[Lexis 360 Notaires] fiche pratique – Rédiger une libéralité graduelle

 

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Les fiches pratiques, conçues par et pour des notaires, constituent un véritable guide  opérationnel et couvrent tous les principaux champs de l’activité d’u ne étude (conseil préalable , rédaction, formalités , taxation etc.).

N° 1743 – Rédiger une libéralité graduelle

Date de fraîcheur : 8 Avril 2016

Rédigé pour le JurisClasseur Pratique notariale – Les actes

actualisé par :

Nathalie LEVILLAIN

Diplôme supérieur du notariat

  1. Éléments-clés

Une libéralité graduelle est une libéralité (donation entre vifs ou legs), contenant une clause aux termes de laquelle le disposant charge le gratifié de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié désigné dans l’acte. La clause graduelle ne peut être stipulée que sur un seul degré.

La libéralité graduelle peut être consentie au profit de toute personne ayant la capacité de recevoir sans qu’un lien de parenté entre donateur et donataire ne soit exigé. Toutefois, si elle porte sur la réserve d’un présomptif héritier réservataire, la clause graduelle ne peut être stipulée qu’au profit des enfants nés ou à naître du premier gratifié et avec l’accord du premier gratifié. À défaut, ce dernier peut demander le cantonnement de la charge.

Il est possible d’insérer une clause graduelle dans une libéralité portant sur tout bien meuble ou immeuble. Toutefois si cette clause porte sur une somme d’argent, il est nécessaire de prévoir une clause d’emploi des deniers. La charge portera alors sur le bien acquis en emploi de la somme donnée.

Jusqu’à son décès, le premier gratifié est propriétaire des biens donnés ou légués mais ne peut les aliéner ni entre vifs ni à cause de mort. À son décès, ils sont transmis au second gratifié, qui pourra en disposer librement.

Pour garantir l’efficacité de la charge, la loi préconise de prendre des garanties et sûretés.

Fiscalement, l’opération s’analyse comme une double mutation à titre gratuit faite par le disposant. Lors de la transmission des biens au premier gratifié, des droits de mutation à titre gratuit sont perçus en fonction du lien de parenté disposant/premier gratifié. Au décès du premier gratifié, les droits de mutation sont perçus en fonction du lien de parenté disposant/second gratifié avec possibilité de déduire les droits payés lors de la première mutation.

  1. Textes
  • civ., art. 1048 à 1056(L. n° 2006-728, 23 juin 2006)
  • CGI, art. 784 C
  1. Bibliothèque LexisNexis

3.1.  Fiches pratiques 

  • Fiche pratique n° 1708 ou  Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1210,  Donation
  • Fiche pratique n° 1703 ou  Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1215,  Donation de biens immobiliers
  • Fiche pratique n° 1704 ou  Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1220,  Donation de biens mobiliers
  • Fiche pratique n° 1744 ou  Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1300,  Libéralité résiduelle

3.2.  Fascicules du JurisClasseur 

  • Ingénierie du patrimoine, Fasc. 1180
  • Notarial Formulaire, V° Libéralités graduelles et résiduelles, fasc. 10
  1. Mise au point de la stratégie avec le client

1.1.  Analyse de l’objectif du client 

Choix de la libéralité graduelle. – La libéralité graduelle est très contraignante pour le premier gratifié. Il ne peut en effet que jouir des biens donnés, sans pouvoir en disposer ni entre vifs, ni à cause de mort. Les biens sont hors du commerce jusqu’à son décès. Mais en tant que propriétaire, le gratifié doit payer toutes les dépenses qu’elles soient d’entretien ou de conservation. Ces contraintes justifient que le notaire analyse parfaitement les besoins de son client ainsi que ses objectifs, avant de conseiller une telle libéralité. Il sera notamment tenu compte de la personne du premier gratifié : enfant handicapé, enfant prodigue ou incompétent pour gérer les biens ou simplement enfant sans postérité, mais également, dans un souci fiscal, de la personne du gratifié en second. Le maintien de certains biens dans la famille peut justifier une libéralité graduelle.

Domaine quant aux personnes. – La libéralité graduelle peut être consentie à toute personne physique ou morale ayant la capacité de recevoir à titre gratuit (C. civ., art. 1048). Il n’existe donc plus aucune restriction concernant le premier et le second gratifié. Aucun lien de parenté n’est exigé ni entre le disposant et le premier gratifié, ni entre ce dernier et le second gratifié. Cette liberté offre d’importantes possibilités qui permettent en outre de limiter le coût fiscal de la transmission au second gratifié :

  • libéralité graduelle consentie au conjoint à charge pour lui de conserver et transmettre les biens à la famille par le sang du disposant ;
  • libéralité graduelle au profit d’un enfant handicapé ou sans postérité afin de lui assurer sa vie durant des moyens de subsistance, et désignation des cohéritiers de cet enfant ou de leurs descendants comme seconds gratifiés.

Domaine quant aux biens. – Le domaine quant aux biens est vaste puisque l’article 1049 du Code civil énonce seulement que la libéralité graduelle doit porter sur des biens ou des droits identifiables à la date de la transmission : meuble corporel ou incorporel, immeuble, droits sociaux, créances…

Attention  :  Si la libéralité porte sur une somme d’argent, certaines précautions sont à prendre pour assurer l’efficacité de la clause graduelle.

Soit la libéralité a pour objet une somme identifiable placée sur un support financier (produits capitalisation, assurance-vie, compte rémunéré, compte-courant d’associé….), la clause graduelle sera efficace à condition de prévoir une clause d’emploi des capitaux placés dans l’éventualité où les placements arrivent à échéance.

Soit la libéralité porte sur une simple somme d’argent, l’efficacité de la libéralité est subordonnée à la stipulation d’une clause d’emploi des fonds précisant la nature des biens à acquérir (immeuble, valeurs mobilières…). La clause graduelle porte alors sur les biens acquis en emploi.

Limitation de la charge à un seul degré. – La libéralité graduelle n’est autorisée que sur un seul degré. Le disposant ne peut assurer la conservation d’un bien de famille en stipulant une clause obligeant le gratifié en second à conserver et transmettre les biens donnés. Si une telle clause était néanmoins insérée dans l’acte de donation ou dans le testament, la libéralité demeurerait valable mais la clause serait inapplicable au second gratifié (C. civ., art. 1053).

Protection de la réserve héréditaire. – En principe, la libéralité graduelle ne doit pas porter sur la réserve du premier gratifié qui doit être transmise libre de toute charge (C. civ., art. 1054, al. 1er. – Sur la renonciation anticipée à l’action en réduction, V. Fiche pratique n° 1783 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1470, Renonciation anticipée à l’action en réduction). En cas de donation graduelle, si la charge risque d’affecter tout ou partie de la réserve du premier gratifié, celui-ci peut renoncer par anticipation à demander la réduction de ladite donation, soit dans l’acte de donation lui-même, soit dans un acte postérieur respectant les conditions de forme de l’article 930 du Code civil  afin de garantir l’efficacité de la donation (C. civ., art. 1054, al. 2). En cas de legs graduel, le légataire dispose d’un délai d’un an à compter du jour où il a eu connaissance du testament pour demander à ce que sa part de réserve soit libérée de la charge qui la grève, à défaut il doit en assumer l’exécution (C. civ., art. 1054, al. 3).

Attention  :  Le notaire doit informer son client que l’efficacité d’un legs graduel portant sur tout ou partie de la réserve du premier gratifié dépend de la volonté de ce dernier. En cas de donation graduelle portant sur la réserve du premier gratifié, le seul moyen de s’assurer que la charge ne sera pas remise en cause au décès du disposant est de faire renoncer le premier gratifié à demander la réduction de cette donation, ce qui devrait en pratique être plus aisé à réaliser dans l’acte de donation lui-même. La charge portant sur la part de réserve du grevé, avec son consentement, bénéficie de plein droit, dans cette mesure, à l’ensemble de ses enfants nés et à naître (C. civ., art. 1054, dernier al.).

Effets de la libéralité graduelle à l’égard du premier gratifié. – Le premier gratifié a en principe le pouvoir d’aliéner les biens donnés. Toutefois, en raison de l’obligation de conserver grevant les biens, il ne peut en disposer sa vie durant car son droit de propriété est frappé d’une inaliénabilité sous condition résolutoire, subordonnée à la survie du second gratifié. En cas de survie du second gratifié, ces actes seront rétroactivement résolus. Ce n’est qu’en cas de prédécès du second gratifié, et en l’absence de désignation d’un autre bénéficiaire en second, que les aliénations et les constitutions de droits réels seront consolidées, en raison de la caducité de la charge stipulée.

Attention  :  Lorsque la libéralité graduelle porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, le premier gratifié peut procéder à des arbitrages et donc aliéner les valeurs mobilières sans remettre en cause la libéralité. La subrogation réelle est en effet admise dans cette hypothèse particulière afin de permettre la gestion du portefeuille (C. civ., art. 1049, al. 2).

Conservation en nature et conservation en valeur. – En principe les biens donnés doivent être conservés en valeur, sauf pour les portefeuilles de valeurs mobilières (C. civ., art. 1049). Cela exclut-il toute possibilité de subrogation lorsque la libéralité porte sur d’autres biens que des valeurs mobilières ?

Il a été démontré d’une part que l’obligation de conservation en nature pouvait être contournée en apportant les biens à donner à une société civile. La libéralité graduelle porte alors non pas sur les biens mais sur les parts sociales, qui seules doivent être conservées en nature. Les aménagements statutaires permettent d’assurer la conservation en valeur des biens apportés à la société.

Certains auteurs notent d’autre part que l’obligation de conservation en nature n’est pas d’ordre public. Ils considèrent que les parties peuvent conventionnellement écarter l’obligation de conservation en nature et prévoir une obligation de conservation en valeur des biens donnés, ce qui permet de conférer au grevé un plus grand pouvoir de gestion. Des précautions doivent être prises dans l’acte de donation ou le testament afin d’encadrer le remploi des fonds provenant de la vente des biens donnés.

Garanties et sûretés. – Le disposant peut prescrire toutes les garanties nécessaires à la bonne exécution de la charge (C. civ., art. 1052). En particulier en cas de libéralité portant sur une universalité de biens meubles, il pourra exiger qu’un inventaire soit dressé. Si la libéralité porte sur un immeuble, la charge de conserver et transmettre ainsi que la clause d’inaliénabilité seront publiées.

Droits du second gratifié. – Les droits du second gratifié s’ouvrent à la mort du légataire ou du donataire grevé de la charge ; ce n’est qu’à cette date qu’il devient propriétaire des biens ou des droits objets de la donation ou du legs (C. civ., art. 1050, al. 1er) ; ses droits peuvent néanmoins s’ouvrir par anticipation dans les cas où le premier gratifié lui abandonne la jouissance des biens concernés (C. civ., art. 1050, al. 2).

Remarque  :  Cette modalité peut jouer un rôle, si le premier gratifié n’a plus l’utilité du bien transmis. Tel sera le cas, par exemple, si une personne âgée est hébergée dans une maison de retraite, n’utilise plus l’appartement dont elle avait été gratifiée et souhaite en faire profiter ses enfants, désignés comme seconds bénéficiaires de la libéralité graduelle.

Incidences liquidatives du décès du premier gratifié. – Le second gratifié est réputé tenir ses droits du disposant et non pas du premier gratifié (C. civ., art. 1051). Cette fiction juridique fait échapper les biens reçus par le second gratifié aux règles du rapport et de l’imputation applicables à la succession du premier gratifié.

Caducité de la clause de substitution. – L’article 1056 du Code civil  prévoit deux causes de caducité de la libéralité graduelle. La clause de substitution ne produit pas d’effet, d’une part, lorsque le gratifié en second décède avant le premier gratifié. Les biens donnés ou légués ne seront pas transmis à ses héritiers, sauf accord du disposant, mais dépendront de la succession du premier gratifié (C. civ., art. 1056). Le gratifié en second peut, d’autre part, renoncer au bénéfice de la libéralité graduelle. Dans ce second cas, les biens donnés ou légués dépendent également de la succession du premier gratifié.

Remarque  :  Pour éviter cette conséquence, notamment lorsque le gratifié en premier est un incapable, le disposant peut, soit prévoir expressément dans l’acte que les biens seront recueillis par les héritiers du gratifié en second, soit désigner un autre gratifié en second.

 

Acceptation de la donation graduelle. – Comme toute donation, la donation graduelle peut être acceptée par le premier et le second gratifié dans l’acte de donation lui-même ou dans un acte postérieur. L’acceptation par acte séparé doit être notifiée au donateur dans les formes requises en matière de donation (C. civ., art. 1055, al. 1er). Toutefois, par dérogation à l’article 932 du Code civil , la donation graduelle peut être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur (C. civ., art. 1055, al. 2). Cette possibilité permet au disposant de conserver jusqu’à son décès la faculté de révoquer la donation graduelle à l’égard du second gratifié. La donation graduelle révoquée à l’égard du second gratifié devient une donation ordinaire à l’égard du premier gratifié.

 

Efficacité du legs graduel. – À la différence de la donation graduelle, le legs graduel ne produit aucun effet du vivant du disposant. Son efficacité dépend tout d’abord de l’acceptation du premier légataire. Sans cette acceptation, le legs graduel ne produit aucun effet. Les biens légués se retrouvent dans la succession légale. Par ailleurs, si le second gratifié renonce au legs, la libéralité devient un legs ordinaire au profit du premier gratifié. Si le disposant souhaite que la libéralité graduelle soit pleinement efficace, le notaire lui conseillera d’opter pour une donation graduelle, avec éventuellement une réserve d’usufruit, s’il ne souhaite pas se dessaisir immédiatement des biens donnés.

 

Intérêt fiscal de la libéralité graduelle. – La libéralité graduelle est doublement taxée : taxation lors de la transmission des biens par le disposant au premier gratifié, puis seconde taxation au décès de ce dernier. Pour cette seconde taxation, les biens, évalués au décès du premier gratifié, subissent les droits de mutation en fonction du lien de parenté entre le disposant et le second gratifié. Il est donc important de choisir judicieusement ce dernier. On déduit par ailleurs des droits à payer par le second gratifié, le montant des droits acquittés par le premier (CGI, art. 784 C).

 

1.2.  Choix à exercer 

 

Il conviendra de contrôler :  

 

  • Capacité des parties et éventuellement la validité des procurations ;
  • Biens donnés et absence d’obstacle à la donation lorsque le bien provient d’une donation : droit de retour, interdiction d’aliéner, etc. ;
  • Lien de parenté ou d’alliance entre le donateur et le premier gratifié en cas de donation graduelle ;
  • Autres liens possibles entre gratifiés et disposant (médecin/patient…) pour vérifier qu’il n’existe pas d’interdiction de recevoir ;
  • Existence de donation antérieure par le donateur au donataire ;
  • Situation personnelle des gratifiés : nombre d’enfants, personne handicapée… pour l’application des règles fiscales.

 

Informer ou non le second gratifié. – En cas de donation graduelle, le donateur devra décider s’il souhaite informer ou non le second gratifié de la libéralité qu’il lui consent. Une intervention du second gratifié dès l’acte de donation permet de garantir la pleine exécution de la donation graduelle. Ainsi lorsque le gratifié est un enfant handicapé, le donateur est assuré que les biens donnés seront dévolus, à moindre coût fiscal, selon sa volonté.

 

Remarque  :  Le donateur a la possibilité toutefois, en cas d’incertitude quant à l’acceptation du second gratifié, de désigner un second gratifié subsidiaire (C. civ., art. 1056). Limitant ainsi les risques, le donateur pourra préférer ne pas informer le donataire en second, afin de conserver la faculté de révoquer la donation à l’égard de ce dernier, jusqu’à la date où il lui fera mention de l’acte, voire jusqu’à son décès (C. civ., art. 1055).

 

1.3.  Conseils à donner 

 

Indisponibilité du bien donné. – La libéralité graduelle rend le bien donné indisponible jusqu’au décès du premier gratifié. Le notaire doit s’assurer que le disposant et le premier gratifié ont bien compris les conséquences d’une telle libéralité et qu’elle correspond bien à leur souhait. Si le disposant souhaite que le premier gratifié puisse disposer à titre onéreux du bien donné en cas de besoin, on lui conseillera alors de consentir une libéralité résiduelle et non pas graduelle.

 

Faculté d’abandon de la jouissance des biens donnés. – Le notaire informera le premier gratifié de la faculté qui lui est offerte par la loi d’abandonner la jouissance des biens donnés par anticipation au profit du second gratifié. Par convention, ce dernier s’engagera alors à assumer l’intégralité des charges relatives aux biens donnés.

 

  1. Vérifications préalables

 

Il conviendra de contrôler : 

 

  • Capacité des parties (notamment, la capacité du testateur, en cas de legs) ;
  • Lien de parenté éventuel entre le donateur et le premier gratifié ainsi que le second gratifié ;
  • Objet de la donation : le donateur est-il bien propriétaire des biens donnés ? Doit-il obtenir le consentement d’un tiers (conjoint, associé en cas de cession de parts sociales…) pour transmettre ces biens ?
  • Nature des biens (pour les valeurs mobilières, rappeler la faculté de procéder à des arbitrages).

 

2.1.  Parties à l’acte 

 

2.1.1.  Capacité 

 

Capacité du disposant. – Les règles de capacité dépendent de la nature de la libéralité. En cas de donation graduelle, on appliquera les règles de capacité des donations en général (sur la donation, V. Fiche pratique n° 1708 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1210, Donation). En cas de legs graduel, ce sont les conditions de capacité pour tester qui s’appliquent (sur le testament, V. Fiche pratique n° 1795 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1525, Testament).

 

Capacité du premier et du second gratifié. – Le premier et le second gratifié doivent avoir la capacité de recevoir à titre gratuit (sur la donation et le testament, V. Fiche pratique n° 1708  ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1210, Donation et  Fiche pratique n° 1795 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1525, Testament). Pour le gratifié en premier, on appliquera les règles de capacité relatives à l’acceptation d’une donation ou d’un legs avec charge. Lorsque la charge stipulée porte atteinte à la part de réserve du premier gratifié, celui-ci ne peut renoncer à demander la réduction de la donation graduelle, que s’il a la capacité de renoncer par anticipation à l’action en réduction, même, selon nous, si cette renonciation est faite dans l’acte de donation lui-même (sur la renonciation anticipée à l’action en réduction, V. Fiche pratique n° 1783 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1470, Renonciation anticipée à l’action en réduction).

 

2.1.2.  Pouvoirs 

 

Représentation du disposant. – La représentation du disposant ne se conçoit qu’en cas de donation graduelle, le testateur ne pouvant être représenté. Le donateur peut donner procuration à l’effet de consentir la donation. Cette procuration doit être spéciale, s’agissant d’un acte de disposition, et comporter les éléments essentiels de l’acte de donation. Cette procuration doit être passée devant notaire et une copie authentique (expédition) sera annexée à l’acte de donation.

 

Représentation des gratifiés. – Les règles de représentation dépendent de la nature de la libéralité. Pour accepter une donation graduelle du vivant du donateur, le premier gratifié tout comme le second, doivent signer une procuration authentique devant notaire dont une copie authentique (expédition) sera annexée à la minute de la donation ou à la minute de l’acceptation si elle est faite par acte séparé (C. civ., art. 933). Lorsque le second gratifié accepte la donation graduelle après le décès du donateur, il semble qu’il faille appliquer les règles de représentation relatives aux legs, tout comme en cas de représentation du premier et du second légataire d’un legs graduel (sur les legs, V. Fiche pratique n° 1601 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1290, Legs).

 

2.2.  Bien donné ou légué 

 

Une libéralité graduelle peut porter sur tous types de biens ou droits. On rappellera que lorsqu’elle porte sur un portefeuille de titres, la subrogation réelle est exceptionnellement admise : le premier gratifié peut donc procéder à des arbitrages.

 

2.3.  Licéité de l’opération 

 

Substitution sur un degré seulement. – La charge de conserver et transmettre les biens donnés ou légués ne peut peser que sur un degré. Si elle a été stipulée au-delà d’un degré, elle demeure valable mais uniquement pour le premier degré (C. civ., art. 1053). Le disposant ne peut donc prévoir la dévolution de ses biens sur plusieurs générations.

 

2.4.  Renseignements à obtenir des parties 

 

Les parties ne devront fournir ces renseignements qu’en cas de donation graduelle. Pour le legs graduel, le testateur n’a à fournir que son état civil, dans l’éventualité où le testament est rédigé en la forme authentique.

 

Renseignements à obtenir du donateur. – Le notaire doit obtenir du donateur les renseignements suivants :

 

  • renseignements d’état civil ;
  • situation matrimoniale et s’il est marié, le contrat de mariage, le cas échéant ;
  • renseignements relatifs au bien donné, en fonction de sa nature ;
  • origine du bien ;
  • renseignements d’état civil du conjoint du donateur marié en cas d’aliénation d’un bien commun ou du logement de la famille.

 

Renseignements à obtenir du premier donataire. – Le premier gratifié doit fournir les renseignements suivants :

 

  • renseignements d’état civil ;
  • situation matrimoniale et si le donataire est marié, contrat de mariage, le cas échéant ;
  • pour des raisons fiscales : nombre d’enfants et handicap éventuel.

 

2.5.  Pièces à demander 

 

Le notaire doit demander divers documents en cas de donation graduelle :

 

  • un extrait d’acte de naissance du donateur et du donataire ;
  • un extrait d’acte de mariage des parties et une copie du contrat de mariage, le cas échéant ;
  • un extrait d’acte de naissance du conjoint du donateur et s’il doit intervenir à l’acte, le titre de propriété des biens donnés ;
  • selon leur nature, justification des donations antérieures consenties au donataire ou formulaire de déclaration de don manuel ;
  • une copie du livret de famille du donataire, s’il a des enfants ;
  • enfin, un extrait d’acte de naissance du testateur, en cas de legs graduel par testament authentique.

 

Handicapé. Mineur ou majeur protégé. – Le notaire demandera une copie de la carte d’invalidité du donataire, s’il est handicapé, l’autorisation éventuelle du conseil de famille ou du juge en cas de donation avec charges consentie à un majeur sous tutelle ou à un mineur non émancipé, pour les donations graduelles uniquement.

 

  1. Rédaction

 

Il conviendra de contrôler : 

 

  • État civil, capacité et pouvoirs du testateur en cas de legs graduel (ou du donateur et des gratifiés en cas de donation graduelle) ;
  • Désignation du bien donné et sa conformité avec les documents cadastraux ;
  • Évaluation des biens donnés ;
  • Origine des biens donnés ;
  • Déclarations des parties, sur le plan juridique et fiscal.

 

1.1.  Désignation des biens donnés 

 

La désignation des biens donnés dépend de leur nature (sur les biens immobiliers et mobiliers, V. Fiche pratique n° 1703  ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1215, Donation de biens immobiliers et  Fiche pratique n° 1704 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1220, Donation de biens mobiliers).

 

1.2.  Clauses usuelles 

 

Charges et conditions. – La clause relative aux charges et conditions générales de la donation est à rédiger selon la nature des biens donnés (sur les biens immobiliers et mobiliers, V. Fiche pratique n° 1703  ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1215, Donation de biens immobiliers et  Fiche pratique n° 1704 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1220, Donation de biens mobiliers).

 

Droit de retour conventionnel. – La clause de droit de retour conventionnel dans la donation graduelle n’est à stipuler que dans l’éventualité d’un prédécès du premier et du second gratifié (C. civ., art. 951). Un droit de retour conventionnel stipulé au décès du premier donataire ne permettrait pas en effet la mise en œuvre de la charge de conserver et de transmettre.

 

Interdiction d’aliéner. – La clause d’interdiction d’aliéner permet de garantir le respect de l’obligation de conserver les biens donnés (C. civ., art. 900-1).

 

Déclarations fiscales. – Dans la donation graduelle, en principe, seul le donateur et le premier donataire font les déclarations fiscales. Si le second gratifié intervient à l’acte pour accepter la donation qui lui est faite, il peut déclarer entendre bénéficier du tarif et des abattements lui profitant en fonction de son lien de parenté avec le donateur, mais la taxation de la mutation se fera au décès du premier gratifié.

 

1.3.  Clauses particulières 

 

Charge de conserver et de transmettre. – La donation graduelle contient obligatoirement une clause obligeant le premier gratifié à conserver sa vie durant les biens donnés et à les transmettre à un second gratifié désigné dans l’acte. Cette charge ne doit en principe pas porter sur la part de réserve du gratifié.

 

Attention  :  Lorsque la libéralité est faite en avancement de part successorale, le gratifié pourra demander à l’ouverture de la succession le cantonnement de la charge à la fraction de libéralité excédant sa part de réserve, c’est-à-dire s’imputant sur la quotité disponible (C. civ., art. 1054, al. 1er). Si le gratifié accepte que la charge grève sa part de réserve – soit dans l’acte de donation soit dans les conditions prévues par l’article 930 du Code civil  – elle ne peut alors profiter qu’à tous ses enfants nés et à naître.

 

Garanties et sûretés. – Le donateur peut prendre toutes les mesures conservatoires qu’il jugera utiles afin de garantir l’exécution de la charge ainsi stipulée. Ces mesures seront prises en fonction de la nature des biens donnés (hypothèque sur les biens immobiliers, inventaire en cas de libéralité portant sur une universalité de biens, cautionnement…).

 

  1. Formules

 

  • JCl. Notarial Formulaire, V° Donation entre vifs, fasc. 245
  • JCl. Notarial Formulaire, V° Testament, fasc. 165

 

  1. Formalités

 

1.1.  Formalités fiscales 

 

Le notaire procède à l’enregistrement de la donation graduelle et assure le paiement des droits de mutation à titre gratuit s’il en est dû. En cas de legs graduel par testament olographe, le notaire enregistre le testament au fichier central des dernières volontés.

 

1.2.  Publicité foncière 

 

Lorsque la donation porte sur des droits ou biens immobiliers, elle est publiée au service chargé de la publicité foncière (sur les biens immobiliers, V. Fiche pratique n° 1703 ou Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1215, Donation de biens immobiliers). Les donations immobilières sont depuis le 1er juillet 2004 soumises à la formalité fusionnée. Il est par ailleurs recommandé d’établir une attestation de propriété constatant le transfert de propriété au décès du premier grevé, en y annexant un extrait d’acte de décès.

 

  1. Taxation

 

2.1.  Enregistrement 

 

Enregistrement. – Les droits d’enregistrement de la donation graduelle sont perçus en fonction du lien de parenté entre le donateur et le premier gratifié, après déduction éventuelle de l’abattement dont peut se prévaloir le donataire (CGI, art. 784 C). Si la donation porte sur une entreprise individuelle, la réduction de droit prévue par l’article 790 du CGI est applicable.

 

Attention  :  Au décès du premier gratifié, le second gratifié devra acquitter les droits de mutation en fonction de son lien de parenté avec le disposant, sur la valeur des biens au jour de ce décès. Il pourra déduire les droits éventuellement acquittés par le premier gratifié (CGI, art. 784 C, al. 2 et 3). Le second gratifié bénéficie alors non seulement du tarif applicable selon son lien de parenté avec le disposant mais également de l’abattement applicable au jour de la mutation à titre gratuit, même si le disposant est décédé au moment de l’exécution de la charge. Seules les réductions de droit prévues 790 du CGI deviennent inapplicables du fait du décès du donateur (BOI 7 G-6-07, n° 121, 22 nov. 2007, spéc. n° 80). Ainsi si le second gratifié est un petit-enfant du donateur, il bénéficie de l’abattement prévu par l’article 790 B du CGI (31 865 € en 2016) et non pas de celui prévu par l’article 788, IV, du CGI  (1 594 € en 2016).

 

Legs graduel. – Les droits de mutation ne sont exigibles qu’au décès du testateur, puis au décès du premier légataire, selon les mêmes règles que la donation graduelle.

 

2.2.  Rémunération du notaire 

 

2.2.1.  Tarif issu du décret du 8 mars 1978 

 

Donation graduelle. – L’émolument dû au notaire se calcule sur la valeur des biens donnés, soit, en cas de donation graduelle :

 

  • Si la donation est acceptée (sans distinction de ligne) : tarif S1, coefficient 1,25.

 

 

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17 000 €

 

 

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229,12 €

 

 

17 000

 

 

60 000 €

 

 

1,6500

 

 

369,37 €

 

 

Au-delà

 

 

 

 

 

1,2375

 

 

616,87 €

 

 

 

  • Si la donation n’est pas acceptée : tarif S1, coefficient 0,90.
  • Si la donation est acceptée par acte séparé : tarif S1, coefficient 0,35 (D. n° 78-262, 8 mars 1978 , tableau I, n° 43, mod. par n° 2011-188, 17 févr. 2011 . – V. JCl. Pratique notariale –  Commentaire du tarif des notaires, Fasc. 940 ).

 

Legs graduel. – Le testament authentique ou le testament mystique donne lieu à la perception d’un émolument fixe de 30 unités de valeur, soit 117 € HT ou 140,40 € TTC lorsqu’il est reçu à l’étude.

 

Le dépôt d’un testament olographe à l’étude est rémunéré par la perception d’un émolument fixe de 7 unités de valeur qui sera perçu seulement au décès, soit 27,30 € HT ou 32,76 € TTC (D. n° 78-262, 8 mars 1978 , tableau I, n° 85 et 86, mod. par  D. n° 2011-188, 17 févr. 2011 . – V. JCl. Pratique notariale –  Commentaire du tarif des notaires, Fasc. 1420 et 1430).

 

2.2.2.  Tarif issu des décret et arrêté du 26 février 2016 

 

Donation graduelle. – L’émolument dû au notaire se calcule sur la valeur des biens donnés en pleine propriété (y compris en cas de réserve d’usufruit) par chaque donateur (C. com., art. A. 444-67. – Numéro 16 à 18 du tableau 5). Cet émolument dépend de l’acceptation de la donation.

 

  • Si la donation est acceptée (sans distinction de ligne) ( com., art. A. 444-67, 1° – Numéro 16 du tableau 5) :

 

 

De 

 

 

À 

 

 

 % 

 

(TVA comprise)

 

 

Ajouter 

 

(TVA comprise)

 

 

0

 

 

6 500 €

 

 

5,9172

 

 

 

 

 

6 500

 

 

17 000 €

 

 

2,4408

 

 

274,78 €

 

 

17 000

 

 

60 000 €

 

 

1,6272

 

 

364,28 €

 

 

Au-delà

 

 

 

 

 

1,2204

 

 

608,36 €

 

 

 

  • Si la donation n’est pas acceptée ( com., art. A. 444-67, 2° – Numéro 17 du tableau 5):

 

 

 

De 

 

 

À 

 

 

 % 

 

(TVA comprise)

 

 

Ajouter 

 

(TVA comprise)

 

 

0

 

 

6 500 €

 

 

4,2600

 

 

 

 

 

6 500

 

 

17 000 €

 

 

1,7580

 

 

162,63 €

 

 

17 000

 

 

60 000 €

 

 

1,1712

 

 

262,39 €

 

 

Au-delà

 

 

 

 

 

0,8784

 

 

438,07 €

 

 

 

  • L’acte séparé d’acceptation de la donation, qu’il s’agisse de l’acceptation du premier ou du second gratifié est soumis aux émoluments suivants ( com., art. A. 444-67, 3° – Numéro 18 du tableau 5):

 

 

De 

 

 

À 

 

 

 % 

 

(TVA comprise)

 

 

Ajouter 

 

(TVA comprise)

 

 

0

 

 

6 500 €

 

 

1,6572

 

 

 

 

 

6 500

 

 

17 000 €

 

 

0,6840

 

 

63,26 €

 

 

17 000

 

 

60 000 €

 

 

0,4560

 

 

102,02 €

 

 

Au-delà

 

 

 

 

 

0,3420

 

 

170,42 €

 

 

 

Attention  :  Pour les biens ou droits entrant dans le champ d’application de l’émolument proportionnelle mais dont la valeur est inférieure au seuil de 500 €, il est appliqué un émolument fixe dont le montant en euros est égal au produit de ce seuil et du taux applicable à la première tranche d’assiette du barème correspondant (C. com., art. A. 444-58, 2°).

 

Pour les émoluments relatifs aux donations de créances, espèces ou valeurs mobilières cotées : V. Fiche pratique n° 1704  ou  JCl. Pratique notariale – Les actes, Fasc. 1220, Donation de biens mobiliers.

 

Legs graduel. – Le testament authentique ou le testament mystique donne lieu à la perception d’un émolument fixe de 115,39 € HT ou 138,47 € TTC (C. com., art. A. 444-60, 1° – Numéro 3 du tableau 5).

 

Le dépôt d’un testament olographe à l’étude avant décès est rémunéré par la perception d’un émolument fixe de 26,92 € HT ou 32,30 € TTC (C. com., art. A. 444-60, 1° – Numéro 4 du tableau 5).

 

  1. Check-list

 

Préparation du rendez-vous client : 

 

  • Rechercher la motivation du client pour stipuler une clause graduelle ;
  • Expliquer les avantages et les inconvénients (notamment pour le premier gratifié) d’une telle clause ;
  • s’informer sur la capacité des parties (notamment, la capacité du testateur, en cas de legs) ;
  • S’informer sur le lien de parenté éventuel entre le donateur et le premier gratifié ainsi que le second gratifié ;
  • Opportunité de désigner un second gratifié subsidiaire ;
  • Opportunité d’informer le donataire en second dès l’acte de donation ;
  • Information sur les biens donnés : nature des biens, pouvoirs du disposant sur les biens… ;
  • Quelles garanties sont envisagées pour assurer l’efficacité de la charge ?

 

Préparation de l’acte de donation :

 

  • Fiche pratique n° 1703  : Rédiger une donation de biens immobiliers et  Fiche pratique n° 1704  : Rédiger une donation de biens mobiliers

 

Particularités : 

 

  • Rédaction de la clause graduelle en tenant compte de la particularité des biens donnés, de la volonté de désigner un ou plusieurs seconds gratifiés subsidiaires ;
  • Déclarations fiscales spécifiques.

 

Formalités postérieures à l’acte : 

 

  • En cas de legs graduel : enregistrement du testament et inscription au fichier central des dernières volontés ;
  • En cas de donation : enregistrement et publicité foncière ou signification à la société et formalités au greffe, le cas échéant.

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