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3 questions à Élodie Mulon, avocat, cabinet Mulon et associés , présidente de l’Institut de droit de la famille et du patrimoine
« En matière familiale, la plus-value de l’avocat est dans l’accord, plutôt que dans le contentieux »
Le 1 er septembre dernier, Élodie Mulon prenait ses fonctions à la tête de l’Institut de droit de la famille et du patrimoine (IDFP) (V. supra JCP G 2016, act. 1029, Portrait). À ses côtés, Anne-Marion de Cayeux, cabinet de Cayeux, Emmanuelle Chaillié, cabinet EDC et Stéphanie Travade-Lanoy, cabinet BWG , sont élues vice-présidentes. Un bureau entièrement féminin, prêt à relever les défi s de ce nouveau mandat. Patrimonialisation du droit de la famille, modes alternatifs de résolution des conflits, réappropriation des dossiers par les justiciables, et contractualisation de la discipline, autant d’ajustements que la profession appréhende pour se projeter vers demain. Élodie Mulon éclaire ces moteurs de changement (V. aussi Dr. famille 2016, focus 83 ).
Quelle place les modes alternatifs de résolution des conflits occupent-ils dans votre pratique ?
Élodie Mulon : La profession d’avocats connaît aujourd’hui une véritable évolution. Celle ci est nécessaire. Parallèlement, l’accès à l’information est sans aucun rapport avec ce qu’il était, il y a encore à peine quelques années. Ces constats nous obligent à nous interroger sur ce qui constitue aujourd’hui notre plus-value en tant qu’avocat.
Celle-ci est sans doute différente selon les spécialités, mais, en matière familiale, je considère – et je dois avouer avoir beaucoup évolué à cet égard – que notre plus-value est dans l’accord, plutôt que dans le contentieux.
Il est frappant de constater à quel point les clients sont plus reconnaissants lorsque nous sommes parvenus à trouver des solutions constructives plutôt que lorsque nous avons obtenu gain de cause dans la cadre d’un duel judiciaire. Dès lors que l’on a compris que l’on ne gagne jamais vraiment en matière familiale, car les situations sont rarement binaires, et qu’un succès apparent peut avoir des
effets dévastateurs pour une famille, on se dit qu’il est mieux de convaincre nos clients qu’une solution médiane peut, à terme, être plus satisfaisante.
Cela suppose de bousculer l’état d’esprit des avocats qui, pendant très longtemps, ont été formés pour porter la parole de leur client, alors que leur rôle est au contraire de les conseiller et de
les aider à surmonter une situation présente sans insulter l’avenir.
Cela a beaucoup changé et la formation des avocats, y compris la formation initiale, font la part belle aux modes alternatifs.
À l’EFB, les élèves bénéficient d’un module de formation à ces modes amiables, et j’ai également prévu, comme responsable du module famille, de consacrer une partie de la formation aux modes amiables en matière familiale.
Cela doit devenir le premier réflexe des avocats en la matière :
penser accord, avant de penser contentieux. Cela n’est ni facile, ni même toujours possible, mais
cela doit devenir une priorité.
L’avocat doit aujourd’hui, avant tout, être le conseil avisé des familles, et c’est en étant compétent,
technique et à l’écoute qu’il prend toute sa place dans notre société. Les avocats l’ont compris, ils sont en train d’intégrer cette nouvelle manière d’être dans leur exercice professionnel.
Évidemment, cela ne les empêche pas d’être aussi compétents lorsque l’accord n’est pas possible et qu’ils doivent faire valoir leurs demandes dans le cadre moins apaisé de l’enceinte judiciaire. La technicité est la clé de voûte : elle permet à l’avocat de conseiller et de défendre son client quel que soit le cadre dans lequel il doit le faire. Et, en se plaçant sur le terrain de la technique et non de l’émotion, il parvient à garder la distance nécessaire, ce qui peut également permettre de revenir à un mode amiable alors même que le contentieux est lancé. On ne peut d’ailleurs que saluer, à cet égard, le fait que le projet de loi J21 permette enfin d’avoir recours à une procédure participative, même si l’instance a déjà été engagée.
Quel intérêt le barreau de famille porte-t-il au droit collaboratif ?
É. M. : Le droit collaboratif est arrivé en France, en 2007, sous l’égide de l’IDFP, sous la présidence d’Élisabeth Deflers et de la vice-présidence de Béatrice Weiss-Gout. Il s’agit d’un processus d’accord dont l’objectif est de rechercher une solution acceptable pour les deux clients, sans vainqueur, ni gagnant, qui soit globale et exhaustive sur tous les points, permettant ainsi d’assurer la pérennité de celle ci.
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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 40 – 3 OCTOBRE 2016