Analyse des principales innovations de l’Ordonnance du 10 Février 2016
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations rénove en profondeur le Code civil de 1804. La réforme, importante tant par le nombre d’articles qu’elle modifie que par les changements qu’elle apporte, suscite de nombreuses interrogations et incertitudes. En effet, elle intègre au sein du Code civil des innovations majeures, et avec elles des questions nouvelles (introduction de l’acte juridique, consécration de nouvelles catégories de contrats, reconnaissance de la période pré-contractuelle, introduction d’un régime de la représentation, consécration de l’abus de dépendance, introduction des clauses abusives, abandon du concept de cause, admission de la révision pour imprévision, nouveaux remèdes, etc.).
Cet ouvrage est constitué d’articles publiés par la Semaine juridique édition Générale dans lesquels d’éminents auteurs apportent une réflexion et un éclairage visant à répondre aux principales difficultés soulevées par les nouvelles dispositions.
Avant-propos
Grâce soit rendue à la vitalité de notre doctrine ! Attendue depuis de longues années, la réforme du droit des contrats a en effet suscité en quelques mois une réflexion d’une ampleur, d’une qualité et d’une diversité tout simplement remarquables. Précédée de très nombreux travaux doctrinaux, et surtout de deux offres de lois auxquelles les noms de Pierre Catala et de François Terré resteront attachés, elle entre désormais dans notre droit comme escortée par ces débroussailleurs de
la première heure. Des colloques, des articles, et déjà des ouvrages, en offrent une exégèse d’autant plus précieuse que ses travaux préparatoires – législation par voie d’ordonnance oblige – se réduisent pour l’essentiel à un Rapport au Président de la République et à un communiqué de presse en conseil des ministres. Il faudrait ajouter les très nombreuses sessions de formation organisées par les cabinets d’avocats ou les associations professionnelles à destination de leurs membres. L’intérêt porté à l’ordonnance du 10 février 2016 montre ainsi combien le contrat est l’instrument– juridique – par excellence de toute relation humaine. Voilà pourquoi, bien au-delà du seul droit civil, la réforme impose sa présence à la plupart des branches du droit, droit des sociétés, des assurances, de la distribution, droit du travail ou propriété littéraire et artistique, etc.
Le présent ouvrage constitue ainsi le recueil des articles publiés par la Semaine juridique entre la publication de la réforme et son entrée en vigueur. La feuille de route proposée aux auteurs leur suggérait de s’attarder sur les ombres et les incertitudes des nouvelles dispositions. Le choix même des thèmes a procédé de cette volonté de faire porter la réflexion sur les questions soulevées par la réforme. Le résultat, que chacun pourra ici apprécier, a semblé justifier qu’un seul ouvrage se fasse le réceptacle de ces analyses, pour en faciliter le recours. Dans cette période d’acclimatation des esprits, celle qui fait le pont entre la date de publication de la réforme et celle de son entrée en vigueur, les interrogations n’ont pas manqué. Certains ont même proposé que le texte soit réformé avant son entrée en vigueur, afin de porter remède aux défauts qui l’affecteraient.
Le vote de la loi de ratification pourrait ainsi fournir l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier, une fois de plus. Puisque ladite loi n’a toujours pas été votée,la proposition reste d’actualité. Il faut toutefois espérer qu’elle reste lettre morte plutôt que d’ouvrir une boite de Pandore dont pourrait bien s’échapper une kyrielle de modifications non maîtrisées, et avec elles, le risque d’introduire dans le texte des changements dépourvus de pertinence. Que dire des amendements au texte en provenance d’un parlement empêché d’en être l’auteur ? Serait-il vraiment judicieux de lui donner l’occasion de corriger le gouvernement ? Le temps
de la réforme est désormais passé. La consultation de place, particulièrement féconde – plus de 300 contributions reçues par la Chancellerie, près de dix versions différentes de l’Ordonnance dans cette période -, a eu lieu et avec elle les choix effectués. En matière de législation, les sessions de rattrapage, rarement efficaces, signent l’insécurité juridique. L’effaceur n’est pas dans la trousse du bon législateur.
C’est maintenant le temps de la jurisprudence qui se met en branle. À elle de mettre en application les nouvelles règles, les nouveaux mécanismes et les nouvelles notions que la réforme a consacrés. Le travail est considérable. La doctrine, dont le temps n’est pas compté, lui offre déjà un soutien précieux. Gageons que le présent ouvrage servira à guider les premiers interprètes.
Nicolas Molfessis
Libres propos sur la réforme du droit des contrats
Auteurs : Collectif LexisNexis
Date de parution : Décembre 2016