LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait du « Guide du jeune avocat 2017 »
I – Aperçu rapide
A – Caractéristiques générales
1815 Le contredit est, avec l’appel, l’une des voies de recours contre des jugements rendus par les juridictions de premier degré.
Cette voie d’action a un champ limité aux questions de compétence.
Cette voie de recours, en ce qu’elle réfute la compétence de la juridiction saisie, n’est pas ouverte à la partie qui a effectué l’acte de saisine.
B – Conditions d’utilisation
1816 Exclusions du domaine du contredit :
– les décisions du juge de l’exécution (CPC ex., art. R. 121-3) ;
– les ordonnances de référé et les ordonnances du juge conciliateur en matière de divorce ou de séparation de corps (CPC, art. 98) ;
– les ordonnances de mise en état devant le tribunal de grande instance (Cass. 2e civ., 31 janv. 2013, n° 11-25.242, F- P+B : JurisData n° 2013-001101.– V. aussi, Cass. 2e civ., 19 mars 2015, n° 14-15.610 : JurisData n° 2015-005851) ;
– en matière d’incompétence invoquée ou relevée d’office du fait d’une compétence d’une juridiction administrative (CPC, art. 99) ;
– en matière de mise en état (CPC, art. 776) ;
– les décisions mixtes statuant sur la compétence et sur le fond du litige (CPC, art. 78. – Cass. 2e civ., 5 févr. 1997, n° 95-11.518 : JurisData n° 1997-000425 ; Bull. civ. 1997, II, n° 32). Ces décisions ne peuvent être attaquées que par voie d’appel (Cass. com., 14 oct. 2008, n° 06-15.064 : JurisData n° 2008-045379 ; Bull. civ. 2008, IV, n° 169).
La voie de recours par contredit (CPC, art. 80 et 94) est ouverte lorsque :
– le juge statue sur la compétence (le contredit est alors la voie de recours exclusive), et ceci même s’il a dû trancher la question de fond dont dépend la compétence ;
– le juge statue sur sa compétence et ordonne une mesure d’instruction ;
– le juge statue sur sa compétence et ordonne une mesure provisoire ;
– la juridiction statuant en premier ressort se déclare d’office incompétente.
Pour les jugements qui statuent sur la compétence et ordonnent une mesure d’expertise, le contredit et l’appel sont tous deux possibles.
La combinaison des articles 80, alinéa 2 et l’article 272 du Code de procédure civile permet de former un recours à l’encontre d’une décision statuant sur la compétence et une mesure d’expertise.
Sur ce point, il est important de rappeler que la partie qui entend faire un recours contre la décision :
– si elle n’entend critiquer que le chef du jugement qui se prononce sur la compétence, elle doit former un contredit.
Inversement, si elle entend critiquer que le chef du jugement ordonnant une expertise, elle devra solliciter auprès du premier président de la Cour une autorisation d’interjeter appel immédiat ;
– si elle entend critiquer les deux chefs du jugement, elle aura intérêt à former un contredit sur la compétence puis à solliciter auprès du premier président l’autorisation de faire un appel immédiat.
Attention : La cour peut être saisie de la contestation sur la compétence alors même que les parties n’auraient pas formé de contredit (CPC, art. 272, al. 4).
La solution de soumettre à la cour la question de la compétence par la voie de l’appel est possible mais a pour risque de faire dépendre le recours de l’autorisation du premier président et le délai pour former contredit risque d’être écoulé au moment où le premier président rendra par exemple une ordonnance de rejet.
Il est donc important de former en parallèle un contredit.
Exemple : Un demandeur n’est pas recevable à contester la compétence territoriale de la juridiction qu’il a lui- même saisie (Cass. 2e civ., 7 déc. 2000, n° 99-14.902 : JurisData n° 2000-007216 ; Bull. civ. 2000, II, n° 163).
Il n’est pas dérogé à ce principe lorsque cette saisine résulte de la présentation volontaire des parties devant le tribunal de commerce.
Peu importe qu’elle ait été précédée d’une instance en référé (Cass. 2e civ., 15 févr. 2001, n° 99-16.543 : JurisData n° 2001-008344).
Seule la voie du contredit est ouverte contre l’enquête sociale ordonnée par voie (CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 20 mars 1989 : JurisData n° 1989-044100).
Le contredit est fermé, lorsque le tribunal ne se prononce pas sur la compétence (Cass. 2e civ., 30 avr. 2009, n° 08-14.883 : JurisData n° 2009-048040 ; Bull. civ. 2009, II, n° 107).
C – Avis du professionnel
1817 Le contredit est un « passage obligé » des actions formées et reçues devant la mauvaise juridiction.
Sa caractéristique essentielle d’un « appel restreint aux questions de compétences » contraint à la plus grande prudence et à l’attention la plus soutenue quant à son opportunité, surtout au regard d’une possible concurrence avec la procédure d’appel.
En pratique, le demandeur au contredit se retrouvera devant les mêmes magistrats et une même juridiction qu’en étant appelant.
L’intérêt stratégique et la présentation du dossier en deviennent évidemment importants, surtout pour un dossier susceptible de revenir devant les mêmes juges mais siégeant en appel.
Les formes du dépôt du contredit et les effets limitatifs de l’acte même de contredit sur le domaine d’action font de cette voie de recours une procédure essentiellement écrite.
D – Textes
• CPC, art. 80 à 91.
• CPC, art. 95 à 99.
E – Schéma procédural
1818 • Dépôt du contredit, dans les quinze jours suivants celui du prononcé de la décision :
– soit au secrétariat- greffe de la juridiction qui a rendu la première décision si le barreau concerné n’a pas encore standardisé l’utilisation du RPVA en matière de contredit ;
– soit par le biais du RPVA, le contredit devant répondre au format PDF natif (faire attention au délai de traitement dématérialisé de 48 heures supplémentaire à imputer sur le délai légal).
• Ce dépôt a un effet suspensif de l’instance au fond :
– délivrance par voie électronique dans le cas du RPVA ou par le greffe d’un récépissé de remise ;
– notification par le greffe sans délai d’une copie du contredit à la partie adverse ou à son représentant par LRAR ;
– transmission du dossier de l’affaire avec le contredit et la copie du premier jugement au greffier en chef de la cour d’appel. En cas de recours au RPVA, les documents doivent être sous format PDF natif ;
– convocation des parties à l’audience à bref délai par le greffier en chef de la cour d’appel par LRAR ;
– audience :
– une seule audience en principe,
– publique.
– décision notifiée aux parties par LRAR par le greffe ;
– transmission par le greffe du dossier de l’affaire à la juridiction désignée devant laquelle l’instance au fond se poursuit (CPC, art. 97) ;
– pourvoi en cassation possible immédiatement dès le prononcé de la décision (Cass. 1re civ., 11 avr. 1995, n° 93-10.321 : JurisData n° 1995-000882 ; Bull. civ. 1995, I, n° 163).
II – Préparation
A – Informations préalables
1819 La communication des éléments de la procédure ne passe pas obligatoirement par les avocats (mis à part le récépissé de dépôt si l’avocat le fait lui- même directement au secrétariat- greffe).
Le client est alors un intermédiaire dont le rôle sera de veiller à ce que tous les éléments qui lui ont été adressés directement soient ré- adressés à son avocat dans les meilleurs délais.
B – Contrôles préalables
1820 Vérifier :
– si le jugement qui se prononce sur la compétence doit être déféré à la cour par la voie d’un appel (dans le mois de sa signification) ou d’un contredit (dans la quinzaine qui suit la décision) ;
– que le recours sur contredit a été formé dans le délai de quinze jours :
• suivant le lendemain du prononcé du jugement statuant sur la compétence rendu par les premiers juges,
• suivant la notification de la décision, si la date du prononcé du jugement n’a pas été indiquée aux parties (Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 07-21.918, FP+ B. : JurisData n° 2009-046842) ;
– si la demande originelle de première instance (et donc la désignation de la juridiction saisie) n’a pas été introduite par le demandeur à contredit, lequel ne peut pas récuser la juridiction qu’il a luimême saisie ;
– que la juridiction que le requérant formant contredit pense être la bonne le soit bel et bien ;
– le fondement de la règle de compétence que le requérant veut mettre en oeuvre et qu’il ne s’agisse pas d’une compétence alternative à celle retenue par le demandeur en première instance ayant saisi la juridiction ;
– informer le plaideur qui s’il a par erreur formé un contredit alors que la voie de l’appel s’imposait, rien n’est perdu : la cour reste valablement saisie.
L’affaire doit être instruite et jugée selon les règles applicables à l’appel (Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-29.787 : JurisData n° 2014-011598).
C – Pièces nécessaires
1821 La charge de la preuve incombe au requérant : recueillir tous les éléments permettant de procéder à la démonstration que la règle technique retenue est bien celle correspondant au cas d’espèce.
En ce sens, le dossier doit comprendre les pièces suivantes :
– l’acte de contredit, selon les usages de palais en trois exemplaires plus un par partie intervenant au dossier ;
– éventuellement, le jugement de premier degré statuant sur la question de compétence ;
– tous éléments au soutien de la solution proposée à la question de compétence soulevée.
D – Coût de la procédure
1822 • Honoraires de l’avocat fixés librement.
• Frais de signification.
• Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire en matière de contredit mais il est vivement conseillé. Il le sera si la cour décide d’évoquer.
III – Procédure
A – Assistance et représentation
1823 Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire en matière de contredit mais est vivement conseillé. Il le deviendra si la cour décide d’évoquer.
Le choix d’un avocat peut intervenir après le dépôt du contredit.
B – Matières
1824 Le contredit relève de la matière contentieuse d’appel.
C – Compétence
1 – Compétence matérielle
1825 La cour d’appel est matériellement compétente.
2 – Compétence territoriale
1826 La cour d’appel territorialement compétente est celle du ressort de la juridiction de premier degré ayant rendu la décision attaquée.
D – Parties
1827 Le demandeur au contredit ne peut être la partie qui a effectué l’acte de saisine.
Le contredit n’a d’effet qu’à l’égard de la partie qui le forme. Il ne permet pas aux parties qui n’ont pas formé un contredit de critiquer la compétence par voie de conclusions.
L’intervention volontaire ou forcée sur un contredit est inopérante (Cass. 1re civ., 21 oct. 1980 : JurisData n° 1980-705125 ; Bull. civ. 1980, I, n° 261 ; Gaz. Pal. 1981, 1, 266, note Viatte. – Cass. com., 21 mars 1995, n° 92-20.477 : JurisData n° 1995-000697 ; Bull. civ. 1995, IV, n° 93 ; JCP G 1995, IV, 1323).
E – Rédaction de l’acte de saisine
1 – Forme et contenu de l’acte de contredit
a) Écrit remis au greffe
1828 Le contredit doit se présenter, à l’exclusion de toute autre forme, sous un écrit remis au greffe de la juridiction de premier degré.
L’acte de contredit doit être remis au greffe de la juridiction ayant rendu la décision de compétence de premier degré :
– par tradition simple ;
– ou par envoi d’une LRAR (Cass. soc., 3 mars 1983 : JurisData n° 1983-700528 ; Bull. civ. 1983, V, n° 129).
L’acte de contredit peut être signé par l’avocat et non par son client (Cass. soc., 5 déc. 2006, n° 06-40.821 : JurisData n° 2006-036349 ; Bull. civ. 2006, V, n° 370).
Guide du jeune avocat 2017
Auteurs : Sous la direction d’Emmanuel PIERRAT, avocat au barreau de Paris, et la coordination de Lucile BERTIER, avocat au barreau de Paris.
Collectif LexisNexis