LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait de l’ouvrage « Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations »
→ Art. 1305-5
La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires.
L’article 1305-5 précise les effets de la « déchéance du terme » encourue par le débiteur sur ses « coobligés ». La disposition est nouvelle. La solution ne l’est pas.
Inopposabilité de principe de la déchéance du terme aux coobligés. En posant que la déchéance du terme encourue par le débiteur est « inopposable à ses coobligés, même solidaires », le texte vise avant tout les codébiteurs solidaires et codifie sur ce point une solution jurisprudentielle acquise de longue date89. L’idée est que les codébiteurs, même solidaires, n’ont pas à supporter la déchéance « encourue » par un autre (comprendre advenue à sa charge) du fait de sa malveillance ou négligence dans la gestion des sûretés (V. art. 1305-4) ou pour une autre cause. La peine de déchéance, est- on tenté de dire, est personnelle. Rien n’interdit toutefois aux autres codébiteurs de payer avant terme : si la déchéance du terme ne peut en effet leur être opposée, ils peuvent en revanche l’invoquer, ce qui présente pour eux l’intérêt d’ouvrir immédiatement la voie du recours après paiement contre le codébiteur déchu du terme, dont l’insolvabilité est à craindre.
Notion de coobligés. On observera que ce ne sont pas les codébiteurs qui sont visés mais les « coobligés ». À première vue, les expressions sont synonymes. Cela étant dit, dans un sens moins habituel mais techniquement défendable, l’expression « coobligés » comprend, outre les codébiteurs, les garants personnels, au premier rang desquels la caution90. Il semble que ce soit dans ce sens large que le mot a été ici employé91. À vrai dire, l’enjeu est faible. Quand même on déciderait que seuls les codébiteurs sont visés, la solution applicable aux garants n’en serait pas moins la même. Une caution, un porte- fort d’exécution ou l’auteur d’une lettre d’intention ne peuvent pas être tenus de payer immédiatement à la place du débiteur ou être tenus immédiatement responsables au seul motif que le débiteur a été déchu du bénéfice du terme. La solution était consacrée par les tribunaux pour la caution92.
Elle perdura selon toute vraisemblance, d’autant qu’un argument a fortiori tiré du présent texte la renforce désormais : si les codébiteurs, engagés à titre principal, ne peuvent se voir opposer la déchéance du terme, a fortiori doit- il en aller de même des garants engagés à titre accessoire.
Domaine d’application de la règle. La règle d’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés n’apparaît à première vue que comme une précision apportée à l’article précédent. Aussi peut- on être tenté d’en limiter la portée à la seule déchéance pour cause de diminution ou de non- fourniture des sûretés (V. art. 1305-4). Les termes de la présente disposition sont toutefois généraux. Il est donc probable que les tribunaux l’appliqueront au- delà de cette seule hypothèse. Cela ne les conduirait jamais qu’à maintenir la solution qui avait antérieurement cours93. Tout au plus peut- on s’interroger : la solution ne doit- elle pas être différente lorsque le terme disparaît, par application d’une clause du contrat, en raison de la survenance d’un événement extérieur au débiteur ? On pourrait, pour le justifier, rapporter qu’il n’y a pas alors « déchéance » du terme, à titre de sanction, mais simplement disparition du terme par l’effet de la survenance de l’événement à la réalisation duquel était suspendu le report d’exigibilité.
Caractère supplétif de la règle. L’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés n’est pas présentée par le texte comme étant une règle d’ordre public.
Aucun argument de fond ne justifie par ailleurs qu’elle soit traitée comme telle.
Fondée sur la protection des tiers contre un alourdissement de leur engagement, la règle doit pouvoir être écartée par une clause contraire. Les codébiteurs et garants personnels peuvent donc stipuler que la déchéance du terme leur sera opposable.
La jurisprudence antérieure était fermement établie en ce sens94.
(89)Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18.850 (au sujet de la déchéance légale attachée au prononcé d’une liquidation judiciaire). – Adde C. Hannoun et Y. Guenzoui : Rép. civ. Dalloz, V° Terme, 2008, n° 83 et les réf. citées.
(90) Le tiers ayant fourni une sûreté réelle (la caution réelle) devrait en revanche pouvoir se voir opposer la déchéance du terme : il n’est pas un coobligé. En ce sens au sujet d’une hypothèque consentie par un tiers et à propos de la déchéance légale attachée au prononcé d’une liquidation judiciaire : Cass. 1re civ., 4 mai 1999, n° 97-15.378 : JCP G 1999, I, 156, n° 5, obs. Ph. Simler.
(91) V. le rapport au Président de la République : « L’article 1305-5 consacre enfin la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés, même solidaires (ce qui inclut les garants) ».
(92) V. not. Cass. 1re civ., 19 déc. 2006, n° 04-14.487 : Bull. civ. 2006, I, n° 556, qui évoque, à propos d’une caution, le « principe de l’inopposabilité de la déchéance du terme ». – Adde C. Hannoun et Y. Guenzoui, Fasc. préc., n° 83 et les réf. citées.
(93) V. supra, en note, les décisions citées en matière de déchéance attachée au prononcé d’une liquidation judiciaire.
(94) V. not. Cass. 1re civ., 30 oct. 1984, n° 82-14.062 : Bull. civ. 1984, I, n° 290 (clause de déchéance conventionnelle applicable à la caution si le contrat de cautionnement le prévoit). – Cass. com., 8 mars 1994, n° 92-11.854 (déchéance légale attachée au prononcé d’une liquidation judiciaire applicable à la caution si le contrat de cautionnement le prévoit). – Cass. 1re civ., 19 déc. 2006, n° 04-14.487 : Bull. civ. 2006, I, n° 556 (même hypothèse).
Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
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L’ordonnance du 10 février 2016 introduit dans le Code civil 332 nouveaux articles. Elle refond entièrement la partie relative au contrat et crée deux titres, consacrés respectivement au régime général et à la preuve des obligations.