LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait du « Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations »
SECTION 2 – LES EFFETS DU CONTRAT À L’ÉGARD DES TIERS
Suivant un découpage classique, le Code réglemente les effets du contrat à l’égard des tiers après avoir indiqué ceux qu’il produit entre les parties. Le principe de la relativité des contrats, leur opposabilité et la simulation sont l’objet de « dispositions générales » (Sous-section 1), complétées ensuite par des textes plus spécifiques consacrés au porte-fort et à la stipulation pour autrui (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1 – DISPOSITIONS GÉNÉRALES
➜ Art. 1199
Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties.
Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.
Parmi les « dispositions générales » qui ouvrent la Section 2 portant sur « les effets du contrat à l’égard des tiers », l’ordonnance consacre (sans la nommer) la célèbre distinction entre effet relatif et opposabilité, en réservant un sort différent aux obligations contractuelles, d’un côté, et à la situation juridique créée par le contrat, de l’autre.
Reprenant dans une rédaction améliorée l’ancien article 1165 du Code civil, l’article1199 consacre le principe de la relativité du contrat avant d’en préciser les conséquences.
Principe de la relativité du contrat (al. 1er). L’article 1199, alinéa 1er délimite le champ d’application personnel et matériel de la relativité du contrat.
Les sujets concernés sont, comme dans l’ancien article 1165, « les parties ».
L’expression ne signifie pas que seules les parties au moment de la formation du contrat sont obligées à l’exclusion de celles qui acquièrent cette qualité ultérieurement; il va de soi, par exemple, que le cessionnaire d’un contrat est lié par les obligations qui en résultent. L’expression signifie que lorsqu’un contrat est conclu, les obligations créées ne lient que ceux qui ont donné leur consentement. Comme on l’a justement souligné, c’est « le texte d’un moment : celui de la formation du contrat »133.
Il s’agit de borner, à cet instant, le pouvoir de création reconnu aux parties.
La relativité porte non pas sur « l’effet » des contrats en général, comme le prévoyait l’ancien article 1165, mais plus précisément sur les « obligations » créées.
La règle est claire et légitime : les parties ne peuvent pas rendre un tiers créancier ou débiteur. Dit autrement, les tiers ne sauraient être assujettis par le contrat.
Par exemple, l’associé n’est pas tenu envers le créancier avec lequel la société a contracté134.
Grâce à cette nouvelle rédaction, les auteurs de la réforme ont vraisemblablement voulu souligner que si l’effet obligationnel du contrat est relatif, d’autres effets (par ex., la création d’un groupement ou la renonciation à un droit dans une transaction)135 ne le sont pas. En un sens, c’est un progrès par rapport à l’ancien article 1165 qui laissait entendre que le contrat n’avait aucun effet à l’égard des tiers (puisqu’il n’en avait « qu’entre les parties contractantes »). Cela dit, et c’est la limite de cette nouvelle formulation, d’autres effets que l’effet créateur d’obligations sont relatifs. Les contrats ayant pour seul objet de modifier un contrat antérieur ou de céder une dette136 en sont des illustrations.
Conséquences de la relativité du contrat (al. 2). L’article 1199, alinéa 2 tire les conséquences logiques de la règle posée précédemment. Le tiers n’étant pas créancier, il ne peut pas « demander l’exécution du contrat » ; le tiers n’étant pas débiteur, il ne saurait être contraint d’« exécuter » le contrat137.
Ces conséquences sont tempérées par le jeu de la responsabilité délictuelle, qu’il s’agisse de celle d’un cocontractant envers le tiers, ou à l’inverse, de celle du tiers envers l’une des parties. Techniquement, il ne s’agit pas d’une exception car le mécanisme conduit à l’indemnisation d’un dommage et non à l’exécution d’une obligation. Pratiquement, la distinction est parfois subtile.
Le texte réserve en outre l’existence des dispositions contraires « de la présente section138 et de celles du chapitre III du titre IV »139. Le renvoi est exact mais quelque peu trompeur car il existe, en droit positif, d’autres exceptions140.
(133) J. Flour, J.- L. Aubert et E. Savaux, L’acte juridique, Sirey, 16e éd. 2014, n° 423.
(134) V. Cass. 3e civ., 8 nov. 2000, n° 95-18.331 : Bull. civ. 2000, III, n° 168.
(135) V. Cass. soc., 20 nov. 2013, n° 10-28.582 : Bull. 2013, V, n° 277.
(136) V., par ex., Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n° 08-11.093 : Bull. civ. 2009, I, n° 82 (la cession « ne pouvait avoir d’effet à l’égard du créancier qui n’y avait pas consenti »). V. également infra art. 1327-2.
(137) V., par ex., Cass. com., 11 avr. 2012, n° 11-16.441.
(138) V. infra, art. 1205 (stipulation pour autrui).
(139) Le Chapitre III du Titre IV porte sur les « actions ouvertes au créancier ». Les aménagements du principe auxquels l’article 1199, alinéa 2 fait allusion concernent l’action oblique, l’action paulienne et l’action directe. V. infra, obs. ss art. 1341-1, 1341-2 et 1341-3.
(140) V., par ex., à propos du maintien des actes d’administration en dépit de la résolution du contrat (exemple : le maintien d’un bail conclu entre l’acheteur d’un immeuble et un locataire alors que le vendeur obtient la résolution de la vente si bien qu’il se trouve engagé par un contrat auquel il est étranger), T. Genicon, La résolution du contrat pour inexécution, préf. L. Leveneur, LGDJ, 2007, nos 752 et s. et les réf. citées.
Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
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L’ordonnance du 10 février 2016 introduit dans le Code civil 332 nouveaux articles. Elle refond entièrement la partie relative au contrat et crée deux titres, consacrés respectivement au régime général et à la preuve des obligations.