugé que le bailleur ne peut plus bénéficier du cautionnement pour les dettes nées postérieurement à la fusion-absorption du cessionnaire du bail, en l’absence de manifestation expresse de la caution (cédant) de garantir les engagements de l’absorbante (Cass. 3e civ., 16 févr. 2000, n° 98-15.148 : JurisData n° 2000-000645 ; JCP E 2000, p. 1386, note Th. Bonneau ; LPA 27 oct. 2000, p. 16, note M. Keita).
- – L’octroi de garanties complémentaires ou de garanties de remplacement est prévu par l’article L. 236-14 du Code de commerce, en cas d’opposition d’un créancier au projet de fusion de sociétés anonymes, mais aussi par l’article L. 237-5 du Code de commerce en cas de cession de bail lors d’une liquidation de société après dissolution. Cette protection du bailleur est applicable à tous les baux, qu’ils soient ou non soumis au statut des baux commerciaux. Elle concerne la fusion, la scission s’il y a disparition de la société scindée, mais pas en cas d’apport partiel d’actif, faute de disparition de la société apporteuse.
- – Le législateur (C. com., art. L. 145-16, dernier al.) a permis au tribunal de grande instance de compenser le préjudice résultant, pour le bailleur, de la perte de l’obligation de garantie, en y substituant toutes garanties qu’il jugera suffisantes. La substitution de garantie est applicable, depuis la modification de l’article L. 145-16 par la loi n° 71-575, du 16 juillet 1971, dans tous les cas de cession, de fusion ou d’apport. La rédaction même du texte donne au tribunal les plus larges pouvoirs, tant en ce qui concerne le principe même de l’octroi des garanties que la détermination de celle-ci. La possibilité d’obtenir une garantie, se substituant à l’obligation du cédant lorsque celle-ci ne peut s’opérer, est de portée générale (Cass. 3e civ., 9 oct. 1991 : Rev. huissiers 1991, p. 1073. – CA Paris, 16e ch. A, 24 mars 1994 : Administrer août 1994, p. 49).
- – Toutefois, le texte ne prévoit qu’une possibilité de substitution d’autres garanties. Le tribunal pourrait refuser la substitution si la société absorbante a une solvabilité au moins égale à celle de la société absorbée. Le texte ne prévoit pas comment le tribunal sera saisi et n’impose pas l’octroi de ces garanties avant la réalisation de la fusion. Selon la jurisprudence, il appartient au bailleur, informé de la fusion, de demander une garantie de substitution en application de l’article L. 145-16 du Code de commerce(D. 1953, ancien art. 35-1) À défaut, ce dernier est mal fondé à invoquer le non-respect de la clause de solidarité contenue dans le bail (T. com., Paris, 2e ch., 21 avr. 1992 : JurisData n° 1992-042440). Il a également été jugé qu’il ne résulte pas de cette disposition que c’est au cessionnaire ou au cédant de faire diligence afin d’obtenir une garantie de substitution alors que c’est le propriétaire qui a intérêt à l’obtenir et que s’agissant de la cession d’un fonds de commerce entrant dans le cadre de la cession des actifs ordonnée par un juge-commissaire, la substitution de garantie ne saurait constituer un préalable à la cession (CA Paris, 16e ch. B, 14 janv. 2000 : Administrer juin 2000, p. 46, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara).
- – Cession de bail lors d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
- – Sous le régime de la loi du 13 juillet 1967, le bailleur ou le syndic avait quinze jours pour résilier le bail, en cas de garanties insuffisantes. Le syndic pouvait continuer le bail en poursuivant l’exploitation ou le céder à un tiers. Toutefois cette cession devait se réaliser selon les conditions prévues au contrat de bail (Adde : JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-10 à 40 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-10 à 40 ou JCl. Notarial Répertoire, V° Bail à loyer, fasc. 1286-10 à 40 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-10 à 40, Bail commercial et Procédures collectives, par F. Kendérian).
- – Le Code de commerce (C. com., art. L. 621 à L. 626, L. 631 à L. 644) institue deux phases distinctes : la période d’observation et la décision du tribunal sur la continuation ou la liquidation de l’entreprise. L’article L. 631-13 du Code de commerce prévoit que la continuation de l’entreprise pourra s’accompagner de l’arrêt, de l’adjonction ou de la cession de certaines branches d’activité, les cessions étant soumises aux articles L. 642-1 et suivants du Code de commerce. Selon l’article L. 642-1, alinéa 2, la cession peut être totale ou partielle, dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activités (V. F. Kendérian, Bail à loyer, Fasc. 1286-20 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-20 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1286-20 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-20).
1° Cession totale du fonds de commerce en cas de redressement judiciaire
- – La cession totale du fonds de commerce n’inclut pas nécessairement le bail commercial (Cass. com., 17 déc. 1996 : RJDA 4/97, n° 574 ; D. 1997, p. 387 ; RTD com. 1997, p. 225, obs. Derruppé); à moins que ce fonds ne soit exploité dans un local essentiel à cette exploitation (Cass. com., 26 oct. 1996 : RJDA 2/97, n° 152). Lorsque la cession comprend le bail commercial, les clauses restrictives de cession du bail, notamment l’exigence de l’accord du bailleur, ne sont pas applicables. Le bail commercial entre dans l’énumération de l’article L. 621-88 du Code de commerce(désormais C. com., art. L. 642-7. – Cass. com., 6 déc. 1994 : Bull. IV, 1994, n° 368 ; JCP E 1995, I, 455 ; 1996, I, 523, RTD civ. 1995, p. 624 ; Defrénois 1995, 964 ; D. 1997, somm. 4. – Cass. com., 17 déc. 1996 : RJDA 4/97, n° 574 ; D. 1997, p. 387) qui prévoit que le tribunal détermine les contrats nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise et que ces contrats seront exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure. Il en résulte qu’en cas de redressement judiciaire, la décision du tribunal qui arrête un plan de cession en y incluant le contrat de bail par application de ce texte fait échec à la clause d’agrément (Cass. com., 6 déc. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n° 368). Cependant, ce texte ne dispense pas de respecter les clauses qui ne sont pas incompatibles avec le pouvoir du tribunal d’ordonner la cession (appel du bailleur à l’acte ; remise d’une copie exécutoire). Le bailleur doit être convoqué à l’audience du tribunal appelé à se prononcer sur la cession des contrats en cours (D. n° 85-1388, 27 déc. 1985, art. 35). Il a été jugé que le jugement qui ordonne la cession d’une entreprise en redressement judiciaire n’a aucun pouvoir pour se prononcer sur le sort du bail commercial. En effet, les dispositions de l’article L. 642-7 du Code de commerce ne sauraient exclure les règles du droit commun et spécialement les dispositions d’ordre public de l’article L. 145-16 du Code de commerce. Or l’article 1743 du Code civil prévoit le transfert automatique du contrat de location en cas de vente de l’immeuble, cette règle s’impose d’autant plus s’agissant d’un bail commercial en raison de l’article L. 145-15 du Code de commerce qui interdit de mettre fin au bail en dehors des cas qu’il prévoit limitativement. Le repreneur ne peut donc, pour prétendre que le bail a pris fin, s’appuyer sur le jugement de cession ayant accepté sans réserve son offre de reprise excluant la poursuite du bail commercial (CA Bourges, ch. civ., 25 juin 2001, n° 99/02151 : JurisData n° 2001-157808 ; adde, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-10 et 1286-20 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-10 et 1286-20 ou JCl. Notarial Répertoire, V° Bail à loyer, fasc. 1286-10 et 1286-20 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-10 et 1286-20).
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
145 . – Cession du fonds en cas de redressement judiciaire
La Cour de cassation casse, pour violation de l’article L. 642-7 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, rendu applicable, par l’article L. 631-22 du même code, au plan de cession arrêté à la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, un arrêt qui a prononcé la résiliation d’un bail commercial car la cession avait été conclue sans respecter la forme authentique prévue par le contrat de bail en cas de cession. Pour la cour d’appel, le non-respect de ces exigences de forme constitue une infraction aux clauses du bail présentant un caractère de gravité suffisante pour conduire à sa résiliation. La Cour de cassation pose comme attendu de principe que « sauf disposition contraire du jugement arrêtant le plan de cession, la cession judiciaire forcée du bail commercial en exécution de ce plan n’est pas soumise aux exigences de forme prévues par ce contrat ». Il n’était donc pas nécessaire de passer un acte authentique (Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-14.716 : JurisData n° 2016-003733 ; Act. proc. coll. 2016, alerte 80 ; JCP N 2016, n° 12, act. 420 ; JCP E 2016, 1184 ; JCP G 2016, 338 ; JCP E 2016, act 235).
Dès lors que le plan de cession ne modifie pas le contrat de bail et qu’il ne porte pas atteinte aux intérêts du bailleur, le bail peut être cédé et ce d’autant plus que les candidats cessionnaires avaient accepté de reprendre l’activité en toute connaissance de cause et d’en faire leur affaire personnelle (CA Paris, pôle 5, 9e ch., 28 janv. 2016, n° 15/21495 : JurisData n° 2016-002379 ; Loyers et copr. 2016, comm. 68).
2° Cession de branches d’activité
- – Si les branches autonomes d’activité sont exploitées dans des locaux distincts selon des baux séparés, la cession sera considérée à l’égard du bailleur comme une cession totale. En revanche, si les branches d’activité cédées sont exploitées dans des locaux faisant l’objet d’un bail unique, deux solutions peuvent se présenter.
- – Dans une première hypothèse, la cession de la branche d’activité peut inclure la cession du bail en entier, les autres branches déménageront ou éventuellement pourront, avec l’accord du bailleur, rester dans les locaux, au titre d’un contrat de sous-location. Dans ce dernier cas, l’article L. 642-7 n’est pas respecté puisqu’il y a disparition de certaines activités précédemment exploitées par le locataire.
- – Dans une seconde hypothèse, les branches d’activité cédées restent exploitées dans le même local et chacun des exploitants devient titulaire d’un bail qui lui est propre ce qui conduit à imposer au bailleur une division des locaux qu’il n’avait peut-être pas souhaitée. Toutefois, la doctrine considère que le tribunal ne pourrait imposer cette division au bailleur (F. Derrida, P. Godé et J.-P. Sortais avec la collaboration d’A. Honorat, Redressement et liquidation judiciaire des entreprises, cinq années d’application de la loi du 25 janvier 1985 : Dalloz, 3e éd. 1991, n° 345).
3° Cession du bail en cas de liquidation judiciaire
- – Dans cette hypothèse, l’article L. 641-12, alinéa 2 dispose que la cession ne peut être opérée qu’aux conditions prévues aux contrats (F. Kendérian, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-30 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-30 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1286-30 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-30). La cession d’un droit au bail commercial effectuée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire du locataire, par le liquidateur judiciaire en violation des dispositions du bail, est inopposable au bailleur (CA Paris, 26 févr. 1999 : RJDA 12/99, n° 1365). Dans le même sens, a été jugé opposable au bailleur la cession de bail intervenue suite à la cession de gré à gré du fonds de commerce du preneur en liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l’article L. 622-18 du Code de commerce, dès lors que l’acte de cession du bail a été établi devant notaire, que le bailleur est intervenu audit acte pour formuler des observations auxquelles le notaire a répondu (T. com., Paris, 2e ch., 21 avr. 1992 : JurisData n° 1992-042440). Il a toutefois été jugé, suite à la liquidation judiciaire du preneur et la cession du fonds de commerce avec droit au bail ordonnée par le juge-commissaire, alors que le cessionnaire a pris possession des lieux à la date indiquée dans l’ordonnance, mais que l’acte de cession n’a pas été régularisé, que c’est en vain que le bailleur demande, en référé, l’expulsion du cessionnaire. En effet, il n’apparaît pas, avec l’évidence requise en référé, que le cessionnaire soit occupant sans droit ni titre. La vente est parfaite dès l’ordonnance du juge-commissaire, le prix a été payé et le défaut de régularisation est dû à des contestations sur les honoraires du rédacteur de l’acte de cession et sur les garanties de paiement des loyers exigées par le bailleur. De plus, aucune mise en demeure de régulariser l’acte de cession n’a été délivrée au cessionnaire (CA Orléans, ch. com. éco et fin., 24 mai 2007, n° 06/02159 : JurisData n° 2007-359592).
L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 avait introduit un dispositif de protection des contrats en cours selon lequel est réputée non écrite toute clause modifiant les conditions de poursuites d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation ou d’une demande formée à cette fin.
- – Déspécialisation en cas de procédure collective – Dans le cadre de la sauvegarde financière accélérée instituée par la loi du 22 octobre 2010, cette même ordonnance a inséré un nouvel article L. 611-7 indiquant que le conciliateur était susceptible d’organiser une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. L’article 15 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ajoute un alinéa à l’article L. 642-7 du Code de commerce qui est d’application immédiate à tous les baux nouveaux, renouvelés et en cours :
« Le tribunal peut, si un contrat de bail soumis au chapitre V du titre IV du livre Ier portant sur un ou plusieurs immeubles ou locaux utilisés pour l’activité de l’entreprise figure dans le plan de cession, autoriser dans le jugement arrêtant le plan le repreneur à adjoindre à l’activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires. Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé le bailleur ».
Ainsi le tribunal aura la faculté d’autoriser un cessionnaire à exercer une ou plusieurs activités connexes ou complémentaires sans être tenu de respecter la procédure prévue par l’article L. 145-47 du Code de commerce. Le bailleur sera entendu mais ne saurait s’opposer à la déspécialisation partielle de l’activité du cessionnaire sous réserve des dispositions du droit de l’urbanisme, des stipulations d’un règlement de copropriété ou encore d’un motif légitime tenant à la nature et/ou à la structure du bien immobilier dans lequel se situe le local.
Selon l’article 15 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ces dispositions ne s’appliqueront qu’aux liquidations judiciaires ouvertes postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi.
- – Droit de préférence et liquidation judiciaire – La cession du fonds de commerce doit respecter le droit de préférence stipulé dans le bail commercial au profit du bailleur. Cependant, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, le respect des stipulations contractuelles ne peut s’entendre que dans le respect des dispositions d’ordre public. En conséquence, le droit de préférence, ouvert au bailleur par l’ordonnance autorisant la cession du fonds de commerce, ne peut s’exercer que par la voie d’un recours régulier contre ladite ordonnance. Dès lors que le bailleur a négligé de former ce recours dans le délai légal de 8 jours, l’exercice postérieur de son droit de préférence se heurte à l’autorité de la chose jugée et l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire reconnaît ce droit doit être annulée (T. com., Paris, 5e ch., 1er déc. 2000 : JurisData n° 2000-146052). Il a également été jugé que le droit de préférence en cas de cession du droit au bail, dont bénéficie le bailleur en vertu d’une clause insérée dans le bail commercial, est privé d’effet. Dans le cadre de la liquidation judiciaire du preneur, le juge-commissaire a autorisé la cession d’une unité de production incluant le droit au bail. Le repreneur a été agréé par le juge-commissaire et par le tribunal de commerce. L’accord s’est formé sur la chose et le prix, accord valant vente parfaite. La formalité de la réitération de la cession devant notaire, en 1997, est sans incidence sur le caractère parfait de la vente intervenue en 1996. Par conséquent, le droit de préférence exercé par le bailleur, sous la forme d’une opposition notifiée au notaire lors de la réitération de la vente, ne peut avoir aucun effet (CA Amiens, ch. sol., 14 nov. 2005, n° 04/04123 : JurisData n° 2005-294341). Concernant la question du sort de la clause de préemption du bailleur lorsque le bien du promettant est cédé amiablement lors d’une procédure de liquidation judiciaire, la cour de cassation a apporté une réponse dans l’arrêt du 13 février 2007. La cour de cassation a censuré la décision décidant que la clause stipulant un droit de préférence au profit du bailleur se trouvait privée d’effet en raison du caractère définitif de la cession judiciaire intervenue à l’occasion des opérations de liquidation judiciaire, au motif que le liquidateur judiciaire, autorisé par le juge-commissaire à céder l’unité de production, était tenu de respecter la clause du bail stipulant un droit de préférence au profit du bailleur (Cass. com., 13 févr. 2007, n° 06-11.289 : JurisData n° 2007-037360 ; JCP E 2007, 2548, note J.-P. Garçon. – V. Contra CA Amiens, ch. sol., 14 nov. 2005, n° 04/04123 : JurisData n° 2005-294341). La purge d’un droit de préférence devant contractuellement intervenir sur la base de la notification d’un projet d’acte ne peut être faite qu’une fois l’ordonnance du juge-commissaire devenue définitive (Cass. com., 7 sept. 2010, n° 09-66.284 : JurisData n° 2010-015339 ; Act. proc. coll. 2010-18, repère 252, obs. G. Jazottes ; Bull. Joly Entreprises en difficulté 2011, § 15, p. 18, note J. Théron ; JCP N 2012, 1162, note J.-P. Garçon).
4° Mise à l’écart des clauses de garantie solidaire
- – En cas de cession de bail lors d’une procédure collective, la clause de garantie solidaire ne peut plus être mise en œuvre puisque le cédant n’est pas en mesure d’assumer cette charge. Le nouvel alinéa 3 de l’article L. 145-16 selon lequel “En cas de cession ou dans les cas prévus au deuxième alinéa, si l’obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut y substituer toutes garanties qu’il juge suffisantes”, trouve ici son application. Le liquidateur ou l’administrateur n’a pas à tenir compte des clauses imposant une solidarité entre le cédant et le cessionnaire depuis la loi du 26 juillet 2005(V. F. Kendérian, JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-30 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-30 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1286-30 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-30).
- – Désormais, la clause imposant une solidarité entre le cédant et le cessionnaire en cas de cession de bail est écartée erga omnes, et ce, tant en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire qu’en procédure de liquidation.
Bibliographie
Ouvrages généraux et ouvrages spéciaux
Voir JCl. Bail à loyer, Fascicules 1286-10 à 1286-40 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fascicules 1286-10 à 1286-40 ou JCl. Notarial Répertoire, V° Bail à loyer, fascicules 1286-10 à 1286-40 ou JCl. Entreprise individuelle , Fascicules 1286-10 à 1286-40. – Lamy Droit commercial n° 1140 s
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Les dispositions relatives au transfert de la propriété du bail et de l’immeuble : Loyers et copr. 2014, n° 9, dossier 5
- Chalvignac
La rédaction d’un acte juridique : le bail commercial : Biblio. dr. privé, t. 325 : LGDJ 1999
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La valorisation du droit au bail « boutique » en cas de cession du bail avec déspécialisation : une valeur partagée en cas d’accord tripartie : Administrer 2010, n° 432, p. 7
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L’urbanisme opérationnel dans la loi Pinel : Constr.-Urb. 2014, comm. 110
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Propriétés incorporelles de l’entreprise, la cession du droit au bail : JCP N 2009, 1157
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Droit de préemption sur les fonds de commerce et artisanaux et baux commerciaux, publication du formulaire de déclaration préalable : JCP E 2008, act. 194
Droit de préemption des personnes publiques : JCP N 2010, 1213
Loi relative à la simplification du droit. Les modifications apportées au droit de l’urbanisme : JCP N 2012, 382
Loi Pinel et urbanisme : JCP N 2014, 1272
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La libération du locataire cédant en cas de cession de bail commercial : Administrer 1995, n° 263, p. 2
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La nouvelle cession-déspécialisation du bail commercial en cas de procédure collective. – À propos du nouvel alinéa 4 de l’article L. 642-7 du Code de commerce (L. n° 2014-626, 18 juin 2014, art. 15) : Rev. proc. coll. sept. 2014, n° 5, étude 25
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À propos du décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007, précisions sur le nouveau droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux. Cession de bail et clause de solidarité : Lamy dr. aff. 2008, n° 25, p. 17
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Cession de bail commercial par un locataire cessant son activité : JCP N 1994, prat. 3142
Cession de bail commercial et clause de solidarité : JCP E 2004, 1098
Cession de bail et clause de solidarité : JCP N 2004, p. 1037
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Cession sous seing privé d’un bail notarial : le sort du titre exécutoire : JCP E 2012, 1447
- Mallet-Bricout
Le droit de préemption du cocontractant : Pas de pitié pour le bénéficiaire : JCP N 2011, 1266
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La réparation des dégradations subies par le local pèse sur le dernier locataire ou de la nécessité d’un état des lieux opposable au bailleur : JCP E 2003, p. 1910
La mise en œuvre dans le temps de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 : Loyers et copr. 2014, Alerte 49
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Droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux : JCP E 2008, n° 1189
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Les conflits entre droits de préemption : JCP N 2011, 1267
- Prigent
Actualité jurisprudentielle 2007 des baux commerciaux, cession du bail commercial : Rev. loyers 2008, p. 146
- Quément
Le pacte de préférence : vers un renforcement de son efficacité ? : Gaz. Pal. 2012, n° 48, p. 15
J.-G. Raffray
La rédaction d’un bail commercial : Mélanges offerts à Jean Derruppé, éd. GLN Joly-Litec, p. 83 et s
- Reygrobellet
Quelques difficultés pratiques en matière de droit de préemption sur fonds et baux : JCP N 2011, 1190
- Rezek
Diagnostic et vente amiable d’un fonds de commerce : JCP E 2011, 1253
- Ritter
La cession du droit au bail en droit allemand : JCP N 2002, p. 921
- Savary-Bourgeois
Le cadre juridique du droit de préemption commercial : JCP N 2010, 1123
- Teilliais
Cession de bail commercial et clause de solidarité : AJPI 1997, p. 28
- Thullier
Transfert judiciaire du bail, sort du pacte de préférence : JCP N 2007, II, 10114
Sauvegarde du commerce de proximité : droit de préemption : JCP E 2008, act. 17
Modèles de déclaration préalable à la cession des fonds de commerce, artisanaux et baux commerciaux : Loyers et copr. 2008, alerte 29
Fascicule de synthèse : JCl. Bail à loyer, n° 110.
Note de la rédaction – Mise à jour du 18/05/2016
Bibliographie
Simplification des formalités liées à la cession d’un fonds de commerce : D.O Actualité 38-39/2015, n° 33
- Brignon
Les baux commerciaux et la vente des fonds de commerce après la loi Macron : JCP E 2015, 1484
- Denizot
Le créancier nanti et la cession du droit au bail : « les textes avant tout ! » : JCP N 2015, n° 8-9, act. 289
- P. Dumond-Lefranc
La cession isolée du contrat de bail commercial : Rev. proc. coll. 2015, dossier 25
- Durand-Pasquier
Florilège de quelques difficultés soulevées par les droits de préemption et autres priorités d’achat nouvellement institués ou modifiés : Constr.-Urb. 2015, alerte 30
Inforeg
Transmission d’entreprise : Céder son fonds de commerce ou céder ses droits sociaux. Quels enjeux juridiques : CDE 2015, prat. 13
Le sort du bail commercial lors du départ à la retraite du commerçant : CDE 2016, prat. 8
- Kenderian
Bail commercial : de la garantie solidaire du cédant à celle du cessionnaire ? : JCP E 2015, 590
- Leveneur et Th. Semere
Droit de préférence et préemption : JCP N 2015, n° 11, 1093
- Noblot
La clause de garantie solidaire du cédant dans un bail commercial : Contrats, conc. consom. 2015, form. 10
- Rezek
Pour une bonne réalisation de la vente d’un fonds de commerce. Forme et fond après la loi Macron : JCP N 2015, n° 45, 1198
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